Texte :
Des premiers figurants des « zoos humains » sous la Tour Eiffel aux braves tirailleurs venus combattre pour une improbable mère patrie, des dociles indigènes des colonies bientôt « travailleurs immigrés » aux souverains triomphants et aux exilés pourchassés, du péril jaune de 1900 au mythe « black blanc beur » de 1998, des centaines de milliers de migrants, venus des outre-mers, ont fait Paris. Ce film raconte leur histoire, notre histoire, et propose un autre regard sur ce passé, en large partie colonial, qui semble aujourd’hui susciter un débat en France. Paris, la ville des Lumières, des libertés et des révolutions a été aussi, pendant un siècle, la capitale du deuxième empire colonial au monde. Au moment où l’exigence d’une mémoire et d’une histoire n’a jamais été aussi forte chez les « enfants de la décolonisation », ce documentaire est un voyage dans les images oubliées ou inconnues des différentes immigrations dans la ville. Une histoire inaudible jusqu’alors, qui concerne pourtant près de neuf millions de personnes, qui ont un ancêtre né dans les outre-mer et qui concerne, aussi, l’ensemble des Parisiens et, au-delà, les Français, puisqu’elle s’inscrit pleinement dans notre destin collectif.
Le film Paris Couleurs, entièrement construit à partir d’images d’archives filmées, et raconté par André Dussollier, relate de quelle façon ces migrants ont été vus, perçus et montrés par les actualités cinéma puis télévisées à travers le siècle. Oscillant entre curiosité, attrait pour l’exotisme, paternalisme, condescendance ou fascination, ces images, pour la plupart inédites, nous montrent comment l’autre « exotique » est entré dans notre quotidien national. C’est aussi une longue histoire du stéréotype qui se révèle ici. On passe, génération après génération, du sauvage à l’indigène, du rebelle au travailleur immigré, du sans-papiers au sauvageon… Les « Asiatiques » se résument souvent à des « commerçants invisibles et travailleurs », les « Arabes » réduits aux caricatures de fanatiques musulmans » ou de « voleurs », et les « Africains » sont condamnés à rejouer en permanence le rôle du « Banania sportif et souriant ». mais, tous ces stéréotypes ont une origine et reposent sur un imaginaire dont se sont imprégnées plusieurs générations de spectateurs. Loin d’en faire des victimes de l’histoire », où de flageller la France pour ce passé qui semble « ne pas passer », ce film souhaite montrer les liens profonds, et donc les ambiguïtés, qui lient histoire coloniale et histoire de l’immigration, dans une ville, Paris, qui fut à la fois ville de liberté et ville de clichés. Un film de Pascal Blanchard et Éric Deroo, commentaires d’André Dussollier, produit par Image & compagnie (Serge Moati), avec la participation de France 3 et France 5 et le soutien du CNC, de la Procirep et du Fasild.