Histoire des préjugés

L’ouvrage Histoire des préjugés (Les Arènes, 2023) a été publié sous la direction de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit. L’historienne et journaliste de formation a notamment publié Jours de Guerre, 1914-1918 (Les Arènes, 2013) avec Jean-Noël Jeanneney. Xavier Mauduit, agrégé et docteur en histoire, auteur et animateur, est le producteur de l’émission « Le cours de l’histoire » sur France Culture. Ils rassemblent, dans cette édition, 37 historiens et historiennes, qui s’attèlent à éclaircir, en vue de déconstruire, l’origine de certains préjugés entendus au quotidien. Ils reviennent sur l’histoire de la construction de ces préconçus illustrant comment, par des mécanismes divers, une idée reçue s’inscrit dans les imaginaires et les représentations comme vérité générale, jusqu’à entraîner des répercussions directes, et souvent néfastes sur la vie des groupes concernés.

 

Pour débuter la réflexion, les auteurs rappellent la définition d’un préjugé, à savoir une « opinion hâtive et préconçue souvent imposée par le milieu, l’époque, l’éducation, ou due à la généralisation d’une expérience personnelle ou d’un cas particulier ». Dès lors, il est donné que le préjugé est une croyance collective, sociale, et non la manifestation d’un jugement individuel. Le fait que cette croyance puisse résulter d’une expérience personnelle et être étendue à l’entièreté d’un groupe, illustre le danger de l’ignorance et de la méfiance vis-à-vis de l’inconnu, de l’« Autre ».

À la lecture du sommaire, appelé « Table des préjugés », il ressort que les groupes visés par les préjugés sont généralement des groupes minoritaires, ou alors minorisés, du fait d’une représentation sociale ou politique moindre. Ces groupes sont fondés sur une ou des caractéristiques communes, permettant de les constituer en un ensemble, supposément homogène, vers lequel va opérer le stigmate. À titre d’exemple, l’origine, la « race », le genre, l’orientation sexuelle, la classe sociale ou le statut, des particularités physiques etc. font partie des principaux critères invoqués.

Les préjugés, formulés sous forme assertive, associent un groupe à un défaut, une caractéristique socialement désapprouvée ou dévalorisée. Parmi ces préjugés, nombreux sont ceux qui renvoient à une origine ou un groupe racial. Par exemple, au sujet des Noirs, il est possible de lire qu’ils « ne pensent qu’au sexe » (Pascal Blanchard), « sentent fort » (Eugénie Briot), ou « sont serviles par nature » (Ousmane Traoré). Les historiens et historiennes retracent la genèse de ces stéréotypes, prenant parfois leurs racines dans la religion, dans la science, ou dans l’instrumentalisation de la science au service d’une idéologie raciste. Certaines croyances se sont propagées à travers une pluralité de médiums, jusqu’à être totalement normalisées dans la société. De cette façon, le racisme est devenu la norme, puisque se sont inscrites dans les imaginaires toutes les justifications religieuses, scientifiques, politiques, économiques etc. de l’infériorisation des Noirs, leur déshumanisation. La propagation de ces idées, ainsi que les sources diversifiées supposées appuyant leur fondement, leur ont conféré une certaine légitimité.

Bien que des évolutions scientifiques, sociétales aient permis de revenir, dans certains cas, sur le bienfondé de telles croyances, les préjugés ont la vie dure, et prennent souvent le dessus sur le raisonnement rationnel. Il est d’autant plus difficile de se détacher de ces croyances qu’elles ont infusé l’ensemble des champs de la société et continuent à être diffusées par le biais des moyens de communication, à l’image de la télévision, la publicité, ou encore sont mobilisées dans des productions comme le cinéma, la musique, la pornographie etc. L’existence de ces préjugés et leur reconnaissance sociale amènent à ce qui est appelé l’effet de « menace du stéréotype ». Cette théorie, élaborée par le psychologue américain Claude Steele, explique que les individus d’un groupe sujet à un stéréotype sont à risque de s’y conformer, ou d’être influencé dans leurs comportements par ledit stéréotype. La fonction performative d’un préjugé s’illustre alors, dépassant les seules frontières de l’imaginaire.

