« L’Atlas des Outre-mer »
par Fred Constant
En tribune cette semaine pour le Groupe de recherche Achac, Fred Constant, professeur de science politique à l’Université des Antilles, chercheur au Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales, présente l’ouvrage collectif qu’il a co-dirigé avec Jean-Christophe Gay, professeur de géographie à l’Université Côte d’Azur, chercheur au laboratoire URMIS. Composé de plus d’une centaine de cartes et graphiques, l’Atlas des Outre-mer (2025, Autrement) propose un panorama inédit des réalités et enjeux contemporains auxquels sont confrontés ces territoires encore (trop) mal connus. Après une introduction qui s’attache à déconstruire le terme « outre-mer », encore empreint d’un imaginaire colonial, l’atlas s’organise en cinq grandes parties. En développant le concept de « diversalité des outre-mer », les auteurs veulent d’abord rompre avec l’image d’un tout homogène véhiculé par l’acronyme DOM/TOM, avant de questionner le poids de l’héritage colonial en revenant notamment sur les événements et figures politiques des XXe et XXIe siècles, et l’influence des perceptions locales dans les comportements électoraux. La troisième partie s’intéresse quant à elle aux dynamiques démographiques et leur dimension politique, tandis que la quatrième partie analyse les économies locales, leurs fragilités et les perspectives de diversification, notamment à travers une meilleure insertion régionale. Enfin, la cinquième partie adopte une perspective prospective : elle aborde les débats actuels sur l’autonomie, les modèles économiques innovants, la sécurité et l’attractivité. L’ensemble offre une lecture riche, nuancée et visuelle des défis contemporains des Outre-mer, entre un héritage historique avec lequel composer et un avenir à inventer.
L’Atlas des Outre-mer répond avant tout au souci de mettre à disposition des professionnels de l’information, des enseignants, des décideurs mais aussi du « grand public » des données statistiques et des analyses fiables sur les grands enjeux structurants auxquels ces territoires mal connus demeurent confrontés dans des termes spécifiques. Celles-ci ont donné lieu à plus d’une centaine de cartes et de graphiques particulièrement inventifs, agréables et faciles à lire, qui en offrent une vision contrastée sur chacun des sujets abordés. Outre Aurélie Boissière, la cartographe-graphiste, Fred Constant et Jean-Christophe Gay, professeurs des universités (respectivement) en science politique et en géographie qui ont rédigé plus de la moitié des entrées, se sont entourés des meilleurs spécialistes sur certains sujets nécessitant une expertise particulière.
L’ouvrage est organisé autour de cinq parties précédées par une déconstruction du terme « outre-mer » dont l’imagerie coloniale affecte encore trop souvent les perceptions réciproques. La première partie est une défense et illustration de la « diversalité des outre-mer » que l’acronyme administratif DOM/TOM a tenté d’occulter pendant plusieurs décennies. Elle tord le cou à deux idées préconçues : a) la France est loin d’être le seul pays à administrer des territoires issus de son histoire coloniale, c’est aussi le cas notamment des États-Unis, de la Chine populaire, de la Fédération de Russie ou du Royaume-Uni (soit les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies) ; b) au sein de chaque ensemble national, la diversité des territoires l’emporte souvent sur leurs caractéristiques communes.
La deuxième partie s’arrête longuement sur un legs colonial et postcolonial en partie impensé, qui structure pourtant leur organisation interne et pèse sur leur hétéronomie normative. Des langues et autochtonies aux imaginaires créoles ou océaniens, des religions et syncrétismes religieux aux hiérarchies socioraciales, le passé colonial affleure encore à la surface de l’actualité la plus brûlante. On lira avec intérêt la frise chronologique des événements et figures politiques qui articulent le passage du XXe au XXIe siècle ainsi que l’analyse des alignements et désalignements électoraux qui souligne la prépondérance des perceptions locales dans la décision d’électeurs stratèges, de plus en plus adeptes du vote sur enjeux.
La troisième partie déplace le curseur de l’analyse sur les populations, diasporas et marginalités. À l’évidence, les dynamiques démographiques sont passées au peigne fin tant elles engagent par elles-mêmes leur avenir soit par une attrition entraînant un vieillissement inéluctable soit au contraire par une vitalité qui doit être absolument canalisée. La démographie prend alors toute sa dimension politique : les départs massifs de jeunes diplômés en quête d’emplois s’accompagnent de l’arrivée de cohortes d’actifs venus de l’Hexagone.
La quatrième partie se penche sur l’économie, la biodiversité et l’insertion régionale. Elle apporte des éléments de réponse parfois chiffrés aux questions soulevées par la partie précédente. Après un état des lieux contrasté des économies locales, elle évalue la portée des pistes avancées pour en renforcer la base productive et en accroître la diversification notamment par des échanges avec les pays environnants.
Enfin, la dernière partie qui a valeur prospective, extrapole certains défis au centre des échanges politiques actuels : la question de nouveaux partages de responsabilités avec l’État y compris l’indépendance éventuelle de la Nouvelle-Calédonie, l’invention d’économies plus innovantes, la nécessité impérieuse d’investissements massifs en matière de sécurité publique et d’attractivité des territoires.
Sommaire
Introduction
- De quoi les outre-mer sont-ils le nom ?
La diversalité des Outre-mer
- La diversalité des outre-mer
- Les outre-mer dans le monde
- Les outre-mer européens
- Les outre-mer français
- Les outre-mer britanniques
- Les outre-mer étatsuniens
- Les outre-mer dans l’Indopacifique
Le legs colonial et postcolonial
- Legs colonial et postcolonial
- Les décolonisations
- Langues et autochtonies
- Les mondes créoles
- Les mondes océaniens
- Religions et syncrétismes religieux
- Les hiérarchies socioraciales
- Des statuts différenciés
- Des comportements électoraux originaux
- Figures et événements politiques
Populations, diasporas et marginalités
- Des dynamiques démographiques opposées
- Une pauvreté persistante
- La mobilité des « Dromiens »
- Les Océaniens dans l’Hexagone
- Les pratiques culturelles dans les DROM
- Urbanisation et ruralités
- Insularité et hypo-insularité
- Les îles d’îles
- Des enjeux de santé publique
- La crise du Covid-19
Économies, biodiversité et insertion régionale
- Économie, biodiversité
- L’état des économies d’outre-mer
- Vers une transition énergétique
- Les ressources de la terre
- Biodiversité et action publique
- La biodiversité corallienne
- Tourisme et hauts lieux touristiques
- Insertion des outre-mer dans leur environnement régional
Nouveaux horizons
- Les hétérotopies
- Les « bouts du monde »
- Influence et pénétration de la Chine dans le Pacifique
- Quels défis à court terme ?
Conclusion/Annexes
- Des outre-mer français en devenir