Les tribunes

Titre Les tribunes
« L'olympisme, une autre histoire du monde ? » par Nicolas Bancel

« L'olympisme, une autre histoire du monde ? »

par Nicolas Bancel

« L'olympisme, une autre histoire du monde ? » par Nicolas Bancel

L’ouvrage Une histoire mondiale de l’olympisme (1896-2024), publié aux éditions Atlante et Atlantique, dirigé par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane, rassemble une trentaine des meilleurs spécialistes de l’olympisme, venus de divers horizons disciplinaires. L’ambition de cet ouvrage, qui s’inscrit dans le programme « Histoire, Sport & Citoyenneté » de la CASDEN Banque Populaire animé par le Groupe de recherche Achac, est de proposer une autre histoire du monde, à travers des séquences chronologiques qui plongent le lecteur dans les grands enjeux historiques de chaque période, au prisme de l’olympisme. L’ouvrage sera présenté par trois de ses directeurs à Poitiers, à l’espace Mendès France, le 28 mars 2023 à 18h.

Depuis sa création au XIXe siècle, le CIO est l’une des plus anciennes institutions sportives internationales et désormais la plus puissante organisation sportive à vocation mondiale. S’étendant progressivement à tous les continents, les Jeux Olympiques sont devenus l’événement sportif le plus suivi au monde. Avant de devenir un mega-event, l’olympisme a traversé toutes les époques, passant d’un statut secondaire lorsque les Jeux Olympiques, jusqu’en 1912, se déroulaient au sein d’une exposition universelle ou internationale jusqu’à son autonomisation à partir de cette date et son extension irrépressible, géographique, économique et culturelle.

Les principaux enjeux de chaque époque résonnent au cœur même des Jeux Olympiques. Des premiers Jeux en 1896 à Athènes, utilisés par le gouvernement de la jeune nation grecque comme moyen d’affirmation de sa place en Europe en passant par les Jeux de Saint Louis en 1904, imposant la puissance américaine tout en exposant les enjeux de la ségrégation raciale et jusqu’aux Jeux annulés de 1916 en raison de la Première Guerre mondiale ; des « Jeux des vainqueurs » à Anvers en 1920 aux Jeux de Los Angeles en 1932 marqué par la crise économique mondiale jusqu’aux Jeux de Berlin en 1936 qui deviennent une arme de propagande en faveur du nazisme et des pays totalitaires européens : les Jeux Olympiques sont devenus, durant cette période, un véritable enjeu géopolitique et de politique étrangère, ils constituent désormais aussi, avec leur popularisation exponentielle, un vecteur d’unité nationale qui actualise la confrontation entre des nationalismes agressifs et des démocraties fragilisées. Grand absent durant cette période, l’URSS, qui méprise ouvertement le « sport bourgeois » et édifie ses propres structures et manifestations sportives.

L’après-Seconde Guerre mondiale marque les Jeux Olympiques du sceau de la Guerre froide, dès les Jeux de Londres en 1948 et surtout lors des Jeux Olympiques d’Helsinki qui voient le retour en force de l’URSS et de plusieurs nations du « bloc de l’Est », confrontation qui se prolonge jusqu’aux Jeux de Séoul en 1988, avant la chute du mur de Berlin en 1989. Espace d’affrontement de deux modèles de sociétés irréconciliables, les systèmes sportifs se transforment dans les nations les plus puissantes, avec l’apparition d’« athlètes d’État » chargés de faire triompher l’idéologie qu’ils incarnent. Mais cette période est aussi celle des décolonisations et l’apparition de nouveaux acteurs, qui utilisent le sport en interne et les Jeux en externe pour affirmer le fait national. C’est le temps des boycotts, avec l’émergence d’une « Afrique puissance » lors des Jeux de Montréal en 1976, au cours desquels un boycott de la plupart des pays africains se concrétise pour protester contre les compromissions de la Nouvelle-Zélande avec l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Ce sont les boycotts successifs des États-Unis aux Jeux de Moscou en 1980 – pour dénoncer l’invasion soviétique en Afghanistan (1979) – et le contre-boycott organisé en représailles par l’URSS à l’occasion des Jeux de Los Angeles en 1984. La situation terriblement tendue au Moyen-Orient s’invite aux Jeux de Munich en 1972 – censés réhabiliter définitivement la nouvelle Allemagne démocratique – marqués par le terrible attentat perpétré par le commando palestinien Septembre noir.

Enfin, la période de l’après-Guerre froide est caractérisée par la professionnalisation acceptée par le CIO des athlètes olympiques, le gigantisme et la médiatisation toujours plus intense et mondialisée des Jeux Olympiques et l’apparition de nouveaux acteurs majeurs tels la Chine qui organise les Jeux de Pékin en 2008, dans un monde multipolaire où les tensions mondiales se sont déplacées de l’affrontement Est-Ouest vers une pluralité de conflits régionaux – telle la confrontation de basse intensité entre les deux Corées – ou économiques et de dimension mondiale – telle la concurrence acharnée que se livrent les États-Unis et la Chine.

