Les tribunes

Titre Les tribunes
Sur la piste des Sioux Par Hélène Lafont-Couturier

Sur la piste des Sioux

Par Hélène Lafont-Couturier

Sur la piste des Sioux Par Hélène Lafont-Couturier

Hélène Lafont-Couturier est conservateur du patrimoine et directrice du musée des Confluences à Lyon. Dans cette tribune, elle présente l’exposition Sur la piste des Sioux, ouverte depuis le 22 octobre 2021 et jusqu’au 28 août 2022. Sur la piste des Sioux explore la façon dont la surreprésentation des indigènes des plaines d'Amérique du Nord a conduit à ce qu’ils incarnent, à eux seuls, la figure mythique de l’« l’Indien d’Amérique ». L’exposition décrit comment cette image s’est construite, en Europe et en France, tout en la confrontant avec l’histoire et l’évolution de la condition des nations indiennes en Amérique du Nord.

Dans notre imaginaire les Sioux ont longtemps été désignés comme « les Indiens d’Amérique ». Gravures, récits de voyages, cinéma, romans, spectacles, images publicitaires ou même dans les bandes dessinées ont largement contribué à cette dénomination et à la diffusion d’une certaine image de l’Indien. Depuis les premiers contacts et premières représentations jusqu’à la culture populaire contemporaine, en passant par les célèbres shows itinérants de Buffalo Bill et le village indien présent à Bruxelles lors de l’Exposition universelle en 1935, cette exposition invite à comprendre comment les images se fabriquent, et comment par la force de leur visuel, elles s’imposent au récit historique, et finalement le recouvrent.

Le parcours confronte de manière chronologique nos représentations occidentales à la situation des Indiens, sur leurs terres d’origine, selon les époques, pour mieux déconstruire la vision caricaturale qui les a longtemps accompagnés.

L’exposition s’ouvre par un diorama, plongeant le visiteur directement dans l’imaginaire collectif stéréotypé de la figure de l’Indien d’Amérique. Deux bisons naturalisés galopant dans un coucher de soleil flamboyant côtoient un tipi où s’animent des silhouettes d’Indiens en ombre chinoise, illustrant une sélection de mots – que nous devons aux langues amérindiennes – parmi les plus cités par les Français pour décrire les cultures des populations natives de la moitié nord du continent américain. Pour élaborer cette ouverture des plus visuelles, le musée des Confluences s’est appuyé sur une enquête du CREDOC menée en 2020.

Le parcours débute par les premières représentations des Indiens. Des gravures de Théodore de Bry aux portraits d’Edward Curtis, une cinquantaine d’œuvres (peintures, gravures, sculptures, lithographies, photographies, livres ou périodiques) de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle en témoignent. L’exposition s’ouvre ensuite de manière spectaculaire sur une grande arène évoquant la force des spectacles des Wild West Shows. Point d’orgue du parcours, cet espace sert d’écrin à l’exceptionnel ensemble de 150 pièces rassemblées et parfaitement documentées par le collectionneur belge François Chladiuk : coiffes, vestes, gilets perlés, parures et instruments de musique ayant appartenu à un groupe de Sioux lakotas — hommes, femmes et enfants — présents à Bruxelles en 1935, en marge de l’Exposition universelle et internationale.

Cette histoire, il a cherché à la comprendre, documentant patiemment chacun de ces objets, pour leur redonner sens, et faire reprendre vie à ceux et celles venus en représentation dans la lointaine Europe. Se faisant, il a su retrouver leurs descendants dans le Dakota du Sud et tissé une relation d’amitié avec la famille Littlemoon, et tout particulièrement avec Walter Littlemoon qui était présent lors de l’inauguration de cette exposition avec une prise de parole en lakota.

L’image des Indiens véhiculée par le show et ses affiches gagne progressivement les foyers français au travers de la publicité et de la culture populaire (chromolithographie, bandes dessinées...). L’espace cinéma interroge l’évolution du regard hollywoodien.

Le parcours se termine avec le témoignage d’Arthur Amiotte, artiste lakota et arrière-petit-fils d’acteurs des Buffalo Bill’s Wild West, qui en utilise les codes et les images d’archives dans ses créations artistiques. C'est ce cheminement d'emprunts et d'empreintes, qui comporte d’autres nombreux exemples, que l’exposition propose de découvrir en suivant la piste des Sioux.

On retrouvera en parallèle l'exposition à l'AfricaMuseum à Bruxelles (Belgique) qui présente également cette présence des « Indiens » dans les zoos humains : Zoo Humain. Au temps des exhibitions coloniales