Chaque semaine, le Groupe de recherche Achac, en partenariat avec CNRS Éditions et les Éditions La Découverte, vous propose un article du livre en open source. L’objectif, ici, est de participer à une plus large diffusion des savoirs à destination de tous les publics. Les 45 contributions seront disponibles pendant toute l’année 2020.
Découvrez cette semaine l’article de Kellina M.Craig-Henderson, psychologue et directrice adjointe à la U.S National Science Fondation, Social, Behaviour and Economic Sciences (États-Unis). Intitulé Toujours menaçant après toutes ces années ? L’image de l’homme noir aux Etats-Unis, cet article analyse la persistance des stéréotypes associés aux noirs depuis l’arrivée des premiers Africains en Amérique du nord il y a quatre-cents ans jusqu’à aujourd’hui. Toujours vivaces, ces stéréotypes raciaux se cristallisent autour de quatre figures: l’athlète, l’étalon, le violeur et le criminel.
Article 6 « Toujours menaçant après toutes ces années ? L’image de l’homme noir aux Etats-Unis » issu de la partie 4 Dominations, violences et viols de l’ouvrage Sexualités, identités & corps colonisés (p.383-392)*
© CNRS Éditions / Éditions la Découverte / Groupe de recherche Achac / Kellina M.Craig-Henderson (Sexualités, identités & corps colonisés, 2019)
Toujours menaçant après toutes ces années ? L’image de l’homme noir aux Etats-Unis
Par Kellina M.Craig-Henderson
Depuis la création des États-Unis, l’image des hommes noirs est largement, bien que pas exclusivement, liée à la sexualité et la violence. Dépeints comme hypersexuels et mus par le désir animal de violer des femmes blanches, la sexualité masculine noire était crainte. Les premières lois raciales, au XIXe siècle, visaient à interdire les relations entre hommes noirs et femmes blanches. Pourtant, dans le contexte de l’esclavage puis de la ségrégation, les viols se produisaient évidemment plus fréquemment entre hommes blancs et femmes noires. Mais ce qui préoccupait véritablement les autorités était la descendance potentielle résultant des liaisons de femmes blanches avec des hommes noirs. En raison de la nature patriarcale de la société américaine, où les hommes blancs contrôlaient toutes les ressources économiques, les enfants métis compromettaient l’intégrité de la hiérarchie sociale.
Les femmes blanches qui cherchaient à avoir des relations sexuelles avec des hommes noirs – malgré leur statut inférieur –, posaient un autre type de problème. Tout d’abord, la condamnation violente par l’opinion publique des relations entre hommes noirs et femmes blanches provoquait des lynchages. Ensuite, dans de nombreux États américains, les rapports sexuels interraciaux entre hommes noirs et femmes blanches restèrent illicites pendant une grande partie du XXe siècle. La Cour suprême n’a en effet invalidé les lois interdisant le mariage interracial qu’en 1967. Au cours du dernier quart du XXe siècle, l’image des hommes noirs s’est élargie, en incluant d’autres stéréotypes, en particulier ceux faisant du Noir un athlète-né. Ces stéréotypes demeurent un obstacle à la mobilité sociale des hommes noirs et continuent de générer d’innombrables injustices.
Dès le départ, les Africains étaient perçus très différemment des autres groupes arrivés aux États-Unis. Au début du XVIIe siècle, les Africains amenés comme esclaves étaient situés au plus bas sur l’échelle des groupes humains, leur couleur de peau les marquant de manière indélébile et leur statut d’esclave les plaçant à la base d’un système économique fondé sur la traite[1]. Ce système, les réduisant à une propriété, s’était développé bien avant sa formation en Amérique du Nord, mais lors de son expansion sur ce territoire, une logique raciale spécifiquement dirigée contre les Noirs s’est mise en place[2]. L’infériorisation des Noirs s’est avérée être une nécessité pour le fonctionnement du système économique esclavagiste américain, nécessitant une main-d’œuvre très nombreuse pour soutenir la croissance du nouveau monde émergent. Un monde dans lequel les Africains existaient en tant que biens meubles, achetés et vendus selon les intérêts de leurs propriétaires. Ainsi, généalogiquement, pour les hommes et les femmes noirs, l’appartenance à l’humanité était problématique aux États-Unis.
