Texte :
Dans les toutes premières années du XXe siècle, se scelle une histoire d'amour tumultueuse entre Paris et les arts d'Afrique. Plusieurs scènes de cette passion dévorante se jouent à Montparnasse : dans les incontournables cafés, La Coupole, La Closerie des Lilas, dans l'espace feutré des salles de spectacle mais aussi dans l'intimité des ateliers de ceux que l'on nommera bientôt les «grands maîtres du XXe siècle». L'exposition Montparnasse Noir (19o6-1966) propose une promenade dans un demi-siècle d'histoire qui retrace les passerelles d'un monde à l'autre du continent Afrique vers le panthéon de l'art occidental. Le regard de l'Autre, le regard vers l'Autre. Picasso ébahi devant les fétiches nègres du Trocadéro, Joséphine Baker et Al Brown stars de la capitale, les familles françaises venues visiter par milliers l'Exposition coloniale de 1931, Senghor et Césaire couvant la négritude puis l'universel... Paradoxale, complexe, ambiguë, c'est une histoire de contrastes et de contre-jours. 1906 marque le début de cette histoire, année capitale de l'odyssée parisienne noire, année «fétiche» à plus d'un titre : naissance de Léopold Sédar Senghor à Joal (Sénégal) ; naissance de Joséphine Baker à Saint-Louis (États-Unis) ; première exposition coloniale au Grand Palais à Paris ; première exposition coloniale à Marseille ; Picasso peint les Demoiselles d'Avignon ; Mission d'exploration de l'officier Moll entre le Cameroun et le Congo français. Pas de répit pour ce début de siècle où Noirs et Blancs entrent en collision.