Sankara 2.0

Tous les militants et la jeunesse d'Afrique suivent l’actualité du Burkina Faso (la Patrie des hommes intègres). Un relent des années 80, des dirigeants africains aux abois, mais une image de soi des Burkinabé qui a changé radicalement en 30 ans. C'est le temps des Sankara 2.0. Le marasme intellectuel et politique de la France se fait sentir, la faiblesse des visions, l'incertitude, la désillusion des peuples. Désillusion et incrédulité des intellectuels : qui aurait cru, il y a 30 ans, que nous pourrions revenir sur des points qui semblaient acquis et ce malgré toutes nos luttes ? Pourtant ce n'est pas « d'identité nationale », de « réfugiés », de guerres ou de religions que je veux vous parler aujourd'hui.

Non, ce sont les événements politiques du Burkina Faso depuis 2014 qui interpellent. Les Burkinabè font parler la voix de l'espoir, des lendemains qui chantent.

Ça commençait pourtant bien: un «coup de balai» du peuple chassant un dictateur au vernis autoproclamé démocratique, puis un gouvernement de transition, et enfin un bon vieux coup d'Etat comme ceux des années 70-80. La garde prétorienne à la présidence, le gars en kaki à la télévision parlant face caméra... bref à la papa, à la Foccart.

Des dirigeants déconnectés

Qui a pu leur faire croire que c’était encore possible de prendre d’assaut la présidence et de s’asseoir à la Télé pour décréter «c’est moi !». Qu’ont-ils ratés des 25 dernières années en croyant qu’il suffisait d'une accointance à l'Elysée pour que tout passe?

Oh bien sûr elle est toujours là l’idée de la Francàfric. Les intérêts économiques et stratégiques au Burkina Faso sont bien connus: les USA y ont des bases militaires, le contexte de la guerre au Mali et au Sahara, les revendications Touareg, la protection de la Côte d’Ivoire redevenue l'Eldorado de la région, les mines, les nouvelles terres agricoles ouvertes à tous les capitalismes et enfin - non des moindre - le trafic d’armes.

Révolution en streaming

En 1987, lors de l'assassinat de Thomas Sankara c'était encore possible. Mais aujourd’hui, les peuples africains ne sont plus les mêmes, les opinions publiques mondiales ne sont plus les mêmes - à l'heure où le Pape lui même emprunte la voiture de Sankara. Les réseaux Internet sont passés par là. L’éducation est passée par là, la mondialisation aussi.

Après Tunis et Dakar, ils montrent aujourd'hui sur Internet, au monde médusé, que peu importe les pouvoirs qui se jouent de nous, il reste une place pour l’action, l'autodétermination, ici et maintenant.  Et finalement, le Général Diendéré, auteur du coup d'Etat, va se rendre lui même en ligne ...

Le Burkina Faso a longtemps été défini comme «le pays le plus pauvre du monde», et après? en quoi la pauvreté peut-elle définir? Les héritiers de Sankara prouvent que les idées voyagent dans le temps et dans l'espace. D'ailleurs ils sont allés ouvrir sa tombe pour réveiller son esprit ! Génération Twilight de Ouagadougou...