Apparaît ainsi une des conséquences des préjugés : ils causent un traitement différencié d’un groupe en raison d’une caractéristique, d’une différence effective ou supposée. Autrement dit, les préjugés sont source de discrimination. L’imprégnation dans les imaginaires de certaines croyances défavorables à des groupes particuliers se concrétise dans les faits. C’est aussi dans cette perspective que les auteurs du livre se sont penchés sur l’étude de l’origine des préjugés, afin de mieux les déconstruire, d’en comprendre la source, d’en remettre en question les fondements.

 

 

 

Table des préjugés :

 

Introduction - Jeanne Guérout et Xavier Mauduit

Les hommes et les femmes préhistoriques vivaient comme des bêtes - Jean-Paul Demoule

Les barbares sont des vandales - Bruno Dumézil

Les Gaulois sont râleurs et bagarreurs - Jean-Paul Demoule

On se croirait revenu au Moyen Âge - Michel Pastoureau

Les Noirs sont serviles par nature - Ousmane Traoré

La syphilis est un mal italien - Jean-Noël Fabiani-Salmon

Les Indiens d’Amérique sont paresseux - Laurent Vidal

La Mauresque s’en va toujours seins nus - Christelle Taraud

Les roux sont faux et sentent mauvais - Michel Pastoureau

La gastronomie est une affaire d’hommes - Florent Quellier

Les Chinois sont fourbes - Clément Fabre

Les femmes sont hystériques - Yannick Ripa

Les aristocrates sont réactionnaires - Antoine de Baecque

Les pauvres vivent sur le dos des riches - Gérard Noiriel

Les Anglais sont excentriques - Diana Cooper-Richet

Les femmes qui se parfument sont dangereuses - Eugénie Briot

Les artistes sont des parasites - Martial Poirson

Les Tsiganes sont des voleurs de poules et d’enfants - Adèle Sutre

Les Noirs ne pensent qu’au sexe - Pascal Blanchard

Les gauchers sont maladroits - Laurent Turcot

Le vert porte malheur - Michel Pastoureau

Les criminels ont une sale gueule - Jeanne Barnicaud

Les riches gouvernent la France - Jean-Noël Jeanneney

Les Japonais sont suicidaires - Gérard Siary

Les musulmans ne peuvent pas vivre sans calife - Jean-Pierre Filiu

Les Chinois mangent du chien - Florent Quellier

Les Noirs sentent fort et les Bancs sentent la mort - Eugénie Briot

Les Américains sont puritains - Emmanuelle Perez Tisserand

Les Français sont arrogants et mal élevés - Diana Cooper-Richet

Les belles-mères, toutes des peaux de vache ! - Yannick Ripa

Les Tchèques se prennent pour le cœur de l’Europe… - Antoine Marès

Les intellectuels sont déconnectés du réel - Xavier Mauduit

Les Juifs ne se soutiennent qu’entre eux - Katell Berthelot

Les Allemands sont des ploucs - Ruth Florack

Les Arabes sont violents - Jean-Pierre Filiu

Les homosexuels sont tous efféminés - Gérard Noiriel

Les banlieusards sont des racailles - Martial Poirson

Les Africains n’ont pas d’histoire - Bénédicte Savoy

Les prêtres ont le diable au corps - Myriam Deniel-Ternant

Sale et lubrique comme un porc - Michel Pastoureau

Les Aborigènes à la peau claire ne sont pas de vrais Aborigènes - Xavier Pons

Les Italiens ne savent pas se battre - Catherine Fabrice

Les immigrés veulent islamiser l’Europe - John Tolan

L’art contemporain n’est pas vraiment de l’art - Martial Poirson

Pommie Bastards ! - Xavier Pons

Les Mexicains sont des criminels violents - Emmanuelle Perez Tisserand

Les gros manquent de volonté - Jeanne Guérout

Les Beatles sont bien élevés et les Rolling Stones sont des voyous - Michel Assayas

Les réfugiés profitent du système - Delphine Diaz

Les vaccins sont dangereux pour la santé - Jean-Noël Fabiani-Salmon

Les écologistes sont contre le progrès - Françoise Jarrige

Les végétariens sont des gens tristes - Florent Quellier

Un homme, ça ne pleure pas - Martial Poirson

Les Indiens vivent dans la crasse - Charlotte Thomas

Les Russes ont besoin d’un homme à poigne - Sabine Dullin

La langue française est fichue - Bernard Cerquiglini

 

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