Sports & diversités, films

Les films

Les Bleus. 
Une autre histoire de France (1996-2016)

Les grandes épopées des équipes nationales sont des moments de communion collective que peu d’événements sont capables de générer. L’histoire des Bleus ces vingt dernières années n’échappe pas à la règle : elle a fédéré dans la joie en 1998, dans l’incompréhension en 2006, dans la douleur en 2010 et dans l’espoir pendant l’été 2016. Ces évènements marquent profondément le temps et de leur époque. Ce documentaire retrace l’avènement de la génération Zidane en 1996, jusqu’aux larmes d’Antoine Griezmann face au Portugal en finale de l’Euro 2016, en passant par le 12 juillet 1998 sur les Champs-Élysées ou le terrain d’entraînement de Knysna en Afrique du Sud ; il revient sur les moments forts de l’équipe de France, entre cohésion et rupture.

Les Bleus. Une autre histoire de France (1996-2016), Pascal Blanchard, Sonia Dauger et David Dietz  Black Dynamite Productions/France Télévisions (2016)
Poster vidéo : Les Bleus. Une autre histoire de France (1996-2016), Pascal Blanchard, Sonia Dauger et David Dietz  Black Dynamite Productions/France Télévisions (2016)
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Série Champions de France

Ils ont gagné pour la France depuis plus d’un siècle. Depuis plus d’un siècle, des champions asiatiques, africains, maghrébins, polynésiens, de l’océan Indien ou des Caraïbes ainsi que de toute l’Europe, jouent et battent des records sur tous les terrains lors de compétitions européennes, mondiales ou olympiques, que ce soit dans des clubs français, ou même au sein de l’équipe de France. À l’occasion de l’année qui précède les Jeux Olympiques d’été de 2016 à Rio de Janeiro au Brésil, de l’Euro 2016 en France, c’est une plongée au cœur de ces diversités, c’est un hommage à ces champions d’hier et aux diversités de la France d’aujourd’hui qui est proposé…

Rachid Bouchareb et Pascal Blanchard 
Tessalit Films/France Télévisions (2015)

45 épisodes

Série Champions de France, Rachid Bouchareb et Pascal Blanchard Tessalit Films/France Télévisions (2015)
Poster vidéo : Série Champions de France, Rachid Bouchareb et Pascal Blanchard Tessalit Films/France Télévisions (2015)
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Yannick Noah (né en 1960)

 

Yannick Noah naît le 18 mai 1960 à Sedan. Son père Zacharie Noah, camerounais, est un footballeur professionnel dans le club local et sa mère Marie-Claire est une enseignante originaire de la région. En 1963, trois ans après l’indépendance, la famille s’installe à Yaoundé ’et Yannick Noah s’initie au tennis. Une rencontre avec l’Afro-Américain Arthur Ashe, premier grand joueur de tennis noir, le convainc de consacrer sa vie à ce sport. Pour cela, il quitte le giron familial pour la France à 12 ans et intègre la section tennis-études du lycée du Parc-Impérial à Nice. Doté de qualités physiques exceptionnelles, il intègre le circuit professionnel en 1978, à 18 ans. Il remporte ses premiers tournois et, en 1982, figure parmi les 10 meilleurs joueurs mondiaux. Cette année-là, il mène l’équipe de France en finale de la Coupe Davis, pour la première fois depuis 49 ans.

Ses résultats sportifs, autant que sa personnalité détonante, en font une vedette médiatique. L’année 1983 est celle de la consécration : le 5 juin, il remporte le tournoi de Roland-Garros face à Mats Wilander, une première pour un Français depuis près de 40 ans. Pour L’Équipe, « Une étoile est née ! » La célébration en héros national d’un joueur métis, arborant dreadlocks et couleurs de son pays d’origine aux poignets, surpasse pour un moment les sentiments xénophobes qui traversent alors la société française. La suite de sa carrière est moins flamboyante, marquée notamment par des blessures. Il atteint néanmoins son meilleur classement en se hissant au 3e rang mondial en 1986.

Il arrête sa carrière en 1991 pour devenir capitaine de l’équipe de France de tennis. La même année, la France remporte la Coupe Davis face aux États-Unis. Cet exploit est réitéré en 1996. Dans le même temps, Yannick Noah se consacre à sa passion pour la musique. Le coup d’essai est un coup de maître : en 1991, sa première chanson, Saga Africa, est un immense succès et lance sa nouvelle carrière. Des courts de tennis à la scène, Yannick Noah s’impose comme l’une des personnalités préférées des Français, prenant régulièrement la parole sur des grands sujets de société.

Yannick Noah raconté par Audrey Pulvar

Allan Muhr (1882-1944) 

Né en 1882 à Philadelphie, au sein d’une famille juive américaine venue s’installer à Paris à la Belle Époque, Allan Muhr est un sportif qui excelle dans de multiples disciplines. Amateur de sports automobiles, il est aussi un excellent joueur de tennis qui remporte de nombreux tournois entre 1901 et 1909. Son niveau est tel qu’il devient capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis en 1912, 1922 et 1923 et sera l’âme des mythiques Mousquetaires.

Ayant obtenu la nationalité française, Allan Muhr pratique également le rugby de haut niveau dans les clubs français. Il participe ainsi aux premiers pas de l’équipe de France. Joueur du Stade français puis du Racing Club de France, où il devient un emblématique capitaine, Allan Muhr est surnommé « le Sioux » en raison de sa physionomie singulière et de son pays d’origine. Il est aligné à trois reprises sous le maillot bleu. En position de 2e ligne, il ne connaît que d’écrasantes défaites : en 1906 au Parc des Princes face aux All Blacks, puis contre l’Angleterre en 1907. Il honore cependant à cette occasion sa sélection en devenant le premier tricolore à marquer un essai à l’extérieur face aux Anglais, les inventeurs du rugby.

Entre 1911 et 1919, Allan Muhr est reconnu comme l’un des sélectionneurs les plus imaginatifs du XV de France. Proche de Pierre de Coubertin, il joue un rôle important dans l’organisation des Jeux olympiques de 1924. Le rugby étant alors discipline olympique, la finale oppose l’équipe des États-Unis, composée essentiellement de joueurs de football américain, aux Bleus : le 18 mai 1924, Allan Muhr assiste, tiraillé, à la victoire des Américains. Il lâchera cette phrase à l’issue du match : « C’est ce que l’on peut faire de mieux sans couteaux ni révolvers. » Avec l’entrée en guerre des États-Unis en 1942, il devient commandant de l’armée américaine au sein des services de la Croix Rouge en France. Déporté le 21 mai 1944 vers le camp de concentration de Neuengamme, près de Hambourg, il y meurt de faim le 29 décembre de la même année. À la Libération, la France promeut Allan Muhr au titre de Commandeur de la Légion d’honneur à titre posthume et rend hommage à ce précurseur hors norme du sport en France.

Allan Muhr raconté par Abdellatif Benazzi

Lilian Thuram (né en 1972) 

Lilian Thuram est né le 1er janvier 1972 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, dans un milieu très modeste. Sa mère décide de partir travailler en métropole en 1980, bientôt rejointe par ses fils. Lilian Thuram a 8 ans, et il subit ses premiers quolibets racistes, ce qui le marque profondément. Cette prise de conscience sera, avec le football, la préoccupation de toute sa vie. Bientôt installé dans un quartier populaire d’Avon, en Seine-et-Marne, il joue avec le club local, les Portugais de Fontainebleau, puis au Racing Club de Fontainebleau et à Melun. Remarqué rapidement, il signe en 1990 – il a alors 18 ans – à l’AS Monaco, en Division 1. En 1996, sa carrière prend une nouvelle dimension : il rejoint d’abord le Parme FC, avec lequel il conquiert deux Coupes d’Italie (1999, 2001) et la Coupe de l’UEFA 1999. Élu meilleur défenseur du championnat en 1998, il est recruté par la Juventus de Turin en 2001. Il décroche deux championnats d’Italie (2002, 2003) et est finaliste de la Ligue des champions 2003.

En 2006, il part au FC Barcelone, probablement alors le meilleur club d’Europe, avec lequel il joue jusqu’en 2008. Mais sa plus grande aventure, il la vit avec les Bleus. Sélectionné dès 1994, Lilian Thuram totalise le nombre faramineux de 142 sélections en Équipe de France, record actuel. Son plus beau trophée est évidemment la Coupe du monde 1998, avec ses deux buts donnant la victoire aux Tricolores contre la Croatie (2-1) en demi-finale – les deux seuls de sa carrière en bleu ! – qui permettent à la France d’accéder à la finale. Il remporte ensuite le Championnat d’Europe 2000 et sera finaliste de la Coupe du monde 2006. En 2008, alors qu’il devait rejoindre le PSG, il est contraint d’arrêter sa carrière en raison d’un problème de santé. Lilian Thuram s’est depuis complètement investi dans la lutte contre le racisme en créant, en 2010, la Fondation Lilian Thuram – Éducation contre le racisme, qui entreprend de nombreuses actions dans les écoles. Il publie, en 2010, le livre Mes Étoiles noires, dans lequel il propose des biographies d’hommes et de femmes noirs remarquables et souvent oubliés. Le combat contre le racisme est celui de toute sa vie.

Lilian Thuram raconté par Rokhaya Diallo

L’équipe de France féminine de basket 

L’équipe de France féminine de basket offre à la France la première qualification d’une équipe de sport collectif féminine pour les Jeux Olympiques de 2000, grâce à sa finale aux championnats d’Europe en 1999 face aux Polonaises qui évoluent à domicile, perdant néanmoins sur un score très serré de 59 à 56. Cette équipe de France va ajouter deux titres de championne d’Europe à son palmarès, en 2001 en France et en 2009 en Lettonie. Son premier titre a été acquis contre sa « bête noire » la Russie, en remportant la finale sur le score de 73 à 68.

Après de nombreuses déceptions, l’équipe est rajeunie pour les qualifications de l’Euro 2009, avec depuis 2002 l’appui de la Franco-Sénégalaise Émilie Gomis et de la Germano-Camerounaise Emmeline Ndongue, meilleure marqueuse pendant ces qualifications disputées en Lettonie. La préparation pour cet Euro est réduite, la date de la compétition ayant été avancée. Les Bleues, après quelques rencontres serrées qui les conduisent à se donner le surnom de « braqueuses », avec notamment la Béninoise Isabelle Yacoubou, la Franco-Polonaise Pauline Krawczyk ou la joueuse d’origine camerounaise Nwal-Endéné Miyem, se qualifient néanmoins pour la finale face aux Russes, tenantes du titres. La France mène toute la rencontre et résiste pour l’emporter 57 à 53. Sandrine Gruda – désignée meilleure joueuse de l’année 2009 par la FIBA Europe – et Céline Dumerc sont également honorées à titre individuel en étant élues dans le meilleur cinq de la compétition.

En 2011, aux championnats d’Europe, leur titre est remis en jeu, mais après un parcours en dents de scie, l’équipe décroche seulement la médaille de bronze. Cependant, en 2012, aux Jeux olympiques de Londres, la France accomplit une performance historique en atteignant la finale. Opposées aux Américaines, l’équipe féminine qui possède le plus grand palmarès international avec sept titres olympiques et huit titres de championnes du monde, les Françaises s’inclinent sur le sévère score de 86 à 50 après avoir résisté dans le premier quart temps. Avec cette médaille d’argent, les basketteuses offrent néanmoins à la France sa première médaille olympique pour un sport collectif féminin. Vice-championne olympique en 2012, la France est vice-championne d’Europe en 2013 en s’inclinant face à l’Espagne 70 à 69, pour ce qui constitue son 4e podium et sa 3e finale sur les cinq dernières compétitions internationales. L’avenir appartient à cette équipe soudée, riche de sa diversité.

L’équipe de France féminine de basket racontée par Smaïn

Abdelkader Zaaf (1917-1986) 

Coureur cycliste réputé, Abdelkader Zaaf naît en 1917 dans l’Algérie coloniale, à Chebli dans la wilaya de Blida. Ses qualités de cycliste lui valent de remporter de nombreux critériums amateurs en Algérie. Membre du Vélo Club Musulman, il devient champion de France amateur sur route en 1942 et 1947 tandis qu’en 1946, il est sacré champion d’Algérie. Ces victoires lui permettent de signer des contrats professionnels et de s’engager dans de nombreuses courses. Il rencontre alors le succès dans des compétitions importantes comme le Tour d’Algérie, le Tour du Maroc, et à l’occasion du Circuit de la Côte d’Or.

Abelkader Zaaf participe à quatre reprises au Tour de France. Mais malchance et infortune jalonnent son parcours. En 1948, il est éliminé lors de la première étape. Puis, pendant les Tours 1950, 1951 et 1952, alors qu’il roule avec l’équipe d’Afrique du Nord qui mêle cyclistes pieds-noirs et maghrébins, il lui arrive plusieurs mésaventures.

Lors de la 13e étape du Tour de 1950 dans l’Hérault, le 27 juillet, échappé avec son coéquipier de l’équipe d’Afrique du Nord, le pied-noir Marcel Molinès, la victoire d’étape va se disputer entre les deux hommes. Mais il fait une chaleur caniculaire et Abdelkader Zaaf, victime d’un malaise, s’écroule au bord de la route. Des vignerons lui viennent en secours et, sans eau sous la main, décident de l’asperger de vin. Retrouvant ses esprits mais gagné par les effluves d’alcool, Abdelkader Zaaf tente de finir l’étape, mais il se trompe de sens et est récupéré par la voiture-balai qui ne peut que constater la forte odeur de vin qu’il dégage. Cette anecdote, déclinée sous plusieurs versions jusqu’à nos jours, fait la célébrité du cycliste musulman piégé par l’alcool. L’année suivante, Abdelkader Zaaf terminera le Tour de France pour la seule fois de sa carrière et arrivera à Paris en lanterne rouge. Sa popularité en ressort grandie. Celui que l’on a appelé le « zouave du peloton », par son tempérament insolite et sa bonne humeur, prend sa retraite dans l’Algérie indépendante, et jusqu’à sa mort en 1986, il reste comme le plus grand et le plus populaire champion cycliste d’Algérie ayant couru sous les couleurs de la France.

