Par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard,
historiens et co-directeurs du Groupe de recherche Achac
Depuis plus de 60 ans, le crime contre Maurice Audin est une affaire d’État et aussi un refus de justice. Dès 1962, l’amnistie en lien avec les crimes commis pendant la guerre d’Algérie a arrêté toute instruction et annulé la plainte déposée par sa femme cinq ans plus tôt. Josette Audin a demandé par la suite à bénéficier des lois d’indemnisation : elle sera déboutée en 1978 par le Conseil d’État. Ce n’est qu’à l’arrivée de Robert Badinter au ministère de la Justice - qui était depuis le début de l’affaire l’un de ses avocats - que lui est accordée une indemnisation financière ainsi qu’à ses enfants… mais sans qu’il soit décidé d’instruire le dossier. Vingt-cinq ans pour sortir d’un déni de droit, mais toujours pas de reconnaissance par la justice du fond de l’affaire, permettant de juger ce crime. Désormais, au grand jour, la France reconnaît ses torts historiques. Il aura fallu une génération pour reconnaître que les « événements » d’Algérie étaient bien une guerre. Il aura fallu 60 ans pour la reconnaissance de ce crime. Et la reconnaissance de ce crime, de ces crimes que furent la torture, en Algérie, mais aussi partout dans l’empire colonial français entre 1944 et 1962, marque une étape importante. Elle permet de refermer les plaies ouvertes par la violence des décolonisations. .../...