Cette contribution analyse les différentes manières dont l’image des hommes noirs en Amérique a évolué au fil des ans, d’un média à l’autre. Aujourd’hui, près de quatre cents ans après l’arrivée du premier Africain en Amérique du Nord, la façon dont sont habituellement représentés les hommes noirs[3] alimente les stéréotypes culturels les plus négatifs, les décrivant comme moins intelligents, immatures, dangereux, violents, sexuellement pervers et criminels[4].
Cet article propose une analyse de l’évolution de ces représentations et de leur actualité, en prenant en compte les forces socioculturelles qui les ont engendrées. Au départ, j’avais prévu de commencer par une chronologie indiquant les différentes manières dont ces images, au fil du temps, avaient été altérées. J’avais prévu de commencer par les premières représentations d’hommes noirs – caractérisés alors par leur sous-humanité – arrivant aux États-Unis, puis de décrire comment elles avaient été remplacées par celles d’un homme noir docile. Mais en me plongeant dans les archives de la représentation des hommes noirs et en les examinant au regard de leurs équivalents contemporains, il devint évident que les images sexuées de l’homme noir résistaient remarquablement au changement. Lorsqu’une nouvelle image apparaît, elle s’ajoute simplement au canon de l’imagerie sur les hommes noirs. Ce canon, constitué par un ensemble d’archétypes, généralement négatifs, se complexifie, établissant un spectre de représentations articulées sur différents registres : « sous-humain », brutal, docile, dangereux, criminel et hypersexualisé.
Cet examen indique que ces images de l’homme noir comme criminel et comme homme hypersexualisé semblent être les plus réfractaires au changement. Ces stéréotypes[5] sont évidents dans une variété de produits populaires, tels que les films, la télévision, les médias sociaux, les livres et les magazines.
La construction des stéréotypes sur le temps long
L’influence du passé lointain, au cours duquel s’élabore un statut racial conditionnant la trajectoire, les chances et finalement la vie des représentés ne doit pas être sous-estimée. Lorsque les Africains ont été amenés aux États-Unis en tant qu’esclaves, il était important que les chrétiens, l’élite politique dirigeante et les esclavagistes justifient la transgression moralement flagrante de l’infériorisation des Noirs. Le seul moyen de donner un sens à la conviction de leur propre supériorité morale et de légitimer leur participation à la brutalité du système esclavagiste, était de refuser – légalement et psychiquement – à l’esclave africain d’appartenir à l’humanité. Une fois privés de leur humanité, il était alors possible de mener bon nombre d’actes « inhumains » contre des Africains.
Dans ce contexte, un ensemble distinct d’images sur les Noirs et en particulier les hommes noirs a émergé et a eu pour effet de créer et de perpétuer les croyances les concernant. La croyance selon laquelle les Noirs étaient inférieurs était tellement ancrée dans la psyché collective des États-Unis que, même en 1899, des décennies après l’interdiction de l’esclavage, l’entrée de « Negro » dans l’Encyclopædia Britannica – ouvrage de référence au Royaume-Uni et plus tard aux États-Unis – indiquait que la race africaine « occupait la position la plus basse sur l’échelle de l’évolution, offrant ainsi le meilleur matériau pour l’étude comparative des anthropoïdes les plus élevés et de l’espèce humaine[6] ».
Au début de la période esclavagiste aux États-Unis, les Noirs étaient présentés comme dociles et satisfaits de leur sort d’esclave. Les livres, tout comme l’ensemble des autres supports culturels, les décrivaient comme étant reconnaissants envers leurs maîtres blancs, qui les avaient « sauvés » de leur vie de sauvagerie sur le « continent noir ». Les hommes noirs étaient dépeints comme bienfaisants, simples d’esprit, enfantins. Cette image spécifique des Noirs s’est immortalisée dans des personnages marketing emblématiques qui nous demeurent aujourd’hui, tels Aunt Jemima et Uncle Ben.