Abdelkader Zaaf raconté par Karole Rocher

Marius Trésor (né en 1950) 

Marius Trésor naît le 15 janvier 1950 à Sainte-Anne, en Guadeloupe. Dès l’âge de 8 ans, il est formé à la Juventus de Sainte-Anne. À 19 ans, il passe professionnel et rejoint l’effectif d’Ajaccio. Durant quinze années (de 1969 à 1984) passées à l’AC Ajaccio, à l’Olympique de Marseille et aux Girondins de Bordeaux, il joue 516 matchs comme défenseur et inscrit 19 buts. Sa progression est fulgurante : après ses débuts contre Valenciennes le 23 novembre 1969, il est convoqué trois fois chez les Espoirs français en 1971 puis est désigné par France-Football « joueur français de l’année 1972 ». Avec Marseille, en 1976, et Bordeaux en 1984, il remporte une Coupe de France puis un titre de champion de France. Ce joueur populaire à l’assurance tranquille va totaliser 65 sélections sous le maillot bleu jusqu’en 1983. Le 4 décembre 1971, face à la Bulgarie, il est titularisé pour la première fois par Georges Boulogne. Le nom de Trésor est à jamais indissociable de celui de Jean-Pierre Adams. En bleu, Marius Trésor le Guadeloupéen et Jean-Pierre Adams le Sénégalais forment, de 1972 à 1976, la célèbre « Garde noire », un duo magique dont le nom rend un hommage symbolique aux anciennes troupes militaires afro-antillaises.

En octobre 1976, le sélectionneur de l’équipe de France Michel Hidalgo fait de Marius Trésor le premier Antillais capitaine des Bleus. L’impact est énorme aux Antilles. Cette reconnaissance et ce succès marquent plusieurs générations de footballeurs. De ses quatre buts sous le maillot tricolore, deux s’avèrent inoubliables. Il inscrit le premier d’une tête puissante en lucarne au stade Maracaña de Rio de Janeiro, lors d’un match amical contre le Brésil en 1977 (2-2). Cinq ans plus tard, il récidive en demi-finale de la Coupe du monde en expédiant une superbe reprise de volée sous la transversale allemande à la 92e minute pendant la prolongation (3-3). En 1985, il foule une dernière fois la pelouse du stade Lescure de Bordeaux à l’occasion de son jubilé, opposant les Girondins à ses amis de l’Équipe de France. Consultant, il est aujourd’hui entraîneur adjoint de l’équipe réserve bordelaise et reste l’un des joueurs emblématiques du « onze idéal » de toute l’histoire du football français.

Marius Trésor raconté par Yasmina Khadra

Jérôme et Fabrice Jeannet (nés en 1977 et 1980) 

Les frères Jeannet, Jérôme, né le 26 janvier 1977, et Fabrice, né le 20 octobre 1980, sont deux épéistes martiniquais originaires de Fort-de-France. Leurs parents sont escrimeurs et les enfants fréquentent les salles d’escrime dès leur plus jeune âge. Formés d’abord à l’Amicale des Escrimeurs de la Française (AEF) de Fort-de-France, ils gagnent ensuite l’Hexagone pour se perfectionner au pôle espoir de Reims puis à l’INSEP.

En 2000, à l’âge de 20 ans, Fabrice obtient son premier titre de champion du monde junior à l’épée avant de passer en catégorie senior. Après une 3e place en 2001, puis une 2e en 2002, le jeune Fabrice Jeannet devient champion du monde d’épée en 2003 à La Havane en battant le tenant du titre, le Russe Pavel Kolobkov. L’année suivante, éliminé en quart de finale en individuel des Jeux Olympiques d’Athènes, il remporte la médaille d’or par équipe aux côtés de Hugues Obry, d’Érik Boisse et de son frère Jérôme. Vice-champion du monde en 2005, Fabrice continue d’enchaîner les titres mondiaux par équipe avec son frère trois années de suite. En 2008, au terme de sa carrière sportive, l’épéiste atteint encore la 2e marche du podium olympique en combat individuel et remporte une dernière fois avec Jérôme la médaille d’or par équipe. La carrière individuelle de Jérôme, surnommé « Janet », débute avec une première médaille de bronze au championnat du monde en 2007 à Saint-Pétersbourg. S’il réitère sa performance en 2009, c’est surtout en équipe que le frère aîné se distingue en participant à la victoire de la France aux championnats mondiaux de 2005, 2007, 2009 et enfin 2010 à Paris, en plus des deux médailles d’or aux Jeux olympiques de 2004 et 2008.

Après une décennie d’épée au plus haut niveau, les frères Jeannet mettent fin à leur carrière internationale et se tournent tous les deux vers un autre jeu de stratégie où la patience avant l’attaque est primordiale : le poker. Amateurs passionnés de ce jeu, ils sont désormais consultés pour la préparation psychologique et sportive des joueurs professionnels.

Jérôme et Fabrice Jeannet racontés par Isabelle Giordano 

Roger Walkowiak (1927-2017)

Enfant du mariage entre un travailleur immigré polonais et une Française, Roger Walkowiak est né en 1927 à Montluçon. Son destin d’ouvrier est tout tracé pour sa famille : abandonnant l’école, il devient apprenti-tourneur. Mais Roger se passionne pour le cyclisme. En 1943, il intègre le club de l’EDS Montluçon avec lequel il s’illustre au niveau local dans le contexte tourmenté de la fin de la guerre. En 1948, alors qu’il vient d’être engagé comme mécanicien chez un marchand de cycles, ses performances deviennent à tel point remarquables qu’il obtient un contrat professionnel. Une première victoire pour un fils d’immigré. Athlète au beau gabarit, il s’illustre au sein de plusieurs équipes (notamment Peugeot et Saint Raphaël-Géminiani) et dans plusieurs courses. Toutefois ses résultats en dents de scie ne lui permettent pas d’être sélectionné pour l’épreuve-reine qu’est le Tour de France.

Sa première participation à la Grande Boucle sera la bonne ! Lors du Tour 1956, profitant de l’absence ou de la défaillance des favoris tels Louis Bobet, Fausto Coppi, Hugo Koblet ou Ferdi Kübler, autant que de sa forme éclatante, Roger Walkoviak crée une énorme surprise. Sous les couleurs de l’équipe de France, il s’illustre et parvient à force de courage et d’efforts à distancer les Charly Gaul, Federico Bahamontes et autre Gilbert Bauvin pour remporter au Parc des Princes la 43e édition du Tour de France. À près de 30 ans, Walkoviak devient « Walko », une vedette populaire, adulée du public. Mais sa célébrité ne dure pas et, très vite, il se fait plus discret. S’il participe encore aux éditions de 1957 et 1958, il se cantonne désormais au rôle d’équipier d’une étoile montante de l’équipe de France, un certain Jacques Anquetil.

En 1962, sa carrière terminée, Roger Walkoviak est amer. Il souffre des sarcasmes qui lui collent à la peau : pour certains, « un tour à la Walko » serait un tour gagné par chance, presque par hasard. « Walko » retrouve alors son métier de tourneur qu’il exerce jusqu’à sa retraite : la parenthèse de 15 ans de cyclisme professionnel est refermée. Son nom définitivement gravé au panthéon de la Grande Boucle, un ouvrage sur sa carrière, publié en 1995, rendra définitivement hommage à ce champion.

Roger Walkowiak raconté par Charles Berling

Alfred Nakache (1915-1983) 

Alfred Nakache est né le 18 novembre 1915 à Constantine, en Algérie, au sein d’une famille juive. Le jeune « Artem » pratique la natation au club de la Jeunesse Nautique Constantinoise où il remporte, en 1931, son premier titre. À Bordeaux, le 21 juillet 1935, il est sacré champion de France pour la première fois sur 100 mètres nage libre. Il s’engage ensuite au Racing Club de France puis au Club des Nageurs de Paris et enfin à celui des Dauphins du Toulouse Olympique Employés Club. Il remportera 35 titres de champion de France au cours de sa carrière. Avec l’équipe de France, il participe aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936, ce qui, pour un athlète juif, n’est pas anodin. Avec le relais français du 4 x 200 mètres il termine devant le relais allemand. Tout un symbole.

La défaite de 1940 et la législation antisémite de Vichy le privent de son emploi d’enseignant au lycée Janson de Sailly ; il s’installe à Toulouse et s’inscrit au club des Dauphins. Il accumule les titres et, le dimanche 6 juillet 1941, Alfred Nakache bat le record du monde du 200 mètres brasse. L’année suivante, il obtient le record d’Europe du 100 mètres brasse. À l’instar de tous les Juifs d’Algérie, il est privé de la nationalité française mais intégré à l’équipe de France qui se rend au Portugal en mai 1942 (les équipes de France pouvaient comprendre des joueurs étrangers vivant en France). En septembre, il participe à la tournée de Borotra en Afrique du Nord où il est victime de l’antisémitisme des Européens. Il est exclu des critériums de France à partir d’août 1943 à cause de sa religion. Par solidarité, ses coéquipiers refusent de participer à la compétition. Le 20 janvier 1944, après une violente campagne de presse, il est déporté avec sa femme Paule et Annie, leur fille de 2 ans ; toutes deux disparaissent à Auschwitz. Alfred Nakache rentre de déportation très affaibli.

De nouveau sociétaire des Dauphins, il reprend la compétition et il est sacré champion de France à l’automne 1945 et, trois ans plus tard, participe aux Jeux de Londres. Il se remarie en 1952 et meurt le 4 août 1983, alors qu’il nageait comme à son habitude dans le port de Cerbère. Il avait 67 ans. Alfred Nakache n’est pas qu’un sportif de haut niveau, il est également un exemple de fraternité et d’engagement pour les valeurs de la démocratie.

Alfred Nakache raconté par Abd al Malik

Marie-José Pérec (née en 1968)

Dotée de l’un des palmarès les plus brillants de l’athlétisme français, Marie-José Pérec est entrée au panthéon sportif national en devenant la seule athlète chez les Bleus à avoir obtenu une triple médaille d’or olympique. Née en 1968 en Guadeloupe, à Basse-Terre, Marie-José Pérec est repérée assez tard pour ses talents hors du commun et se révèle en métropole en 1988 lorsqu’elle obtient ses premiers trophées. Elle n’a que 20 ans lorsqu’elle participe aux Jeux olympiques de Séoul où elle parvient à se hisser jusqu’aux quarts de finale du 200 mètres.

Entraînée par l’ancien perchiste Jacques Piasenta, c’est en 1991 et 1992 qu’elle connaît la consécration sur la scène internationale. D’abord championne du monde de 400 mètres à Tokyo, elle remporte l’année suivante la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Barcelone. En 1994, sa carrière connaît un tournant lorsqu’elle part en Californie avec l’équipe de John Smith, l’ancien champion du 400 mètres devenu entraîneur. C’est tout auréolée de son titre de championne du monde obtenu à Göteborg en 1995 qu’elle affronte les Jeux Olympiques d’Atlanta, en endossant le statut de favorite mais aussi celui de porte-drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture.

1996 sera l’année Pérec : à 28 ans, elle remporte d’abord le 400 mètres en devançant la Nigériane Falilat Ogunkova et l’Australienne Cathy Freeman avec un temps exceptionnel de 48 secondes et 25 centièmes. Puis, le 29 juillet 1996, elle s’attaque à un second défi, le 200 mètres : au prix d’un effort mémorable dans la dernière ligne droite, elle parvient à vaincre la Jamaïcaine Merlene Ottey. Malheureusement, Marie-José Pérec ne parvient pas à rééditer ses exploits les années suivantes. Minée par les blessures, elle renonce aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, avant d’annoncer officiellement sa retraite en 2004. Mais sa popularité restera intacte : Marie-José Pérec est un modèle de sportive de haut niveau qui a porté haut les couleurs de la France aux quatre coins du monde.

Marie-José Pérec racontée par Soprano

Alain Mimoun (1921-2013) 

Alain Mimoun naît le 1er janvier 1921 à Maïder, en Algérie, dans un milieu très modeste. C’est un excellent élève, qui obtient la mention « Bien » à son certificat d’études primaires. Mais ces bons résultats, en raison de son statut de colonisé, ne l’autorisent pas à obtenir la bourse qui lui aurait permis de poursuivre ses études pour devenir instituteur. Il s’engage alors dans l’armée en 1939 et y découvre le sport après la débâcle de 1940. Inscrit dans le club de Bourg-en-Bresse, il gagne le championnat départemental dès son premier engagement. Il retourne en Algérie, où la guerre le rejoint. Engagé pour la France libre, il combat contre l’Afrika Korps de Rommel, puis en Italie où il est blessé au pied, évitant de peu l’amputation, et débarque en Provence. Son bataillon reçoit la Croix de guerre et quatre citations.