L’histoire de l’olympisme est aussi celle du CIO et de son évolution très progressive, aux prises avec les développements transnationaux de questions qui continuent encore aujourd’hui à travailler l’institution. La place des femmes dans les Jeux est de celles-ci. Se heurtant au conservatisme du CIO et de son fondateur, les sportives vont devoir s’imposer dans le giron de l’olympisme, qui résistera longtemps à l’élargissement massif des disciplines olympiques ouvertes aux femmes. Les Jeux de Paris en 2024 seront les premiers à être totalement paritaires. La question complexe des minorités sexuelles se pose également depuis une vingtaine d’années à l’olympisme, comme celle du dopage ou la promotion de pays non démocratiques ou ne respectant pas les droits humains auxquels le CIO a accordé souvent le privilège d’accueillir les Jeux.

Face à ces questions, auxquelles s’ajoutent un enjeu écologique désormais pressant mais aussi la concurrence d’organisations sportives privées mondialisées qui lui font ouvertement concurrence, quel sera l’avenir des Jeux et du CIO ? En conclusion, cet ouvrage propose plusieurs perspectives, de la réinvention à la disparition.

SOMMAIRE

 

Préface, Antoine Petit

Introduction, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire & Stéphane Mourlane

 

Partie 1 : Des Jeux Olympiques sous influences (1896-1920) 

  • Le rétablissement des Jeux Olympiques (Athènes 1896), Christina Koulouri
  • Les Jeux Olympiques de 1900 ont-ils eu lieu ?, Pascal Ory
  • Les Jeux Olympiques de St. Louis 1904 et l’enjeu anthropologique, Fabrice Delsahut
  • Berlin 1916 et Anvers 1920 : de la guerre à la paix ?, Michael Krüger
  • Perspectives : Les valeurs olympiques. Un enjeu et un héritage, Michaël Attali

 

Partie 2 : L’Europe des totalitarismes (1920-1945) 

  • Paris 1924, entre parcimonie et rayonnement français, Paul Dietschy
  • Los Angeles 1932, les États-Unis entrent en scène, Philippe Tétart
  • Berlin 1936, une victoire du nazisme ?, Daphné Bolz
  • “Vaincre et nous vaincrons”. L’Italie fasciste au miroir de l’olympisme, Stéphane Mourlane
  • Perspectives : Contrepoint rouge ou les tentatives soviétiques de créer des Jeux Olympiques prolétaires (1921-1951), Didier Rey

 

Partie 3 : L’impact de la guerre froide (1945-1984) 

  • Les Jeux Olympiques dans la guerre froide (1948-1976), Sandrine Lemaire et Guillaume Bourel
  • Défendre les lauriers, vaincre dans l’ombre. Les États-Unis et les Jeux Olympiques (1972-1984), François Doppler-Speranza
  • L’URSS et l’organisation des Jeux Olympiques face aux défis de la guerre froide, Yannick Deschamps
  • L’Afrique et les Jeux Olympiques avant les décolonisations (1945-1960), Pascal Charitas
  • Perspectives : Le CIO à l’épreuve de la guerre froide : entre remise en question et évolutions, Carole Gomez

 

Partie 4 : Revendications et ruptures (1968-1990) 

  • Mexico 68. Le basculement de l’ordre du monde, Pascal Blanchard
  • Montréal 1976, l’affirmation d’une “puissance africaine” ?, Nicolas Bancel
  • L’Afrique et les Jeux Olympiques après les décolonisations (1960-1990), Sylvère-Henry Cissé
  • Le temps des boycotts, Dominic Thomas
  • Séoul 1988, croisement d’époques, Yvan Gastaut
  • Perspectives : Le CIO et la lutte contre le dopage, Fabien Ohl

 

Partie 5 : Les défis du gigantisme (2000-2020) 

  • Pékin 2008, la Chine entre enjeux, Gabriel Bernasconi
  • Londres 2012, des Jeux Olympiques exemplaires ?, Vassil Girginov
  • Mondialisation et évolution de la gouvernance du CIO, Emmanuel Bayle
  • Les Jeux Olympiques de Tokyo et l’épidémie COVID-19, Gilles Boëtsch
  • Perspectives : Les impacts du professionnalisme, Pierre-Olaf Schut

 

Partie 6 : Enjeux et problématiques olympiques

  • Paralympisme et Olympisme. Pour une histoire-monde de la mise en spectacle des performances extraordinaires, Anne Marcellini
  • CIO et lex sportiva, Didier Poracchia
  • L’avenir (non) durable des Jeux Olympiques, Sven Daniel Wolfe, David Gogishvili et Martin Müller
  • Sexe, genre et performance olympique : des contrôles de sexe imposés aux sportives, Anaïs Bohuon
  • La question de l’apolitisme du CIO face aux régimes non démocratiques, Lukas Aubin

 

Postface & conclusion : L’olympisme, un avenir ?, Georges Vigarello