Au début du XIXe siècle, la tradition connue sous le nom de Blackface a émergé, dans lequel des acteurs blancs coloraient leur peau en noir, exagéraient les traits de leur visage et jouaient dans des spectacles de minstrel. Les personnages qu’ils décrivaient construisaient et renvoyaient alors à nombre de stéréotypes négatifs : se traînant et chantant sur scène, ils apparaissaient stupides et paresseux. Le Blackface dans les spectacles de minstrel ne pouvait exister que dans une société profondément raciste. Ce sont principalement des hommes blancs pauvres, appartenant souvent à la classe ouvrière, qui se sont produits en Blackface : malgré leurs faibles ressources sociales et économiques, ils avaient là l’occasion d’affirmer leur blancheur et donc leur supériorité par rapport aux Noirs.
Les croyances négatives sur les Noirs ont été exprimées par les personnalités les plus éminentes. Le troisième président des États-Unis (1801‑1809), Thomas Jefferson, a ainsi exposé le point de vue d’une bonne part de la population lorsqu’il a déclaré : « Les Noirs, qu’ils soient à l’origine une race distincte ou distinguée par le temps et les circonstances, sont inférieurs aux Blancs[7]. » Une attitude qui s’est trouvée continuellement renforcée par un nombre infini de représentations.
Après la Guerre civile et pendant la période de reconstruction, les appels des Noirs à l’égalité ont provoqué une réaction violente des Blancs et l’émergence de l’organisation terroriste du Ku Klux Klan, s’opposant par la violence aux changements du système esclavagiste de l’après-Guerre civile[8]. C’est durant cette période, qui a vu se multiplier les lynchages, que l’image de l’homme noir dangereux et violent s’est imposée. À bien des égards, cette image a servi à masquer la violence blanche contre les Noirs.
Après la période de reconstruction, à mesure que la lutte des Noirs, en quête de liberté, progressait, l’opposition de nombreux Blancs à leur liberté progressait parallèlement. Dans une société où le statut était attribué en fonction de critères raciaux, il était particulièrement important de préserver la clarté des frontières raciales et de veiller à ce que personne ne les franchît. Il était donc primordial que Noirs et Blancs ne puissent développer une intimité réciproque[9]. Jusque-là, la plupart des unions interraciales impliquaient des hommes esclavagistes et leurs esclaves noires, mais la plus virulente réprobation collective concernait les unions entre hommes noirs et femmes blanches. Il devint impératif d’interdire les cas d’intimité interraciale, et ce que l’on appelait alors la « miscegenation »[10]. Ce terme apparu pendant la Guerre civile était utilisé pour caractériser péjorativement les enfants métis, en particulier ceux issus des unions entre Noirs et Blanches[11], qui transgressaient la color line[12]. C’est pourquoi la chasteté des femmes blanches devait être protégée des hommes de moindre statut racial pour assurer une séparation claire entre groupes raciaux. Toute forme de relation sexuelle entre une femme blanche et un homme noir était strictement interdite et entraînait les peines les plus sévères.
Ce contexte a donné lieu à l’une des représentations centrales de l’homme noir, celle d’un violeur hypersexualisé et sexuellement déviant. Même aujourd’hui, au XXIe siècle, les images contemporaines de la sexualité des Noirs sont parsemées de stéréotypes négatifs de ce genre[13]. Les hommes noirs en tant qu’esclaves ont été dépossédés de toute vie privée et leurs organes génitaux[14] ont fait l’objet d’une grande curiosité, profane et scientifique[15], suscitant toute une iconographie sur le prétendu hyper-développement de ceux-ci. Cette iconographie s’articule avec la nécessité de fixer fermement les hiérarchies raciales et sociales, pour permettre aux hommes blancs de maintenir leur statut[16].