Il signe avec le Racing Club de France en 1947 et va dominer les courses de fond en France pendant dix ans : il remporte les titres sur 5.000 mètres en 1949, puis six années consécutives de 1951 à 1956 ; mais également celui du 10.000 mètres en 1947, puis de 1949 à 1956 et enfin celui du cross-country de 1950 à 1954 ainsi qu’en 1956. En 1956 il détient huit records, sa renommée est à son zénith en France. Sur le plan international, il est dominé par son éternel rival et ami, Emil Zátopek, la « locomotive tchèque », qui le devance aux Jeux Olympiques de Londres en 1948, puis à Helsinki en 1952. Alain Mimoun prend enfin sa revanche lors de leur dernière confrontation, aux Jeux Olympiques de Melbourne en 1956, dans la prestigieuse course du marathon. Devenu une véritable icône en France, il est accueilli par une foule enthousiaste à son retour à Paris.

Il gagnera encore trois titres nationaux sur 10.000 mètres de 1957 à 1959, mais aussi en cross-country en 1959 et défendra son titre olympique en 1960. Il est le maître de la discipline en France jusqu’en 1966. Converti au catholicisme, admirateur du général de Gaulle, amoureux de la France, respecté, il meurt le 27 juin 2013, à 92 ans, à Saint-Mandé. Un hommage national lui est alors rendu en présence du président de la République.

Alain Mimoun raconté par Thomas N'Gijol

Tony Parker (né en 1982)

Tony Parker est né en Belgique d’un père américain, basketteur professionnel, et d’une mère néerlandaise, mannequin. De son père, il hérite d’une passion pour le basket, ce qui le conduit à débuter en club à 10 ans. De son propre aveu, il reçoit de sa mère une volonté de dépassement de soi hors du commun. Il devient membre du club de l’INSEP (l’Institut national des sports et de l’éducation physique) à seulement 15 ans, confirmant une incroyable précocité. À 17 ans, il s’engage dans le club pro du PSG Racing, mais peu sélectionné pour les matchs officiels, il demeure dans l’ombre des grands joueurs de l’époque. Il rêve des États-Unis, et se crée une opportunité en 1999 – il a alors 19 ans – chez les Spurs de San Antonio, durant le recrutement d’intersaison.

En deux ans, il devient l’un des piliers de l’équipe, se pliant à la discipline de fer de l’entraînement en NBA, le championnat le plus relevé au monde. En 2003, il devient le premier français champion de NBA. À Indianapolis, en 2005, lors du Nike Hoope Summit, confrontant les meilleurs basketteurs du monde à de jeunes espoirs, il apparaît définitivement comme l’un des plus grands joueurs de la NBA et est sélectionné à six reprises pour le NBA All-Star Game, qui distingue les meilleurs joueurs du championnat. Et les titres se succèdent – 2005, 2007, 2014 – faisant des Spurs l’une des équipes phares du championnat.

Tony Parker est resté jusqu’à aujourd’hui fidèle aux Spurs. Mais il est aussi fidèle à l’équipe de France, malgré le calendrier contraignant de la NBA. Engagé pour la première fois en 2000, il totalise aujourd’hui 149 sélections. Mais les résultats de la France, honorables en championnat d’Europe, ne sont pas à la hauteur de ses espérances, ni de celles des meilleurs français jouant alors en NBA, tel Boris Diaz, son capitaine depuis 2003, ou encore Nicolas Batum et le jeune Joakim Noah. L’équipe de France décroche enfin la médaille d’argent aux championnats d’Europe en 2011, puis c’est la consécration en septembre 2013, lorsqu’elle bat en finale la Lituanie. Charismatique, Tony Parker a grandement contribué à populariser le basket en France. Il est actionnaire depuis 2004 de son ancien club, le Paris Basket Racing et en devient président en 2014, tout en s’affirmant comme un ambassadeur mondial du sport français.

Tony Parker raconté par Philippe Torreton

Pascal Gentil (né en 1975) 

Pascal Gentil est né le 15 mai 1975 à Paris. Il est très vite passionné par le sport, mais commence le taekwondo à seulement 18 ans. Très précoce, il rejoint l’élite internationale dès 19 ans. Au début des années 2000, le taekwondo est encore peu pratiqué en France. Mais en 2000, la discipline est intégrée aux Jeux Olympiques de Sydney, au cours desquels Pascal Gentil décroche sa première médaille de bronze.

Au long des années 2000, Pascal Gentil devient la figure emblématique du taekwondo français : il remporte sans interruption, entre 2001 et 2012, le championnat de France. Ces résultats exceptionnels sont aussi le résultat d’un travail acharné au sein du pôle France mis en place par l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP) en 2001, qui permet de réunir les meilleurs athlètes français. Au sein de l’ INSEP, le suivi est individualisé, l’entraînement rationalisé et Pascal Gentil y franchi un palier. De fait, sa progression dans l’élite mondiale est fulgurante. Déjà champion d’Europe en 1994, il récidive en 1998 et 2005. Mais son objectif principal est le championnat du monde – il est vice-champion du monde en 1995 – et la Coupe du monde, qu’il remporte par trois fois, en 2000, 2001 et 2002. Capitaine incontesté de l’équipe de France, ses résultats aux Jeux olympiques sont remarquables, puisqu’il y décroche en 2004 sa seconde médaille de bronze.

Sa fin de carrière, récente, l’autorise désormais à explorer d’autres voies. Pascal Gentil, passionné de cinéma, a prêté plusieurs fois son apparence et sa technique de capture du mouvement à des jeux vidéo, et a participé à plusieurs films. Titulaire d’un master en management du sport de l’ESSEC, il s’est désormais reconverti dans le conseil, mais, précise-t-il, « d’une façon ou d’une autre, je chercherai toujours à faire la promotion de mon sport, car on ne quitte pas sa famille. Je pars avec le sentiment du devoir accompli, et sans avoir fait le combat de trop. »

Pascal Gentil raconté par Nelson Montfort

Serge Blanco (né en 1958)

Serge Blanco est né le 31 août 1958 à Caracas, d’un père vénézuélien et d’une mère française. Alors qu’il n’a que 2 ans, à la suite de la disparition de son père, sa mère retrouve sa région d’origine, le pays basque. Doué pour le sport, il fait le choix du rugby et de sa région, renonçant aux sollicitations du Football Club de Nantes pour rejoindre le Biarritz Olympique et faire du rugby sa passion. Il restera fidèle à ce club tout au long de sa carrière. Alors que le rugby n’est pas encore professionnalisé, en dehors des entraînements et des matchs, Serge Blanco travaille pendant plusieurs années chez l’avionneur Dassault. La reconnaissance internationale venue, il intègre les relations publiques du groupe Pernod-Ricard en 1983. Au palmarès de sa carrière en club, on ne compte qu’un seul titre de champion de France en 1992. Malgré tout, il se voit décerner à six reprises l’Oscar du Midi Olympique, récompensant le meilleur joueur français de la saison.

Sa gloire s’écrit surtout au fil de ses 93 sélections en équipe de France, dont 17 comme capitaine, et de ses 38 essais. Un record. Il connaît sa première sélection le 8 novembre 1980 en Afrique du Sud, comme un symbole au pays de l’Apartheid. Serge Blanco se distingue d’emblée : dans un sport valorisant l’esprit d’équipe, il est une vedette ; dans un jeu peu coloré, son métissage détonne. Avec lui, le XV de France remporte par six fois le Tournoi des Cinq Nations entre 1981 et 1989, dont deux grands chelems en 1981 et 1987. Pour sa dernière participation au Tournoi, en 1991, il est à l’origine d’un essai mémorable marqué contre les Anglais à Twickenham. À son poste d’arrière, il participe à deux Coupes du monde. Lors de la première édition de cette compétition, en 1987, il inscrit un essai de génie dans une finale cependant perdue contre la Nouvelle-Zélande.

Serge Blanco met un terme à sa carrière en 1992. Il est, pour beaucoup, le « Pelé du rugby » et l’incarnation du french flair. Son élégance et sa virtuosité en font l’un des plus grands joueurs de l’histoire. Serge Blanco est aujourd’hui un entrepreneur actif et un dirigeant important du rugby français.

Serge Blanco raconté par Kad Merad

Jean Stablewski ou Stablinski (1932-2016) 

Jean Stablewski, « Stab » pour les cyclistes et Stablinski pour la presse de l’époque, est né le 21 mai 1932 à Thun-Saint-Amand, à proximité de Valenciennes. Son père, un migrant polonais, s’y installe en 1924 pour exercer le métier de mineur. Orphelin de père après la guerre, Jean doit pourvoir aux besoins de la famille. Ses deux frères ont été détenus en Allemagne et ses deux sœurs ont quitté la France. Il a 14 ans lorsqu’il prend un premier emploi de zingueur. Pour compléter son modeste salaire, il joue de l’accordéon dans les bals de la région. Sur les conseils d’un ami, il achète son premier vélo. Membre d’un club cycliste local, il gagne sa première course amateur en 1947 ; il a 15 ans. Sa mère accepte mal la passion de son fils, mais il s’impose à tous par sa volonté et son brio.

Les succès sportifs s’enchaînent : 3 en 1948, année où il est également naturalisé français, 6 victoires en 1949 et jusqu’à 14 en 1950. À la limite de ses possibilités, il décide d’arrêter une carrière prometteuse, rentre à la mine et se marie. Passionné, il renoue très vite avec la compétition cycliste et les victoires : en 1952, il est sacré champion militaire, et s’illustre dans la Course de la Paix (Varsovie-Berlin-Prague) en remportant deux étapes. Mi-amateur, mi-pro, il rejoint un club de cyclistes d’origine polonaise. La même année, il intègre l’équipe professionnelle Gitane-Hutchinson. Il multiplie ensuite les exploits sous les couleurs de plusieurs équipes.

Son palmarès est impressionnant : 106 victoires, 4 titres de champion de France sur route, le Tour d’Espagne en 1958, des succès dans plusieurs pays du Sud, 12 participations au Tour de France. Il est connu pour avoir été l’équipier fidèle d’Anquetil. En 1962, lors du championnat du monde en Italie, il signe plusieurs prouesses, dont une victoire d’étape à Valladolid après 273 km harassants et une échappée mémorable. Il sera mêlé à plusieurs histoires de dopage. Après une carrière longue et brillante (il est encore aujourd’hui le cycliste français le plus titré), il s’essaye au cyclo-cross puis devient directeur sportif, notamment de Bernard Hinault. Il décède le 22 juillet 2007 à Lille.

Jean Stablewski ou Stablinski raconté par Cécilia Hornus

Larbi Ben Barek (1917-1992) 

Larbi Ben Barek naît vraisemblablement en 1917, à l’époque du protectorat français. Ce sportif considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands footballeurs du XXe siècle, passe son enfance dans les ruelles de Casablanca, où il s’initie aux premiers rudiments de la carrosserie. Orphelin, il débute au Football Club El Ouatane, l’équipe du quartier. Après des saisons à l’Idéal Club puis à l’Union Sportive Marocaine de Casablanca, il devient une vedette du football nord-africain. En 1937, un match opposant une sélection marocaine à l’Équipe de France B lui vaut ses premiers articles élogieux dans la presse métropolitaine. Un an plus tard, en tant que finaliste de la Coupe d’Afrique du Nord, Larbi Ben Barek suscite les convoitises de plusieurs clubs professionnels de l’Hexagone. À l’Olympique de Marseille, dès 1938, il est la première grande étoile nord-africaine du championnat de France de Division 1. Il allie élégance, efficacité et goût du spectacle. Ce technicien hors-pair porte rapidement le maillot bleu, en décembre 1938 à Naples face à l’Italie (défaite 0-1).

Durant la Seconde Guerre mondiale, il trouve refuge à Casablanca et remporte les titres de champion du Maroc et d’Afrique du Nord en 1942, avec l’US Marocaine. À la Libération, il signe au Stade français (1945-1948). Cosmopolite, il est l’un des premiers footballeurs français à s’aventurer à l’étranger en signant en 1948 à l’Atlético de Madrid, pour un montant record de 17 millions de francs. Il est déterminant dans les victoires du club, qui remporte le championnat en 1950 et 1951. De retour dans la cité phocéenne en 1953, il porte pour la dix-septième et dernière fois le maillot frappé du coq en octobre 1954, lors d’une victoire (3-1) face à la République fédérale d’Allemagne (RFA). Il termine sa carrière en Algérie, au Maroc puis en Belgique avant de devenir entraîneur. La « Perle noire de Casablanca » disparaît en 1992 au Maroc dans un extrême dénuement. Lors de la Coupe du monde 1998, la FIFA lui rend un hommage solennel. L’Histoire retiendra qu’il a connu la plus longue carrière de joueur en Équipe de France (15 ans et 10 mois), et qu’il reste l’un des joueurs mythiques des années 1930-1940 en France.

Larbi Ben Barek raconté par Firmine Richard

Boughera El Ouafi (1898-1959) 

Né dans le Sud de l’Algérie, Boughera El Ouafi traverse la Méditerranée pour prendre part à la Première Guerre mondiale. Après celle-ci, il décide de s’engager dans l’armée française. Un jeune lieutenant, ayant remarqué ses talents d’athlète, lui offre la possibilité de participer en 1923 à une première course de fond au cours de laquelle il s’illustre. Très vite, il enchaîne les épreuves et devient champion de France en 1924, avant d’échouer aux Jeux Olympiques de Paris la même année.

Après la fin de son engagement dans l’armée, sans ressources, Boughera El Ouafi décide de travailler comme manœuvre chez Renault, sur les chaînes de montage des usines de Billancourt, aux côtés de centaines de travailleurs maghrébins. Inscrit au club du CO Billancourt, il continue à courir 15 km par jour et à participer à plusieurs courses. Rêvant de l’or olympique, il est tout d’abord sacré champion de France au marathon en 1927 et empoche par la même occasion sa sélection pour les Jeux olympiques d’Amsterdam. Au cœur de l’été 1928, sur la ligne de départ du marathon olympique, un athlète maghrébin sur lequel personne ne mise porte le dossard 71 frappé du coq bleu blanc rouge. Il représente la France. Au 10e km, il n’est qu’en 20e position. Mais au 32e, il remonte et arrive alors à la 3e place. Puis, à 5 km de l’arrivée, il double l’Américain Joie Ray et le Japonais Kanematsu Yamada et parvient à la surprise générale à remporter le marathon. La foule acclame celui qui porte fièrement le maillot français.

Si Boughera El Ouafi s’est imposé ce 5 août 1928 comme l’un des plus grands champions olympiques de sa discipline, il connaît une triste fin. Radié à vie par la Fédération française d’athlétisme pour avoir voulu monnayer ses talents aux États-Unis, il sombre peu à peu dans la misère. La notoriété du « petit Arabe » qui a porté haut les couleurs de la France n’a pas dépassé le temps de l’olympiade de 1928. Le 18 octobre 1959, dans un café de Saint-Denis, en pleine guerre d’Algérie, l’ancien coureur de fond franco-algérien Boughera El Ouafi est tué par balle lors d’un règlement de compte entre militants du MNA et du FLN. À cette époque, son nom était tombé dans l’oubli, sauf pour son ami Alain Mimoun qui avait tenu à saluer son glorieux prédécesseur lors de sa victoire au marathon des Jeux Olympiques de Melbourne en 1956.

Boughera El Ouafi raconté par Lilian Thuram

Lucie Décosse (née en 1981)

« Si on m’avait dit ça quand j’étais petite ! » Le 30 août 2013, à l’issue des mondiaux de Rio, l’un des plus beaux palmarès du sport français tire sa révérence. Née le 6 août 1981 de parents guyanais, Lucie Décosse fait ses premiers pas dans le judo à 6 ans à Écouen, dans le Val d’Oise. Ses qualités sont très vite repérées par les instances sportives, qui la poussent à intégrer la section sport-études d’Orléans. Championne de France junior et médaillée de bronze des Journées olympiques mondiales de la jeunesse en 1999, elle obtient le titre mondial en 2000 et s’affirme comme l’une des judokas les plus douées de sa génération.

L’année suivante, elle fait une entrée tonitruante chez les seniors en remportant son premier tournoi de Paris et, dans la foulée, son premier titre continental. Championne d’Europe des moins de 63 kg, en 2002, la sportive est lancée ! Cette junior surdouée apprend vite et fourbit ses armes au plus haut niveau. Sa participation aux Mondiaux d’Osaka et aux Jeux Olympiques d’Athènes lui permet de perfectionner sa technique défensive. Elle s’impose en 2005 en remportant le titre mondial des moins de 63 kg.

De 2006 à 2008, Lucie Décosse est toujours placée sur les plus hautes marches des podiums internationaux. Après une énième victoire au tournoi de Paris, elle décroche l’argent aux Jeux Olympiques de Pékin. Une médaille au goût amer pour celle qui apparaissait alors comme la favorite du tournoi olympique face à la Japonaise Ayumi Tanimoto. La Francilienne sait tirer profit de ses échecs. Mettant en place une véritable pédagogie de l’erreur, elle change de catégorie et passe chez les moins de 70 kg. Cette stratégie risquée s’avèrera payante. Elle remporte deux titres mondiaux successifs, en 2010 et 2011 dans sa nouvelle catégorie. Le 1er août 2012, c’est une Lucie Décosse au sommet de son art qui déploie sa maîtrise technique. Par un ippon foudroyant, en neuf secondes, elle terrasse la Colombienne Yuri Alvéar, avant de remporter le graal, l’or olympique face à l’Allemande Kerstin Thiele. Elle vient de graver son nom dans les annales du sport français et guyanais.

Lucie Décosse racontée par Aya Cissoko

François Trinh-Duc (né en 1986) 

François Trinh-Duc est né à Montpellier en 1986, d’origine vietnamienne par son grand-père qui fuit la guerre d’Indochine au début des années 1950. C’est à Montpellier, l’une des grandes villes du rugby français, qu’il découvre la discipline, à l’école du Pic Saint-Loup, où il côtoie Fulgence Ouedraogo. Il est alors demi de mêlée. Il rejoint le club du Montpellier Hérault Rugby en cadets et passe demi d’ouverture, puis progresse régulièrement pour aboutir à la catégorie espoir. Il intègre en 2004 le pôle France du Centre National de Rugby. L’entraînement est en phase de professionnalisation et sa promotion compte nombre de futurs champions, tels Thierry Brana, Maxime Médard ou Marc Giraud.

Le 21 mai 2005, il dispute son premier match au plus haut niveau en club avec le Montpellier Hérault Rugby contre Biarritz, puis il est recruté dans l’équipe de France des moins de 21 ans contre le Pays de Galles. Son parcours en équipe de France commence en 2008, et le 3 février de cette année, il est sélectionné pour un match contre l’Écosse. Sa carrière prend une nouvelle ampleur, et il devient une des figures montantes du rugby français. Auteur d’un match fantastique contre les Samoa en novembre 2009, il reçoit en janvier 2010 son premier Talent d’or. Sa carrière prend une autre dimension lors du tournoi des six nations en 2010, durant lequel la France remporte le tournoi et réalise le Grand Chelem. François Trinh-Duc est unanimement célébré comme l’un des meilleurs joueurs de l’équipe et reçoit un deuxième Talent d’or pour sa prestation contre l’Irlande. Sa carrière en club décolle elle aussi : Montpellier atteint la finale du top 14 en 2011 et il est élu meilleur joueur de la saison 2010-2011.

Il est ensuite sélectionné pour la Coupe du monde en 2011, réalisant un total de 18 points durant la compétition, dont une magnifique transformation lors de la finale contre les All Blacks, qui remporteront le championnat. François Trinh-Duc poursuit aujourd’hui sa carrière dans son club fétiche et en équipe de France, et s’affirme comme l’un des joueurs majeurs de sa génération.

François Trinh-Duc raconté par Nozha Khouadra

Alphonse Halimi (1932-2006) 

Le 12 novembre 2006, Alphonse Halimi, un des plus grands boxeurs français, s’éteint des suites d’une longue maladie. Celui que l’on surnommait « la petite terreur » naît le 18 février 1932 au sein de la communauté juive de Constantine, en Algérie. Adepte des combats de rue, il se taille une solide réputation au sein des bandes d’adolescents du Constantinois. Très tôt il s’identifie à son modèle, le champion pied-noir Marcel Cerdan. Tailleur de formation et membre d’une fratrie de dix enfants, Alphonse Halimi se distingue rapidement par son éclectisme sportif : il n’est pas seulement un excellent boxeur mais aussi un nageur émérite. Sa détermination et ses talents de boxeur ne passent pas inaperçus. Très vite, il rejoint la métropole où il remporte successivement trois titres de champion de France chez les poids coqs : en 1953, 1954 et 1955.

Il passe rapidement professionnel et c’est sous la férule de celui qu’il appelle « Monsieur Filippi », son entraîneur, qu’il va entrer dans la légende. Le 1er avril 1957, au Vel’ d’Hiv’ de Paris, il bat aux points l’Italien Mario d’Agata, s’adjugeant ainsi le titre de champion du monde en poids coq. Dans la foulée, le 6 novembre 1957 au Wrigley Field de Los Angeles, c’est l’Américain Raul « el Ratón » Macias qui fait les frais de « la petite terreur ». Devant plus 20.000 spectateurs hystériques, Alphonse Halimi remporte le titre unifié des poids coqs. La France attendra 32 ans pour voir un boxeur national réaliser de nouveau un tel exploit. À la fin des années 1950, alors qu’il est à l’apogée de sa carrière, Alphonse Halimi chute. Il est défait en 1959, K.-O. au 8round, par le Mexicain Jose Becerra.

Au cours des années 1960, il alterne victoires et défaites, tout en étoffant son palmarès par des titres européens en poids coq. Alphonse Halimi en est conscient, le plus gros de sa carrière est derrière lui. Et en dehors du ring, le multiculturel champion d’Europe sait aussi faire vibrer la fibre nationale. Suite à sa victoire sur le Britannique Freddie Gilroy à Londres en 1960, il déclare : « Aujourd’hui j’ai vengé Jeanne d’Arc ! » Il demeure comme l’un des boxeurs français les plus populaires et talentueux de l’histoire du « noble art ».

Alphonse Halimi raconté par Bernard Montiel

Raoul Diagne (1910-2002)

Raoul Diagne est né le 10 novembre 1910 à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, mais son enfance se déroule à Paris dans une famille aisée et respectée, celle de la Guyanaise Marie-Odette Villain et du Sénégalais Blaise Diagne. Son père est le premier Africain à siéger au Parlement français, en 1914. Raoul Diagne est un brillant élève mais la passion du football est bien plus forte que celle des études, malgré la pression de son père. D’abord licencié au Stade Français, Raoul Diagne signe à 16 ans au Racing Club de France. Élégant défenseur, polyvalent et au style aérien, il sera le premier joueur noir, en France et en Europe, à être sélectionné dans une équipe nationale. Ses grands débuts ont lieu contre la Tchécoslovaquie à Colombes le 15 février 1931 (1-2), trois mois avant que son père, devenu sous-secrétaire d’État aux Colonies, inaugure l’Exposition coloniale internationale à Vincennes.

Principal artisan du professionnalisme en France en 1932, il remporte sous les couleurs du Racing Club de Paris un titre de champion et trois Coupes de France. Proche de la vedette Joséphine Baker, qui l’appelle affectueusement « mon petit frère », il est une figure marquante du « Paris noir » de l’époque, aux côtés du boxeur Panama Al Brown. Jusqu’en 1940, Raoul Diagne endosse à 18 reprises le maillot frappé du coq, notamment lors de la Coupe du monde de 1938 où les Bleus échouent à domicile en quarts de finale face aux Italiens (1-3). Après le Mondial, il croise la « Perle noire » Larbi Ben Barek en équipe nationale et reçoit dans la presse le surnom d’ « Araignée noire » en raison de sa grande taille et de sa couleur de peau. À la fin des années 1940, une fois achevée sa carrière de joueur à Toulouse (jusqu’en 1942), Annecy (1942-1945) et Nice (1945-1947), il obtient ses diplômes d’entraîneur et exerce en Belgique, en Algérie et en Normandie. Au début des années 1960, il devient le sélectionneur de la première équipe nationale sénégalaise, qui remporte les Jeux de l’amitié à Dakar en 1963, battant l’équipe de France amateur (2-0) en finale. Raoul Diagne décède le 12 novembre 2002 à Créteil. L’« Araignée noire » avait 92 ans et la France du football pleure un pionnier, un grand joueur, une star.

Raoul Diagne raconté par Sonia Rolland

Tessa Worley (née en 1989) 

Tessa Worley est née le 4 octobre 1989 à Annemasse en Savoie, d’une mère française et d’un père australien, tous deux moniteurs de ski. La grande championne de slalom géant passe les premières années de sa vie à apprendre la glisse dans le club de ses parents en Nouvelle-Zélande avant de s’installer au Grand-Bornand. Elle fait son entrée dans la cour des grands à l’âge de 16 ans, lors de la Coupe du monde d’Ofterschwang en Allemagne, lors de laquelle elle marque ses premiers points en Coupe du Monde. Membre de l’équipe militaire de ski alpin, elle est nommée caporal des chasseurs alpins. Lors de l’épreuve d’ouverture de la Coupe du monde de ski alpin 2008 à Sölden, en Suède, la Savoyarde obtient la 5e place lors de la finale du Géant après avoir remonté le classement en réalisant le 2e meilleur temps lors de la seconde manche. Sur le circuit, elle confirme son talent en remportant sa première Coupe du monde de Géant à Aspen aux États-Unis en 2009, puis participe aux Jeux Olympiques de Vancouver au Canada, l’année suivante.

La skieuse du Grand-Bornand va s’imposer au plus haut niveau en 2011 en prenant la tête du classement pendant quelques semaines suite à ses trois victoires d’Aspen, Saint-Moritz et Semmering et sa 8e place à Sölden en Géant  lors de la Coupe du monde. Elle échouera en fin de saison dans sa conquête du globe de cristal du Géant, terminant à la 2eplace, derrière Viktoria Rebensburg. Lors de ses seconds championnats du monde en 2011 à Garmisch Partenkirchen, en Autriche, elle contribue à l’obtention de la médaille d’or de l’équipe de France de ski alpin et décroche le bronze en individuel.

Sa carrière atteint un sommet lorsqu’elle devient championne du monde de slalom géant à Schladming en Autriche, 20 ans après la grande championne française Carole Merle. Elle devient la 5e Française sacrée mondialement en slalom géant. Blessée pour les Jeux Olympiques de Sotchi en Russie en 2014, Tessa Worley n’en reste pas moins encore aujourd’hui l’une des meilleures skieuses mondiales, dont la carrière devrait encore connaître des succès sous les couleurs de la France.

Tessa Worley racontée par Melissa Theuriau

Abdelatif Benazzi (né en 1968) 

En 1997, Abdelatif Benazzi devient le premier sportif d’origine maghrébine, tous sports confondus, à « commander », selon ses propres termes, une équipe de France. Avec 74 sélections, 8 Tournois des Cinq/Six Nations et 3 participations en Coupe du monde (1991, 1995 et 1999), son palmarès est impressionnant. Né en 1968 à Oujda, au Maroc, d’un père marocain minotier et grand sportif, et d’une mère algérienne, il découvre le rugby à 16 ans au collège Wahda. Celui qui est alors complexé par son surpoids a trouvé sa voie. Très vite, il intègre le XV du Maroc junior, puis senior. Son bac en poche, il part en 1988 pour la France rejoindre le XV de Cahors, puis en 1989 celui d’Agen où il accomplira l’essentiel de sa carrière. L’exil est rude, l’accueil parfois inamical, mais Abdelatif Benazzi vit aussi des moments sublimes d’amitié.