Les images négatives des Noir·e·s en général et des hommes noirs en particulier se sont multipliées jusqu’au XXIe siècle. Le film muet de D. W. Griffith, Naissance d’une nation, en 1915, offre une vision de l’Amérique de l’après-Guerre civile dans laquelle celle-ci ne recouvre sa grandeur que grâce à l’action du Ku Klux Klan. Le film a réussi à fixer l’image de l’homme noir comme celui d’un violeur sauvage. Plus de cent ans après le film de Griffith, les images négatives présentant les hommes noirs comme dangereux et enclins au viol (en particulier envers les femmes blanches) abondent encore. Il est intéressant de noter que certaines de ces images négatives sont alimentées par des recherches continues visant à confirmer les stéréotypes sur la sexualité noire. Prenons l’exemple d’une étude de 2010 dans laquelle les auteurs ont tenté de vérifier la véracité d’hypothèses concurrentes, toutes deux dérivées de la théorie raciale[17].
Les stéréotypes de race à l’épreuve des sciences sociales
Les recherches de Scott Plous et Tyrone Williams sur ce sujet[18] ont révélé qu’en général, les stéréotypes négatifs sur les capacités mentales et physiques des Noirs étaient présents aux États-Unis plus de trois cents ans après que les Africains eurent été introduits pour la première fois en Amérique du Nord et cent trente ans après l’abolition de l’esclavage. Leur étude a révélé que près de 20 % du public pensaient que les Noirs avaient une capacité cognitive intrinsèquement inférieure à celle des autres groupes raciaux et une majorité avait validé au moins un stéréotype racial concernant une soi-disant « capacité innée » des Noirs. Ces résultats, ainsi que d’autres, ont amené les auteurs à conclure que les stéréotypes raciaux populaires pendant la période de l’esclavage sont toujours présents et actifs dans la société, même si nombre de ces stéréotypes ne sont plus portés par une majorité.
Des recherches plus récentes révèlent également la présence persistante de sentiments négatifs envers les Noirs, comme en témoignent les réactions d’étudiants blancs aux images de Noirs et de Blancs présents dans les annuaires des universités[19]. Dans cette étude, les Noirs étaient jugés plus sexualisés que les Blancs, et que les quatre groupes raciaux et sexuels présentés. Dans une autre étude dans laquelle des hommes et des femmes blanch·e·s et noir·e·s témoignaient de leurs expériences et de leurs comportements sexuels, l’auteur conclut en établissant un « indice de permissivité » permettant de classer les sujets de l’étude… Étude dont les résultats ont conclu que les Blancs étaient tout aussi enclins à la sexualité que les Noirs[20].
Les images des hommes noirs d’aujourd’hui s’inscrivent dans la tradition de la période antérieure. Bien qu’un certain nombre d’images spécifiques soient courantes dans la société américaine contemporaine (par exemple le rappeur), quatre images puissantes utilisées pour décrire et représenter les hommes noirs dans différents contextes sont analysées ici. Ces images incluent l’homme noir en tant qu’athlète, étalon, violeur et criminel.
L’athlète. La recherche sur l’homme noir en tant qu’athlète s’est concentrée sur la sexualisation de son rôle, la représentation continue de l’homme noir en tant que « mâle » et l’effort nécessaire à développer pour « apprivoiser » ces corps noirs. Ici, le « mâle » représente un animal humain partiellement domestiqué. Une étude d’Abby L. Ferber montre que les représentations populaires d’athlètes masculins noirs perçus comme des « mâles » viennent renforcer les éléments-clés du racisme dans l’imaginaire collectif en les construisant comme des « brutes », des « agresseurs », des « criminels » et des « violeurs »[21]. L’auteure examine la dimension historique de ces représentations et l’obsession constante des Blancs à contrôler ces corps noirs[22].