Il intègre le XV de France dès le 9 juin 1990 contre l’Australie. De la tournée en Afrique du Sud en 1993 – où il ne put jouer à cause d’une blessure au genou –, il conservera un très grand souvenir de sa rencontre avec Nelson Mandela. Sa plus grande déception est l’essai manqué de dix centimètres le 17 juin 1995, en demi-finale de la Coupe du monde contre l’Afrique du Sud. Il remporte sa plus grande victoire le 31 octobre 1999, sur les All Blacks, dans le temple anglais du rugby à Twickenham. Malgré la défaite en finale, 40.000 supporters attendent le XV de France sur le Champ de Mars. Son jour de gloire, il le vit comme capitaine du XV de France le 15 mars 1997 : les 50.000 spectateurs du Parc des Princes scandent son nom pour un 6e Grand Chelem, attendu par tous les Français.

Il est nommé au Haut Conseil à l’Intégration par le président Jacques Chirac, et c’est Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, qui lui remet en mars 2000 les insignes de la Légion d’honneur. Dorénavant, il préside l’association Noor qui améliore l’insertion des enfants marocains par le biais du sport, et fait aussi du coaching d’entreprise. Au lendemain des attentats de janvier 2015, il confie avoir été « horrifié et blessé dans son âme » de musulman, illustrant son engagement citoyen constant.

Abdelatif Benazzi raconté par Mouss Amokrane

Michel Malinovski (1942-2010) 

Michel Malinovsky est né le 10 mai 1942 à Liège (Belgique). Ses parents, ukrainiens, appartiennent à cette petite noblesse terrienne chassée par la révolution bolchévique. Michel Malinovsky est d’abord élevé par sa grand-mère à Bruxelles, avant de rejoindre à l’âge de 10 ans la Vendée et le bateau sur lequel vivent ses parents. Son pire souvenir reste la navigation : malade en mer, la voile l’intéresse alors peu. Pourtant, à 15 ans, son aversion pour la navigation se transforme en passion.

En 1964, Michel Malinovsky rejoint Paris. Il signe des piges pour Neptune, participe aux essais de bateaux publiés par la revue. Il se passionne pour la régate. En 1965, il est équipier sur le voilier qui gagne le championnat de course au large. Il devient ensuite préparateur de bateaux. Sa première expérience en haute mer se déroule dans des conditions dantesques. Il en sort marqué, mais ravi. Michel Malinovsky, qui dit admirer les comédiens et les musiciens solistes, s’engage dans la navigation en solitaire. En 1970, il finit second de la course en solitaire de l’Aurore. L’année suivante, il décide de prendre de nouveau le départ de cette course. Après 148 heures de course, Michel Malinovsky franchit en vainqueur la ligne d’arrivée. Talentueux, il est engagé pour la première édition de la course autour du monde en équipage, en 1973. Exigeant, intransigeant, les conflits à bord sont nombreux… Il est débarqué. C’est un homme de passion…

En 1978, il participe à la première route du Rhum sur un monocoque de 21 mètres. Il est coiffé sur la ligne par le petit trimaran de Mike Birch. Lui, pour qui « seule la victoire est jolie », ne saurait se satisfaire d’une seconde place, résultat auquel s’ajoute la tragique disparition d’Alain Colas. À partir de 1979 il est conseiller pour un chantier nautique, puis directeur de course. En 1981, il bat le record de traversée de l’Atlantique en monocoque. Il se retire de la compétition de haut niveau et devient expert maritime. Michel Malinovsky disparaît le 20 juin 2010, après avoir marqué ce demi-siècle de sa passion pour  la mer.

Michel Malinovski raconté par Jacob Desvarieux

L’équipe de France féminine de handball 

À l’instar de l’équipe de France de football black blanc beur de 1998, une autre équipe de France, celle de handball féminin, a elle aussi connu l’ivresse des épopées victorieuses. En effet, entre 1998 et 2003, les Bleues connaissent une irrésistible ascension au sommet de la hiérarchie mondiale, succès inédit dans l’histoire du hand féminin. En 1998, la nomination d’un nouveau sélectionneur, Olivier Krumbholz, porte immédiatement ses fruits : les Bleues accomplissent un parcours inespéré lors des championnats du monde en Norvège. Elles parviennent à se hisser en finale après avoir battu de justesse la Roumanie en demi-finale (18-17). Face au pays hôte qui domine alors le handball féminin, la France, ne cède in extremis qu’après deux prolongations (24-25).

Une grande équipe naît lors de cette épopée, une équipe qui tire sa force de sa diversité. En effet, parmi les cadres de l’équipe on trouve les deux arrières réunionnaises originaires de la ville du Port, Leila Lejeune (née en 1976, 183 sélections) et Sonia Cendier (née en 1977), sans oublier « l’aînée », Nathalie Selambarom, née en 1971 à Saint-Louis. Au sein de cette équipe se trouve également la franco-tchadienne Nodjialem Myaro (née à N’Djaména en 1976), figure majeure qui connaît une longue et riche carrière. Si cette équipe ne parvient pas à dépasser les quarts de finale lors des Jeux olympiques de Sydney au cours de l’été 2000 (battue de justesse 26-28 par le Danemark future médaille d’or), elle gravit un nouvel échelon.

C’est avec l’apport de nouveaux talents issus de la diversité que l’équipe parvient à se hisser sur la plus haute marche du podium lors du championnat du monde organisé en décembre 2003 en Croatie. L’expérimentée arrière droite hongroise naturalisée française en 2000 Mélinda Jacques-Szabo (68 sélections avec la France) contribue amplement à cette victoire. Autre apport, celui de la demi-centre Myriam Saïd Mohamed, née en 1977 à Lyon au sein d’une famille originaire des Comores (60 sélections). Les Bleues s’imposent après être venues à bout de l’Ukraine en demi-finale (28-26 après prolongations) puis de la Hongrie en finale (32-29, après prolongations) au terme de matchs aussi héroïques qu’haletants. Grâce à cette victoire qui illustre l’apogée d’une génération, la France est désormais durablement installée dans l’élite mondiale.

L’équipe de France féminine de handball racontée par Elsa Zylberstein 

L’équipe de France de football 1984 

(Michel Platini, Jean-Marc Ferreri, Bernard Genghini, Patrick Battiston, Bruno Bellone, Luis Fernandez, Daniel Bravo, Manuel Amoros, Alain Giresse et Jean Tigana)

L’équipe nationale de football a toujours été, en France, le reflet de l’immigration. Déjà demi-finaliste de la Coupe du monde en 1982, celle qui dispute le Championnat d’Europe des nations en France en 1984 ne fait pas exception. Elle compte de nombreux joueurs descendants d’Italiens et d’Espagnols, nationalités étrangères longtemps parmi les plus représentées en France, mais aussi des joueurs originaires des outre-mer et d’Afrique. Michel Platini, avec 9 buts marqués, survole la compétition. Tout comme Roger Piantoni au sein de l’équipe engagée en 1958 pour la Coupe du monde, c’est le capitaine et joueur vedette de l’équipe. Il est issu d’une famille italienne de Lorraine. Ses grands-parents se sont rencontrés à Jœuf, dans le bassin minier de Briey, qui concentre une forte main-d’œuvre transalpine.

Au sein de l’équipe qui participe à l’épopée de 1984, l’arrière Patrick Battiston est, lui aussi, issu de ce milieu italo-lorrain. D’autres joueurs partagent la même ascendance : Bernard Genghini, Jean-Marc Ferreri et Bruno Bellone. Manuel Amoros est d’origine espagnole comme Daniel Bravo. Luis Fernandez, qui se dépense sans compter au milieu du terrain, est quant à lui né à Tarifa, en Espagne, avant que sa famille ne s’installe en banlieue lyonnaise, à Vénissieux, dans la cité des Minguettes. C’est au moment de rejoindre le Paris Saint-Germain en 1978, qu’il est naturalisé afin d’intégrer l’effectif professionnel qui dispose déjà de deux joueurs étrangers, maximum alors fixé par le règlement de la Fédération. Un autre enfant des cités forme le « carré magique » aux côtés de Michel Platini, Luis Fernandez et Alain Giresse (lui aussi d’origine espagnole) : c’est le Franco-Malien Jean Tigana, né à Bamako. Il est l’un des héros de cet Euro 1984.

À Marseille, où il a grandi dans le quartier des Caillols, il s’illustre en demi-finale contre le Portugal, le 23 juin, en offrant le but de la victoire (3-2) à Platini à la dernière minute de la prolongation. Lors de la finale disputée le 27 juin 1984 au Parc des Princes, les Bleus s’imposent 2 à 0 face à l’Espagne grâce aux buts de Platini et Bellone. Ils offrent ainsi à la France son premier titre international en football, ouvrant la voie à une équipe plus métissée encore, celle des champions du monde 1998.

L’équipe de France de football 1984 racontée par Jacques Martial

Teddy Riner (né en 1989)

Teddy Riner est le premier homme à remporter sept titres mondiaux en judo, égalant le palmarès de la Japonaise Ryōko Tamura-Tani. Teddy Riner est né 7 avril 1989, aux Abymes, en Guadeloupe, mais il arrive très tôt à Paris et vit avec sa famille dans le quartier de La Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement. Il découvre le judo et en 2004, lors des championnats de France cadets, il se fait remarquer par ses qualités. La même année, il intègre le pôle espoir de Rouen puis l’Institut national des sports et de l’éducation physique (INSEP). En 2005, désormais membre de l’équipe de France, il obtient une médaille de bronze au championnat d’Europe junior, en Croatie. La première d’une longue série.

Deux ans plus tard commence sa véritable ascension lorsqu’il devient champion d’Europe et champion du monde junior, avant de coiffer les mêmes couronnes chez les seniors en 2007 : il a tout juste 18 ans. En 2008, il se consacre à la préparation des Jeux Olympiques de Pékin, escomptant y obtenir la médaille d’or, le seul titre manquant à son palmarès. Battu, il doit se contenter de la médaille de bronze. Un très relatif et provisoire coup d’arrêt à sa carrière sportive lui permet, en 2009, d’obtenir son baccalauréat en section micro-informatique et de suivre, quelque temps plus tard, des cours à Sciences Po. Cette même année, Teddy Riner change de club et devient sociétaire du Levallois Sporting Club Judo.

En 2011, après avoir décroché un titre européen à Istanbul, il est sacré – devant son public, à Paris – champion du monde pour la 5e fois, ce qu’aucun judoka n’avait jamais réalisé. Il contribue également à offrir à la France le titre par équipe, une première depuis 1994. À Londres, en 2012, il s’offre enfin le titre olympique, le seul qui manquait encore à son prestigieux palmarès. Le 30 août 2014, à Tcheliabinsk, en Russie, Teddy Riner bat le Japonais Ryū Shichinohe en finale et devient le premier homme à remporter sept titres de champion du monde. Il n’a que 25 ans.

Teddy Riner raconté par Omar Sy

Zinedine Zidane (né en 1972)

Zinédine Zidane est né à Marseille le 23 juin 1972. Son père, Smaïl, est un Algérien Kabyle venu travailler en France, comme tant d’autres dans les années 1950. Zinédine grandit à la Castellane et c’est dans ce quartier nord de Marseille qu’il commence à jouer au football. À 15 ans, ses qualités techniques lui ouvrent les portes du centre de formation de l’AS Cannes. Il y effectue ses débuts professionnels le 20 mai 1989, à 17 ans. En 1992, il rejoint les Girondins de Bordeaux où son entraîneur, Roland Courbis, lui attribue le surnom de « Zizou ». Le 17 août 1994, il connaît la première de ses 108 sélections en Équipe de France ; il est d’emblée décisif en inscrivant deux buts (2-2). Il participe à l’Euro 1996, lors duquel la France échoue en demi-finale. Il rejoint ensuite la Juventus de Turin, l’un des plus grands clubs européens, remporte deux titres de champion d’Italie et dispute la finale de Ligue des champions 1998. Le 12 juillet de la même année, au Stade de France en finale de la Coupe du monde, Zinédine Zidane inscrit deux buts et offre aux Bleus leur premier titre mondial.

Il entre au Panthéon des plus grands joueurs de l’histoire. La France en liesse acclame son équipe black-blanc-beur, symbole du vivre-ensemble. Avec la victoire remportée lors de l’Euro 2000, Zidane est au faîte de sa gloire. À partir de 2001, il évolue au Real Madrid, club avec lequel il est champion d’Espagne en 2003 et vainqueur de la finale de la Ligue des champions 2002 grâce à un but d’anthologie. En 2006, il est élu meilleur joueur de la Coupe du monde, malgré une finale perdue qui restera comme le dernier match en bleu de sa carrière. Longtemps personnalité préférée des Français, ce footballeur de génie, apprécié aussi pour son humilité, s’est engagé depuis 2013 dans une carrière d’entraîneur. À l’image de Michel Platini, Raymond Kopa et Larbi Ben Barek, il symbolise la France sous toutes ses diversités et une génération de joueurs de talent, la quatrième représentée par ces icônes issues de l’immigration.

Zinedine Zidane raconté par Jamel Debbouze

Nikola Karabatic (né en 1984) 

Nikola Karabatic est un joueur de handball d’origine croate par son père et serbe par sa mère. Né le 11 avril 1984 à Nis dans ce qui était encore la Yougoslavie, il passe une partie de son enfance en Alsace, où son père Branko Karabatic évolue comme joueur de handball, puis comme entraîneur. Très vite, la famille prend la direction du Sud de la France. Impressionnant colosse d’1,95 mètres pour 102 kg évoluant au poste d’arrière, Nikola Karabatic débute sa carrière professionnelle à Montpellier où il remporte en 2003 une Ligue des champions à tout juste 19 ans, ainsi que ses premiers titres de champion de France. Il se distingue dès ses débuts avec l’équipe de France, mais la réussite fuit les Tricolores, notamment lors des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, terminés à une frustrante 5e place.

Tiraillé entre l’envie de rester auprès des siens et la volonté de progresser, il signe en 2005, à Kiel en Allemagne, l’un des plus grands clubs européens, avec lequel il remporte plusieurs coupes et titres nationaux, ainsi qu’une seconde Ligue des champions en 2007. Il conquiert également, lors du championnat d’Europe 2006 en Suisse, un premier titre avec les Bleus. Mais c’est lors de la victoire aux Jeux Olympiques de Pékin deux ans plus tard que commence véritablement à se forger la légende d’un joueur doté d’un immense appétit de victoires.

2009 marque le retour du fils prodigue à Montpellier, où évolue désormais son frère cadet Luka Karabatic. La même année, Nikola Karabatic conquiert en Croatie sa première couronne mondiale, suivie d’une seconde deux ans plus tard en Suède et d’un nouveau sacre européen en 2010. À Londres, le titre olympique est lui aussi brillamment conservé. Mais cette année 2012 est également celle de l’affaire surmédiatisée des « paris suspects », contraignant les deux frères à rejoindre le club d’Aix-en-Provence, d’où Nikola part à l’été 2013 pour Barcelone, mettant un terme à plusieurs rendez-vous manqués avec le club catalan. Devenu un cadre de l’équipe de France, Luka Karabatic accompagne son frère sur la voie de nouveaux succès lors du titre européen de 2014 au Danemark, puis celui mondial de 2015 au Qatar. Ce titre fait de Nikola Karabatic l’un des plus grands champions français de sport collectif.

Nikola Karabatic raconté par Rachid Bouchareb

Jackson Richardson (né en 1969) 

Joueur de handball d’origine réunionnaise, Jackson Richardson a porté plus de 400 fois le maillot de l’équipe de France, dont il fut l’emblématique capitaine. Né le 14 juin 1969 à Saint-Pierre, il est repéré à la fin des années 1980 lors d’une tournée dans l’océan Indien par Daniel Constantini. Évoluant en seconde division au début de sa carrière à Paris-Asnières, Jackson Richardson participe dès 1990 à son premier championnat du monde en Tchécoslovaquie. À 21 ans, il constitue la révélation du tournoi et reçoit le prix honorifique de meilleur joueur. Transféré, il remporte ensuite à deux reprises pour l’OM-Vitrolles le championnat et la Coupe de France, ainsi que l’édition 1993 de la Coupe des coupes de handball.

La légende de Jackson Richardson naît avec l’épopée de l’équipe des « Barjots », avec laquelle il obtient d’abord la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, puis celle d’argent deux ans plus tard au championnat du monde en Suède. Il conduit les Bleus au titre suprême lors du championnat du monde de 1995 en Islande, faisant de ce groupe la première équipe française de sport collectif à conquérir un tel titre. La Fédération internationale de handball lui décerne la même année la distinction de meilleur joueur international.

Il évolue ensuite, de 1997 à 2000, au club allemand de Grosswallstadt avec lequel il remporte lors de sa dernière saison la Coupe d’Europe des villes. Chef de file de la génération de l’affirmation du handball français, il accompagne également la suivante, celle des « Costauds », sur la route d’un nouveau succès lors du mondial 2001 organisé en France. En quart de finale contre l’Allemagne, c’est à lui que l’on doit notamment dans les ultimes instants un but décisif synonyme de prolongation. En club, Jackson Richardson remporte la même année la Ligue des champions avec l’équipe espagnole de Pampelune. Revenu dans l’Hexagone en 2005 à Chambéry, il prend sa retraite à l’âge de 40 ans après quelques matchs au profit du Rhein-Neckar Löwen, et demeure l’un des plus grands champions français originaires de l’île de la Réunion.

Jackson Richardson raconté par Lucien Jean-Baptiste

Marcel Cerdan (1916-1959) 

Marcel Cerdan naît à Sidi-Bel-Abbès en Algérie, le 22 juillet 1916.Il est le quatrième d’une fratrie de cinq. Il est issu d’un milieu modeste, qui aiguisera sa quête de gloire et de victoire. En 1929, il rejoint « l’écurie » de son père et devient professionnel en 1933. Bouleversé par la mort de sa mère en 1935, sa carrière est chaotique jusqu’à ce qu’il signe un contrat avec Lucien Roupp, un manager très respecté.

En mai 1938, il devient champion de France au Palais des Sports de Paris. Touché par Gustave Humery au 5e round, il retourne la situation et met son adversaire K.-O. au 6e. Blessé et incapable de continuer la boxe, Marcel Cerdan se tourne vers le football et est sélectionné en 1940 dans l’équipe du Maroc aux côtés de Larbi Ben Barek. Revenu à la boxe, le championnat d’Europe qu’il remporte à Milan contre Turiello détermine son orientation sportive. Le 5 mai 1946, il bat Robert Charon au Parc des Princes. Les portes de l’Amérique s’ouvrent alors et en décembre à New York, Marcel Cerdan terrasse Grégorie Abrams. Marcel Cerdan devient champion du monde des poids moyens en battant l’Américain Tony Zale à Jersey City, le 21 septembre 1948.

Il est depuis rentré dans l’histoire et s’affirme comme l’un des grands champions français du siècle né en Afrique du Nord. Marcel Cerdan, compagnon d’Édith Piaf, incarne le sportif populaire. Le self made man se complaît dans les bains de foule. Accessible, il fréquente bistrots, restaurants et dancings. Sa préparation de combats et son hygiène de vie sont souvent déficientes, mais son immense classe lui permet d’atteindre les sommets. Marcel Cerdan incarne la transition entre l’amateurisme d’avant et le professionnalisme d’aujourd’hui. Il meurt le 28 octobre 1949, à bord de l’avion qui l’emmène à New York rejoindre Édith Piaf.

Marcel Cerdan raconté par Tony Gatlif

Constantin Henriquez 

Le Franco-Haïtien Constantin Henriquez a connu une carrière sportive exceptionnelle dans l’Hexagone, avant de s’engager dans la vie politique de son pays natal. Arrivé en France en 1893 sur le paquebot La Bretagne, en provenance de Port-de-Paix, il s’inscrit au collège Albert-le-Grand d’Arcueil. Constantin Henriquez entamera ensuite de brillantes études de médecine. En parallèle de sa scolarité, très sportif, il s’adonne au rugby, ou plutôt au « football-rugby », comme on appelle alors la discipline. Constantin Henriquez rêve de participer, comme certains de ses camarades d’Albert-le-Grand ont pu le faire, aux premiers Jeux olympiques modernes, à Athènes, organisés en 1896 à l’initiative de Pierre de Coubertin, mais ne parvient pas à être qualifié.

Devenu professionnel, il joue dans les plus grands clubs, le plus souvent au poste de 3e ligne, au trois-quarts aile ou bien au trois-quarts centre. Il décroche alors de nombreux titres, celui de vice-champion en 1895 avec l’Olympique de Paris et, six ans plus tard, celui de champion avec le Stade français. On le retrouve dans l’équipe de France de rugby pour la deuxième édition des Jeux olympiques modernes. Ils se tiennent au cœur de la gigantesque exposition universelle parisienne, qui accueille plus de 50 millions de visiteurs. Près de 1.000 athlètes représentant 24 nations et une vingtaine de disciplines sont, aux côtés de femmes qui participent pour la première fois aux compétitions, acclamés par le public parisien. L’équipe de France de rugby affronte l’Allemagne et le Royaume-Uni au vélodrome de Vincennes, devant 6.000 spectateurs. Gagnant leurs matchs, Constantin Henriquez et ses coéquipiers remportent la médaille d’or. Ce 28 octobre 1900, il devient le premier Afro-Caribéen champion olympique et cette victoire est aussi pour la France. Son nom est désormais inscrit dans l’histoire du sport français.

De retour à Haïti dans les années 1950, il devient sénateur et s’engage dans la promotion du sport dans son pays. Il est à l’initiative de l’Union Sportive Haïtienne et, avec l’aide de son frère Alphonse, de la construction du Stade haïtien Sylvio-Cator, inauguré en 1953 et encore en service aujourd’hui.

Constantin Henriquez raconté par Aïssa Maïga

Louis Phall « Battling » Siki (1897-1925)

Louis Mbarick Phall dit « Battling » Siki naît en septembre 1897, à Saint-Louis au Sénégal. Arrivé en France très jeune, il commence à boxer à 15 ans avec succès mais sa carrière est stoppée par la Première Guerre mondiale. Après quatre années passées sous les drapeaux, il est décoré de la Croix de guerre et reçoit la médaille militaire.

De retour sur le ring, il met K.-O. tous les champions qu’on lui oppose dans des catégories de poids parfois supérieures à la sienne. Jusqu’au mémorable « drame de Buffalo », à Montrouge le 24 septembre 1922, lorsqu’il écrase Georges Carpentier. Le combat avait été « arrangé » au profit du Grand Georges, mais ce dernier avait voulu, devant un public venu le voir donner la leçon, frapper durement son adversaire. « Battling » Siki ne l’avait pas accepté, l’avait prévenu à plusieurs reprises puis avait fini par se battre sans retenue, jusqu’à allonger son adversaire, à la stupeur générale. « Notre Siki national » devient champion de France, d’Europe et du monde. Pour quelques jours seulement. L’industrie de la boxe s’empresse de le déchoir de son trône. La manière est si grossière et brutale que l’ancien commissaire aux troupes noires, le député Blaise Diagne, met l’affaire sur la place publique. Son plaidoyer devant l’Assemblée nationale fait sensation. Le scandale ­– que d’aucuns comparent à l’affaire Dreyfus – est tel que machine arrière est faite et « Battling » Siki est momentanément rétabli dans ses titres. Il est cependant contraint, pour pratiquer son métier, de boxer en Irlande, le jour de la Saint Patrick, en plein climat insurrectionnel… Sa victoire, évidente aux yeux de tous les observateurs, n’est pas reconnue. Il doit abandonner son titre mondial en terre irlandaise.

« Battling » Siki ne se remettra jamais de cette défaite injuste. Il s’exile l’année suivante aux États-Unis où il connaît une lente descente aux enfers, qui s’achève dans le caniveau d’une rue de Harlem, où son corps est retrouvé le 15 décembre 1925 perforé de deux balles dans le dos. Pour les Français et les Sénégalais, il demeure un champion hors norme, le premier « Africain » ayant marqué le sport français.

Louis Phall « Battling » Siki raconté par Claudy Siar

Papa Gallo Thiam (1930-2001) 

Le 15 janvier 2001 à Paris, près d’un demi-siècle après avoir fait ses adieux à la piste, un grand champion s’éteint. Papa Gallo Thiam est l’un des pionniers du sport africain, par ses performances et par sa présence répétée à la présidence de la Fédération sénégalaise d’athlétisme. Il naît le 24 janvier 1930 dans une famille d’entrepreneurs dakarois, dont il prendra la relève à la fin de ses études d’ingénieur. Il s’illustre d’abord localement, dans les compétitions scolaires. En 1947, il franchit 1,73 m et établit ainsi un nouveau record d’Afrique-Occidentale française. L’année suivante, il améliore sa marque de 20 centimètres, en réalisant 1,93 mètres lors des championnats de France juniors. Cette performance de très haut niveau attire l’attention des instances sportives, qui l’enjoignent à s’installer en métropole.

Cependant, il est écarté de la sélection pour les Jeux Olympiques de Londres de 1948 pour d’obscures raisons de « jeunesse ». Hors stade, l’attitude de Papa Gallo Thiam est jugée « subversive ». Dans cette période d’émergence des nationalismes africains, ses activités militantes au sein des mouvements estudiantins africains et communistes pèsent sur sa carrière. Au moment de constituer les sélections pour les Jeux Olympiques de Melbourne en 1956, les instances sportives ignorent le triple champion de France. Cet évènement précipitera la fin de sa carrière.

Athlète à la technique singulière, il avait établi un record national en 1949. Le 22 juillet 1950, au stade Jean Bouin de Paris, il remporte la finale des championnats de France, couronnement d’une saison exceptionnelle qui voit le longiligne franco-sénégalais devenir le premier francophone à franchir la barre mythique des deux mètres. Culminant à 2,03 m, sur le plan sportif, Papa Gallo Thiam se sent intouchable. Son record de France tiendra six années. Et pour le journal L’Équipe, qui l’a tant brocardé, il est désormais « le champion des champions ». Il était temps, car cet homme d’engagement était l’un des plus grands sportifs africains et français de sa génération.

Papa Gallo Thiam raconté par Rachida Brakni

Major Taylor (1878-1932) 

Marshall Walter Taylor est né le 26 novembre 1878 à Indianapolis. Petit-fils d’esclaves, il est l’un des premiers grands champions noirs aux États-Unis. À l’âge de 12 ans, il reçoit son premier vélo d’un propriétaire de magasin de cycles, pour faire des acrobaties en uniforme de soldat, d’où son surnom : « Major ». À 15 ans, il bat le record du mile. Professionnel à 18 ans, il s’impose comme le coureur cycliste le plus rapide de sa génération, détenant 14 records du monde entre 1898 et 1899. Il est champion du monde de vitesse à Montréal en 1899. L’année suivante, il ne défend pas sa couronne mondiale car, très pratiquant, il refuse de courir le dimanche.