Une autre étude présente le monde du sport et de l’athlétisme comme un reflet de la société. Ce travail soutient que la sexualisation des athlètes masculins noirs est liée au rôle majeur du sport dans la société américaine, à sa capacité à alimenter l’économie et à la tendance des Américains à admirer les athlètes et à les considérer comme des modèles. Dans la mesure où les athlètes masculins noirs se présentent consciemment comme des conquérants sexuels, ils renforcent les stéréotypes de longue date selon lesquels la sexualité des hommes noirs est hypersexuée et animale[23]. Ces représentations s’inscrivent dans la croyance générale selon laquelle les Noirs sont plus doués pour le sport que les Blancs.
L’étalon. L’image de l’homme noir en tant qu’étalon date de la période de l’esclavage, lorsque les esclavagistes forçaient les relations sexuelles entre hommes et femmes noir·e·s pour assurer la reproduction et l’expansion de leur population d’esclaves. Que les hommes noirs s’identifient ou non à cette image du « mâle » noir, elle est populaire et associée aux stéréotypes sur son hypersexualité[24].
Le violeur. L’image de l’homme noir comme violeur n’est pas très éloignée de celle qui fait de lui un étalon[25]. Cette représentation souligne l’hypersexualité supposée de l’homme noir tout en confirmant le stéréotype selon lequel il est sujet à une violence pulsionnelle et un comportement criminel[26].
Le criminel. Comme c’est le cas avec l’image de l’homme noir en tant que violeur, celle qui le présente comme un criminel a un long passé. Aujourd’hui, des analyses systématiques de l’impact de ces images sont en cours dans le cadre de recherches menées dans les sciences sociales. Selon une étude, le lien entre représentations des Noirs et comportement criminel s’est consolidé à la suite du mouvement des droits civiques des années 1950 et 1960[27]. L’héritage de ce stéréotype selon lequel les Noirs sont plus exposés au crime a alimenté la pratique actuelle (bien que souvent illégale) du profilage racial.
De nombreux Blancs pensent depuis longtemps qu’il existe un lien naturel entre les Noirs et le crime, comme l’attestent de nombreux textes[28]. Ce qui est plus récent, c’est la transformation, la diffusion et l’incorporation de la croyance de l’homme noir comme criminel, processus observable au cours des décennies qui ont suivi le mouvement des droits civiques[29]. Ainsi, alors que les Noirs réagissaient de manière agressive et parfois violente dans des actes de désobéissance civile, des manifestations et des émeutes, les convictions du groupe majoritaire concernant leur nature criminelle fondamentale s’est affermie.
De fait, de multiples images contemporaines et populaires continuent à les montrer comme des criminels, dans les émissions de télévision, les films et diverses formes de médias sociaux. Certains prétendent que le véritable problème des représentations d’hommes noirs dans la société américaine est leur sous-représentation, mais on soutient ici que ce problème est largement subsumé par la rareté d’images positives.
Comme exemple frappant de l’image persistante de l’homme noir en tant que criminel, considérons le récent film issu des bandes dessinées de DC Entertainment, Aquaman. Dans ce film, on trouve, parmi des centaines de personnages, deux personnages masculins noirs. Et, comme dans tout film de super-héros, on identifie un méchant. Sans surprise, ce méchant est l’un des deux personnages masculins noirs, l’autre acteur noir jouant son père. Non seulement ces décisions de casting et de scénario réitèrent-elles les stéréotypes sur les hommes noirs, mais elles confortent également la conviction que la violence criminelle est ancrée chez eux.
Cette contribution propose des éléments pour comprendre la manière dont les images d’hommes noirs, sexuelles ou non, ont des racines profondes dans l’imaginaire et les structures historiques de la société américaine. Les images populaires contemporaines de l’homme noir sont liées à sa position infériorisée dans la société américaine, depuis son arrivée et jusqu’à aujourd’hui. La façon dont ces images se sont déplacées et élargies reflète les diverses façons dont le statut social des hommes noirs a changé au fil du temps.
Néanmoins, bien que l’acceptation et la popularité de ces images par le public aient changé, le répertoire des images négatives des hommes noirs s’est élargi pour inclure maintenant le « trafiquant de drogue », le « rappeur » et d’autres figures encore. Cela dit, ce sont deux des plus anciennes images populaires d’hommes noirs qui restent saillantes dans la conscience collective et provoquent de fortes réactions chez les hommes noirs en général : celles renvoyant à un homme hypersexualisé/violeur et criminel. Ces images représentent des obstacles au progrès social des Noirs et garantissent le maintien de la hiérarchie sociale et raciale.
En tant que groupe, les Noirs en Amérique et les hommes noirs en particulier continuent à vivre moins longtemps[30], à être moins scolarisés, à occuper des emplois inférieurs et à avoir généralement une mobilité sociale inférieure à celle des Blancs[31]. Bien que les images négatives des hommes noirs ne soient pas la seule cause de cette situation, leur popularité continue à créer des obstacles à l’inclusion des hommes noirs en Amérique.
* Retrouvez le sommaire de l’ouvrage ici
Pour citer cet article : Kellina M.Craig-Henderson « Toujours menaçant après toutes ces années ? L’image de l’homme noir aux Etats-Unis », in Gilles Boëtsch, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sylvie Chalaye, Fanny Robles, T. Denean Sharpley-Whiting, Jean-François Staszak, Christelle Taraud, Dominic Thomas et Naïma Yahi, Sexualités, identités & corps colonisés, Paris, CNRS Éditions, 2019 : pp.383-392
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[1]. Barbara Jeanne Fields, « Slavery, Race and Ideology in the United States of America », in New Left Review, no 181, 1990.
[2]. Albert Memmi, Racism, Minnesota, University of Minnesota Press, 1999.
[3]. Anthony L. Brown, From Subhuman to Human Kind: Implicit Bias, Racial Memory, and Black Males in Schools and Society, 13 février 2018. https://doi.org/10.1080/0161956X.2017.1403176
[4]. John Paul Wilson, Kurt Hugenberg, Nicholas O. Rule, « Racial Bias in Judgments of Physical Size and Formidability: From Size to Threat », in Journal of Personality and Social Psychology, no 113, 2017.
[5]. John Paul Wilson, Kurt Hugenberg, Nicholas O. Rule, « Racial Bias in Judgments of Physical Size and Formidability: From Size to Threat », in Journal of Personality and Social Psychology, no 113, 2017.
[6]. Cité par Scott Plous, Tyrone Williams, « Racial Stereotypes from the Days of American Slavery: A Continuing Legacy », in Journal of Applied Social Psychology, no 25, 1995.
[7]. Thomas Jefferson, Notes on the State of Virginia, New York, W. W. Norton, 1972 [1787].
[8]. Michael W. Fitzgerald, « The Ku Klux Klan: Property Crime and the Plantation System in Reconstruction Alabama », in Agricultural History, no 71, 1997.
[9]. Martha Hodes, White Women, Black Men: Illicit Sex in the Nineteenth-Century South, New Haven, Yale University Press, 1997.
[10]. Martha Hodes, White women, Black Men: Illicit Sex in the Nineteenth-Century South, New Haven, Yale University Press, 1997.
[11]. Martha Hodes, White women, Black Men: Illicit Sex in the Nineteenth-Century South, New Haven, Yale University Press, 1997.
[12]. Louis Wirth, Herbert Goldhammer, « The Hybrid and the Problem of Miscegenation », in Otto Klineberg (dir.) Characteristics of the American Negro, New York, Harper and Brothers, 1960 ; Kellina M. Craig-Henderson, Black Men in Interracial Relationships: What’s Love Got to Do with It?, New Brunswick, Transaction Publishers, 2006.
[13]. Earl Smith, Angela J. Hattery, « Hey Stud: Race, Sex, and Sports », in Journal of Sexuality and Culture, no 10, 2006.
[14]. Gary L. Davis, Herbert J. Cross, « Sexual Stereotyping of Black Males in Interracial Sex », in Archives of Sexual Behavior, no 8, 1979.
[15]. Rogerio Alves Barboza, Eloisio Alexsandro Silva, Tamiris Ruellas, Ronaldo Damião, « Anthropometric study of penile length in self-declared Brazilians regarding the color of the skin as white or black: The study of a Myth », in International Journal of Impotence Research, no 30, 2018.