Surnommé le « Black Cyclone », sa route est constamment entravée par le racisme du public et de ses adversaires, dont Floyd MacFarland, un descendant de planteurs. Il est même interdit de course dans son État d’origine, l’Indiana, ségrégationniste comme tout le Sud des États-Unis. Il est contraint de déménager dans le Massachussetts, au Nord du pays. En Europe, où il se rend en 1901 pour une première tournée, il est accueilli comme un grand champion. Sur 57 courses disputées, il en remporte 40. Il est opposé aux meilleurs champions européens, dont le Français Edmond Jacquelin, champion du monde de vitesse en 1900. Si sa carrière le mène également en Australie et en Nouvelle-Zélande, c’est surtout sur le Vieux Continent qu’il acquiert la plus grande reconnaissance et notamment en France, qui devient sa partie d’adoption. En 1908, il établit encore un record mondial sur le quart de mile à Paris, où il est surnommé « le nègre volant ». C’est à l’âge de 32 ans, en 1910, qu’il met un terme à sa carrière.

Mais, il ne parviendra malheureusement pas à capitaliser sa gloire sportive. En 1929 il publie son autobiographie, The faster bicycle rider in the world, qui ne rencontre pas le succès attendu. Il meurt dans le dénuement et l’anonymat le 21 juin 1932 à 53 ans. Il faut attendre le début des années 2000 pour qu’une reconnaissance posthume se manifeste, notamment dans sa ville natale d’Indianapolis, où un vélodrome porte désormais son nom.

Major Taylor raconté par Pascal Légitimus

Aya Cissoko (née en 1978)

Née en 1978 à Paris de parents originaire du Mali, Aya Cissoko est une battante. Après les décès précoces de son père et de sa sœur dans un incendie criminel en 1986 puis de son frère terrassé par une méningite 11 mois plus tard, elle s’investit totalement dans la boxe amateur malgré les réticences de sa mère. À l’âge de 12 ans seulement, elle remporte le titre de championne de France de boxe française chez les benjamins. Elle obtient les titres de championne de France et du monde de boxe française dans la catégorie des moins de 66 kg en 1999. Elle confirme son titre de championne de boxe française amateur en 2003.

Pour s’imposer de nouveaux défis, elle opte pour la boxe anglaise en 2005. Le sommet de sa carrière se joue en 2006 lorsqu’elle décroche, toujours dans la même catégorie des poids welters de boxe amateur anglaise, à la fois le titre de championne de France, le titre européen à Varsovie face à l’Ukrainienne Lesja Kozlan et le titre mondial à New Delhi face à l’Ukrainienne Oleksandra Kozlan. Ce fut la seule médaille française lors de ces championnats du monde. Mais le sort s’acharne sur la jeune Française lorsque, lors de cette finale des championnats du monde de 2006 remportée contre l’Ukrainienne, un choc à la tête lors du 2e round aboutit à une fracture des cervicales suivie d’une opération ratée qui mettent brutalement fin à sa carrière de sportive.

Loin de se décourager, elle commence des études à l’Institut d’études politiques de Paris où elle poursuit son master. En 2011, elle co-écrit avec son amie Marie Desplechin son autobiographie intitulée Danbé qui signifie « dignité » en bambara, ouvrage acclamé par la critique. Ce récit sans concession et sans pathos obtient notamment le grand prix de l’Héroïne Madame Figaro la même année. En janvier 2015, le téléfilm du réalisateur Bourlem Guerdjou intitulé Danbé, la tête haute, librement inspiré de l’autobiographie d’Aya Cissoko, retrace la vie de cette boxeuse tenace dans son combat pour sa reconstruction, sa liberté et sa reconnaissance.

Aya Cissoko racontée par Akhenaton

Arnaud Assoumani (né en 1985) 

Arnaud Assoumani voit le jour en 1985 à Orsay, d’un père comorien et d’une mère française. Né sans avant-bras gauche, ce qui perturbe son équilibre en course et sa coordination, il concourt aujourd’hui en athlétisme à la fois chez les valides et en handisport. Après avoir essayé la natation, il découvre l’athlétisme à l’âge de 11 ans au stade du Lac de Maine à Angers. Vient le temps des premières compétitions nationales et internationales. À 16 ans il devient l’un des dix meilleurs jeunes français valides, et à 18 ans champion de France handisport. Aux championnats d’Europe handisport 2003, il est médaillé d’argent à la longueur et double médaillé d’or en hauteur (1,90 mètres) et au relais 4 x 100 mètres. Un saut à 6,91 mètres lui offre le bronze paralympique à Athènes en 2004. Il n’a pas encore 20 ans.

Arnaud Assoumani n’a pas pour autant négligé ses études puisqu’après son bac scientifique il obtient un BTS de montage vidéo et post-production. De 2006 à 2011, Arnaud Assoumani va alors enchaîner les titres et les records mondiaux handisports. C’est finalement à Pékin en 2008 qu’il atteint la gloire paralympique avec un nouveau record du monde à 7,23 mètres. Cet exploit lui vaut la Légion d’honneur et le soutien de nouveaux sponsors. Dès 2007, Sciences Po Paris lui avait ouvert les portes de sa filière dédiée aux sportifs de haut niveau. Nouvel exploit en février 2010, il devient le premier athlète handisport à remporter une médaille en championnat de France avec les valides : le bronze avec un saut à 7,82 mètres.

Dans la perspective des Jeux de Londres 2012, il lance un jeu-concours dénommé « Golden Arm » sur Internet pour customiser graphiquement sa prothèse de compétition sur le thème des super héros de comics. Mais une vilaine blessure l’empêche de se qualifier, du moins chez les valides, car Arnaud Assoumani décroche deux fois l’argent paralympique : en saut et triple saut, et il est aussi élu dans la foulée au Conseil des athlètes du Comité International Paralympique. Son dernier rêve : se qualifier pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Rio 2016. Une nouvelle étape pour cet athlète hors du commun, dont le parcours de vie et le parcours sportif se rejoignent pour construire un destin d’exception.

Arnaud Assoumani raconté par Sami Bouajila

Angelo Parisi (né en 1953) 

Angelo Parisi naît le 3 janvier 1953 à Arpino dans la région du Latium, en Italie. En 1956, au moment où l’émigration italienne connaît son dernier rebond en France, ses parents quittent la Péninsule pour l’Angleterre. Une destination qui n’est pas la plus courante pour des Italiens. L’école anglaise, qui valorise les pratiques sportives depuis la fin du XIXesiècle, lui donne le goût du sport. Son gabarit et sa vitesse s’expriment d’abord sur les terrains de rugby, mais à 15 ans, c’est au judo qu’il se consacre pleinement, au sein du plus vieux club de judo d’Europe, le Budokwai, fondé en 1918 à Londres par un maître japonais. Il devient ceinture noire en une année seulement. Champion d’Angleterre en junior puis en senior, il est sélectionné en équipe nationale. Sous les couleurs anglaises, dans la catégorie des plus de 95 kg, il remporte la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Munich de 1972 et un titre de champion d’Europe la même année à Voorburg aux Pays-Bas.

En 1974, il épouse une Française et engage une procédure de naturalisation. La Fédération anglaise décide dès lors de ne pas le retenir pour les Jeux Olympiques de Montréal en 1976. Devenu Français, il remporte six fois le championnat de France et sept fois le championnat d’Europe entre 1977 et 1984. Aux Jeux Olympiques de Moscou, en 1980, il décroche la première médaille d’or du judo français dans la catégorie des lourds, ainsi qu’une médaille d’argent en toutes catégories. Cette performance lui vaut l’honneur de porter le drapeau en tête de la délégation française lors de l’olympiade suivante, à Los Angeles en 1984. Au cours de la compétition, celui que ses amis surnomment « Angelo le magnifique » en raison de son élégance technique sur les tatamis, obtient une dernière médaille, d’argent cette fois.

En 1985, il met un terme à sa carrière, mais ne quitte pas pour autant les dojos : il devient entraîneur de l’équipe de France. Sous sa houlette, Djamel Bourras et David Douillet sont champions olympiques à Atlanta en 1996. Aujourd’hui il continue de transmettre sa passion au sein de l’association Activivre et reste un champion et un précurseur exceptionnel du judo en France.

Angelo Parisi raconté par Passi

Grégory Baugé (né en 1985)

Grégory Baugé est né le 31 janvier 1985 à Maisons-Laffitte. Fier de ses racines guadeloupéennes, il est également attaché au département des Yvelines où il a grandi. C’est grâce à son père, ancien coureur, que Grégory Baugé découvre le cyclisme très jeune. Ce sport le passionne immédiatement, contrairement au football qu’il abandonne faute de pouvoir se réchauffer sur les terrains gelés d’Île-de-France. Son père l’encourage à participer à des courses sur route, en VTT et en trial. Les victoires commencent dès les minimes. Il remporte en 1998, à 13 ans, le Challenge du C.I.F., à Linas-Montlhéry, qui confirme son talent au niveau régional. Son père l’inscrit alors dans une école de cyclisme à Aubergenville, en région parisienne.

En 2001, à 16 ans, Grégory Baugé fait le choix de se consacrer entièrement à la piste et rejoint le club de Créteil. À 17 ans, il entre à l’Institut national des sports et de l’éducation physique (INSEP) et intègre l’équipe de France juniors. Premier pistard noir en équipe de France, il devient champion du monde junior par équipe en 2002, aux côtés de ses coéquipiers François Pervis et Mickaël Murat. En 2005, il devient titulaire de l’équipe de vitesse chez les seniors. Un an plus tard, il est sacré champion du monde par équipe. C’est seulement le deuxième athlète noir, après l’Américain Major Taylor en 1896, à remporter le titre dans cette discipline. Les succès s’enchaînent : entre 2006 et 2012, il remporte 4 titres de champion du monde par équipe et 3 titres en individuel. Un palmarès exceptionnel, auquel s’ajoutent 11 titres en Coupe du monde.

La déception survient lors des Jeux Olympiques, où il ne parvient pas à décrocher l’or. À Pékin, en 2008, il est médaillé d’argent de la vitesse par équipe. En 2012, à Londres, il prend la 2e place en équipe et en individuel. Lors des championnats du monde en 2015, il remporte cependant son 5e titre mondial par équipe, toujours aux côtés de François Pervis, son coéquipier depuis les juniors. En individuel, il se hisse en finale. Le 22 février 2015, après s’être surpassé pour remonter son rival, le Russe Denis Dmitriev, Grégory Baugé décroche son 4e titre mondial en individuel. Le « tigre », comme on le surnomme, est dorénavant fin prêt pour les Jeux olympiques au Brésil de 2016. Avec 8 titres de champion du monde de vitesse, Grégory Baugé est aujourd’hui devenu la référence mondiale en matière de cyclisme sur piste.

Grégory Baugé raconté par Ariane Ascaride

Victor Young Perez (1911-1945) 

Né à Tunis en 1911 dans une modeste famille juive, le jeune Victor Younki se passionne pour la boxe, sport alors très populaire dans la Tunisie coloniale au cours de l’entre-deux-guerres. Sous la coupe de son entraîneur et protecteur Joe Guez, il commence à fréquenter les rings tunisois. Son talent manifeste l’amène à traverser la Méditerranée, direction Paris. Celui qui se fait désormais appeler Young Perez s’illustre immédiatement lors de son premier match professionnel en 1928, à l’âge de 17 ans. Sa carrière est lancée. Mais c’est en 1931 qu’il connaît la consécration, à tout juste 20 ans : il devient champion de France des poids mouche en juin en battant Valentin Angelmann puis, le 26 octobre, Young Perez devient champion du monde de cette catégorie en battant l’une de ses idoles, l’Américain Frankie Genaro, par K.-O. au 2eround devant 16.000 spectateurs, au Palais des Sports de Paris. Toute la presse salue son exploit et il est accueilli en héros dans sa Tunisie natale.

Mais la gloire de Perez est éphémère. En 1932, vie facile et déboires amoureux se conjuguent avec la perte de son titre de champion du monde. S’il continue à boxer désormais dans la catégorie poids coq en raison d’une prise de poids, le succès n’est plus au rendez-vous et la carrière de Young Perez s’étiole. En 1939, lorsque la guerre est déclarée, Young Perez n’est plus qu’un boxeur de seconde zone, désargenté et quelque peu oublié. Mais, à moins de 30 ans, il veut reconquérir des titres et se refuse, malgré le danger de plus en plus menaçant à l’encontre des Juifs, à rentrer en Tunisie.

En 1943, la milice l’arrête et l’interne à Drancy où on le surnomme « champion ». Déporté à Auschwitz, il continue à pratiquer la boxe, souvent contre des officiers allemands. S’il survit aux premiers mois de déportation, Young Perez n’aura pas la chance de revoir les siens. Le 18 janvier 1945, il est abattu lors d’une des marches de la mort qui suivent l’évacuation des camps d’extermination. Son meurtrier serait l’un des officiers SS que Young avait battu sur un ring d’Auschwitz quelques mois auparavant. Cruel destin pour ce grand champion, populaire en France et dans sa Tunisie natale.

Victor Young Perez raconté par Roschdy Zem

Christine Arron (née en 1973)

Christine Arron est née le 13 septembre 1973 aux Abymes en Guadeloupe. Sportive dès son plus jeune âge, elle se lance en athlétisme après avoir essayé le karaté, et obtient très rapidement d’excellents résultats. À partir de 15 ans, la jeune fille est déjà une sprinteuse titrée en championnat de France et aux compétitions athlétiques réputées de la « Caribbean Free Trade Association ».