[16]. Philippe J. Rushton, Anthony F. Bogaert, « Race Differences in Sexual Behavior: Testing an Evolutionary Hypothesis », in Journal of Research in Personality, no 21, 1987.
[17]. Martin S. Weinberg, Colin J. Williams, « Black Sexuality: A Test of Two Theories », in The Journal of Sex Research, no 25, 2010.
[18]. Scott Plous, Tyrone Williams, « Racial Stereotypes from the Days of American Slavery: A Continuing Legacy », in Journal of Applied Social Psychology, no 25, 1995.
[19]. Marie Aline Sillice, « Race and Gender: Their Implications for Blacks’ Sexuality », in Proquest Dissertation Publishing, 2002. (https://digitalcommons. uri.edu/dissertations/AAI1511502)
[20]. Philip. A. Belcastro, « Sexual Behavior Differences Between Black and White Students », in The Journal of Sex Research, no 21, 2010.
[21]. Abby L. Ferber, « The Construction of Black Masculinity: White Supremacy Now and Then », in Journal of Sport and Social Issues, no 31, 2007.
[22]. Voir aussi Patricia Hill Collins, Black Sexual Politics: African Americans, Gender and the New Racism, New York, Routledge, 2004, qui voit dans les peurs blanches des corps noirs, l’élément central quant à la construction des représentations négatives autour des athlètes noirs, considérés comme dangereux et hypersexualisés.
[23]. Earl Smith, Angela J. Hattery, « Hey Stud: Race, Sex, and Sports », in Journal of Sexuality and Culture, no 10, 2006 ; Abby L. Ferber, « The Construction of Black Masculinity: White Supremacy Now and Then », in Journal of Sport and Social Issues, no 31, 2007.
[24]. Earl Smith, Angela J. Hattery, « Hey Stud: Race, Sex, and Sports », in Journal of Sexuality and Culture, no 10, 2006.
[25]. Patrick Chiroro, Gerd Bohner, Tendayi Viki, Christopher Jarvis, « Rape Myth Acceptance and Rape Proclivity: Expected Dominance Versus Expected Arousal as Mediators in Acquaintance-Rape Situations », in Journal of Interpersonal Violence, no 19, 2004.
[26]. David J. Leonard, « The Next M.J. or the Next O.J.? Kobe Bryant, Race and the Absurdity of Colorblind Rhetoric », in Journal of Sport and Social Issues, no 28, 2004.
[27]. Kelly Welch, « Black Criminal Stereotypes and Racial Profiling », in Criminal Justice, no 23, 2007.
[28]. Kelly Welch, « Black Criminal Stereotypes and Racial Profiling », in Criminal Justice, no 23, 2007 ; Marc Mauer, Race to Incarcerate, New York, New Press, 1999 ; William J. Drummond, « About Face: Blacks and the News Media », in American Enterprise, no 8, 1990 ; Katheryn K. Russell, « The Racial Hoax as a Crime: The law as Affirmation », in Shaun L. Gabbidon, Helen Taylor Greene, Vernetta D. Young (dir.), African American Classics in Crime and Criminal Justice, Thousand Oaks, Sage, 2002.
[29]. Katheryn K. Russell, « The Racial Hoax as a Crime: The Law as Affirmation », in Shaun L. Gabbidon, Helen Taylor Greene, Vernetta D. Young (dir.), African American Classics in Crime and Criminal Justice, Thousand Oaks, Sage, 2002.
[30]. Mark D. Hayward, Melonie Heron, « Racial Inequality in Active Live Among Adult Americans », in Demography, no 36, 1999.
[31]. Cecil R. Hardaway, Vonnie C. McLoyd, « Escaping Poverty and Securing Middle Class Status: How Race and Socioeconomic Status Shape Mobility Prospects for African Americans During the Transition to Adulthood », in Journal of Youth and Adolescence, no 38, 2009.