En 1992, la future championne âgée de 19 ans gagne l’Hexagone et s’entraîne ardemment pour l’épreuve du 400 mètres. Malheureusement, une blessure, survenue quelques semaines avant les Jeux Olympiques d’Atlanta de 1996, l’empêche d’y participer. Christine Arron décide alors de s’orienter vers des courses plus courtes. Sa carrière au plus haut niveau mondial va prendre un nouvel essor. En 1997, lors du championnat du monde d’athlétisme, elle passe encore presque inaperçue en finissant troisième du sprint, dans l’ombre de la grande championne française du moment, Marie-José Pérec. Mais l’année suivante, elle remporte deux fois l’or au championnat d’Europe, en sprint et aux 4 x 100 mètres, en courant 10,73 secondes aux 100 mètres, record d’Europe jusqu’ici détenu par Marie-José Pérec. Elle est alors consacrée « athlète européenne de l’année ». En 1999, la sprinteuse et ses trois partenaires frôlent la consécration mondiale avec une médaille d’argent aux Mondiaux de Séville, s’inclinant devant les sprinteuses des Bahamas. Elle s’absente alors des grandes compétitions pendant trois ans pour cause de blessures récurrentes mais aussi pour donner naissance à un petit garçon en 2002. Dès 2003, pourtant, elle revient au plus haut de sa forme et arrache enfin, dans les derniers mètres du relais, le titre mondial aux Américaines, au Stade de France. Elle est alors au sommet de sa carrière exceptionnelle d’athlète.

Pendant presque 10 ans encore, la sprinteuse continue de collectionner les places sur le podium dans les compétitions nationales et européennes malgré ses fréquents problèmes de santé. Finalement, en 2012, à l’âge de 39 ans, Christine Arron décide de mettre fin à sa carrière. Quatrième femme la plus rapide du monde sur 100 mètres, son record d’Europe reste aujourd’hui invaincu.

Christine Arron racontée par François Busnel

Panama Al Brown (1902-1951)

Lors d’une simple patrouille de nuit, la police de New York ramasse un homme qui n’a pourtant pas la réputation de s’effondrer. Le grand boxeur Panama Al Brown est terrassé le 11 avril 1951 par la « maladie des pauvres », la tuberculose. Teofilo Alfonso Brown est né le 5 juillet 1902 dans la ville de Colón aux abords du canal de Panama. Alors employé à la United States Fishing Board, ce jeune Afro-Panaméen assiste régulièrement aux combats de boxe organisés par les soldats américains. À 20 ans il embrasse sa passion et devient professionnel. Il ne raccrochera les gants qu’à l’âge de 40 ans, avec à son actif 165 combats dont 132 victoires. Son ascension sportive sera aussi fulgurante que sa descente aux enfers.

Il débute le 19 mars 1922 face à José Moreno. Le 13 décembre de la même année, il est sacré champion national des poids mouches face à Sailor Patchett. Il est repéré par le manager Dave Limiansky, qui le fait combattre à New York le 22 août 1923. Il découvre Paris en marge d’un combat victorieux, quitte New York, et s’installe dans la ville lumière jusqu’à la guerre. Paris et la France deviennent sa ville et son pays d’adoption. En dehors du ring, il participe à la Revue Nègreavec Joséphine Baker et devient une star du Tout-Paris aux côtés de Cocteau, tout au long de la décennie qui suivra. En 1929, il est au sommet de son art. Le 29 janvier, il réalise l’un des K.-O. les plus rapides de l’histoire de la boxe : en 15 secondes, il vient à bout du Nordiste Gustave Humery, dit le « le tueur ».

Le 7 octobre il remporte la ceinture NBA, palmarès qu’il complètera l’année suivante par la ceinture IBU. Le 18 juin 1929, devant les 15.000 spectateurs du Queensboro Stadium de Long Island, il entre dans la légende. Il défait l’Espagnol Gregorio Vidal en 15 rounds, s’adjugeant le titre mondial vacant des poids coqs et devenant par là même le premier hispanique à remporter un titre de champion du monde en boxe. Cet exploit a un retentissement important dans toute l’Amérique latine et en France. En 1992, cet Afro-Caribéen à la fois hispanique, parisien et new-yorkais est intronisé au International Boxing Hall of Fame par ses « patries d’adoption ». Plus qu’un hommage, c’est le signe que ce boxeur est définitivement entré dans l’histoire.

Panama Al Brown raconté par Céline Géraud

Pierre Alexandre Tuffèri (1876-1958)

Pierre-Alexandre Tuffèri naît à Athènes, en Grèce, dans une famille aisée – son père est négociant – et connaît une enfance et une adolescence plongé dans le milieu cosmopolite et cultivé de l’élite athénienne.

Comme partout en Europe, les sports modernes, amenés par des expatriés britanniques ou des grecs de retour d’Angleterre, s’implantent au cœur de cette élite. Pierre-Alexandre Tuffèri se passionne pour ces nouveaux sports, en particulier pour l’athlétisme et surtout les épreuves de saut et de triple saut. Remarqué pour ses performances dans les premières compétitions d’athlétisme organisées en Grèce, dans le cadre estudiantin – la première fédération sportive grecque n’apparaît qu’en 1897 –, Pierre-Alexandre Tuffèri fait partie de la délégation française aux premiers Jeux olympiques modernes, en 1896. Pierre de Coubertin est à l’origine des jeux modernes. Organisé à partir de 1894, les jeux de 1896 à Athènes sont déjà la plus grande manifestation sportive jamais organisée avec plus de 240 athlètes issus de 14 nations. Pierre-Alexandre Tuffèri est engagé sur les épreuves de saut en longueur et de triple saut. Il ne part pas favori. Le lundi 6 avril 1896, date de l’ouverture des premières finales d’athlétisme, Pierre-Alexandre Tuffèri s’élance et réussi un triple saut de 12,70 m, arrachant la médaille d’argent, derrière l’Américain James Connoly. Ce jeune étudiant amateur d’athlétisme ne le sait pas encore, mais il vient de rentrer dans l’histoire comme le premier médaillé français de l’histoire. Il participera encore aux Jeux Olympiques de 1900 et aux Jeux intercalaires de 1906 (au cours desquels il représente la Grèce), mais sans obtenir de médaille.

Modèle de l’athlète cosmopolite, il est fait chevalier de la légion d’honneur en 1937, alors qu’il travaille toujours en Grèce, comme directeur de la banque d’Athènes. Fidèle à la France, il devient en 1940 l’un des leaders d’un groupe de résistants de la France libre animé depuis Le Caire par le général Georges Catroux. Il décède le 14 mars 1958 à Athènes, sa ville natale.

Pierre Alexandre Tuffèri raconté par Alain Mabanckou

Raymond Kopa (1931-2017) 

Raymond Kopaszewski est né le 31 octobre 1931 à Nœux-les-Mines, dans le Pas-de-Calais. Sa famille s’y est installée en 1919 à la suite des accords franco-polonais favorisant l’immigration. Il grandit dans un milieu fortement marqué par la culture de son pays d’origine : à la maison, on ne parle que polonais. Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans qu’il acquiert la nationalité française. Son grand-père, son père et son frère aîné sont mineurs, un métier qu’il exerce également durant deux ans et demi avant d’embrasser la carrière de footballeur. Il commence à jouer au ballon rond très jeune, d’abord dans la rue puis à l’US Nœux-les-Mines.

Ses qualités techniques lui valent d’être repéré par le SCO d’Angers, qui lui fait signer son premier contrat professionnel à l’âge de 18 ans. Il y évolue durant deux saisons en Division 2, avant de rejoindre le Stade de Reims en 1951. Il est l’un des principaux artisans de la « grande époque » du club, avec lequel il est champion de France de D1 à quatre reprises (1953, 1955, 1960 et  1962) puis finaliste de la toute nouvelle Coupe d’Europe des clubs champions en 1956 face au Real Madrid. Kopa, dont le jeu est souvent qualifié de « brillant » et de « spectaculaire », rejoint la saison suivante le club madrilène, avec lequel il remporte le prestigieux trophée européen en 1957, 1958 et 1959. Il est alors au sommet de son art et décroche le Ballon d’Or en 1958 : une première pour un joueur français.

En 1959, il retrouve Reims où il évolue jusqu’à la fin de sa carrière, en 1967. Raymond Kopa s’illustre aussi en Équipe de France. Il y débute par une victoire dont la portée dépasse le sport, face à l’Allemagne le 5 octobre 1952 (3-1). S’ensuivront 44 autres sélections. Sa carrière internationale est marquée par la Coupe du monde 1958 que les Bleus termineront à la troisième place, une performance inédite à laquelle il contribue grandement, lui valant le titre de meilleur joueur de la compétition. Souvent présenté comme un symbole de la mobilité sociale et de l’intégration, Raymond Kopa, engagé dans la lutte contre le cancer depuis des années, est le plus grand joueur français des années 1950, et pour longtemps l’un des plus populaires.

Raymond Kopa raconté par Louis Chedid

Mary Pierce (née en 1975)

Mary Pierce a marqué l’histoire du tennis français en comptabilisant plus de 500 victoires dans sa carrière avec un style fondé sur la puissance et l’énergie physique. Née en 1975 à Montréal, d’une mère française et d’un père américain, elle grandit aux États-Unis. C’est en Floride qu’elle découvre le tennis : elle devient championne des États-Unis dans la catégorie des moins de 12 ans. Elle commence sa carrière professionnelle à 14 ans, c’est alors la plus jeune joueuse sur le circuit.

En 1993, elle entre dans le top 12 mondial. L’année suivante, elle se hisse en finale du tournoi de Roland-Garros. En 1995, elle remporte l’Open d’Australie face à l’Espagnole Arantxa Sanchez Vicario et occupe le troisième rang mondial. Dotée de la double nationalité franco-américaine, Mary aurait aussi pu devenir canadienne. Mais c’est avec les couleurs de la France qu’elle décide de concourir. Ainsi, en septembre 1997, aux Pays-Bas, Mary Pierce remporte la Fed Cup avec Sandrine Testud et l’équipe de France, emmenée par un capitaine de légende, Yannick Noah. Elle a désormais un rêve : gagner Roland-Garros. Il va se concrétiser en 2000. Elle arrive à Roland-Garros plus motivée que jamais. En quart de finale, elle bat l’Américaine Monica Seles avec un point gagnant joué sur un retour acrobatique qui restera dans l’histoire du tennis. Après sa demi-finale âprement disputée contre la numéro un mondiale Martina Hingis, la coupe Suzanne-Lenglen est à portée de main. Son adversaire en finale est l’Espagnole Conchita Martinez qu’elle parvient à dominer en deux sets. Ainsi, ce 10 juin 2000, Mary Pierce, bras au ciel, vient de remporter le tournoi de Roland-Garros et connaît la consécration mondiale.

En raison d’ennuis physiques, les années suivantes ne seront pas aussi éclatantes mais en 2003, elle remporte à nouveau la Fed Cup face aux États-Unis, son autre patrie. Puis en 2005, elle enchaîne d’excellentes performances qui lui permettent de se hisser au 5e rang mondial et de jouer les Masters. À Los Angeles, elle élimine Lindsay Davenport en demi-finale avant de perdre en finale au cours d’un match époustouflant contre sa compatriote, Amélie Mauresmo. Après une carrière exceptionnelle, Mary Pierce prend sa retraite en 2011. Elle partage désormais sa vie entre la Floride et Paris.

Mary Pierce racontée par Léa Salamé

Des Noirs en couleur, l’histoire des joueurs afro-antillais, guyanais, réunionnais, mauriciens et néo-calédoniens en équipe de France de football (1930-2010)

Au moment de la victoire française de la Coupe du Monde de football en 1998, l’équipe « black-blanc-beur » était unanimement célébrée. Aujourd’hui, des hommes politiques, mais aussi certains intellectuels remettent en cause les différentes « couleurs » qui composent l’équipe nationale tandis le racisme est de retour dans l’univers du football français. Ce film raconte une histoire qui traverse le siècle et qui présente les 70 joueurs qui été appelés en équipe de France en provenance d’Afrique, de l’océan Indien ou des Caraïbes. Ce documentaire se base sur des images d’archives inédites, des interviews exclusives de joueurs internationaux de toutes les générations (Marius Trésor, Basile Boli, Lilian Thuram, Thierry Henry, Patrick Vieira), de sélectionneurs (Michel Hidalgo et Raymond Domenech) et de personnalités comme Aimé Césaire. Les matchs de références et les moments essentiels de l’histoire coloniale ou de l’immigration, les instants de victoires et les défaites sont racontés par joueurs eux-mêmes. 

Pascal Blanchard et Morad Aït-Habbouche 
Canal+ (2010)

En partenariat avec Les bâtisseurs d'images & Elle est pas belle la vie !, avec la participation du CNC et de l'Acsé, avec le soutien du ministère des Dom-Tom, de la Région Aquitaine, de la Région Guadeloupe et de l'Institut Védior 
72 minutes

Des Noirs en couleur, l’histoire des joueurs afro-antillais, guyanais, réunionnais, mauriciens et néo-calédoniens en équipe de France de football (1930-2010), Pascal Blanchard et Morad Aït-Habbouche Canal+ (2010)
Poster vidéo : Des Noirs en couleur, l’histoire des joueurs afro-antillais, guyanais, réunionnais, mauriciens et néo-calédoniens en équipe de France de football (1930-2010), Pascal Blanchard et Morad Aït-Habbouche Canal+ (2010)
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