Création plastique d’Haïti. Art et culture visuelle en colonie et postcolonie
Carlo A. Célius
Cet ouvrage propose un autre regard sur l'histoire de l'art d'Haïti et de St Domingue. Carlo A. Célius, historien de l'art et chercheur au CNRS et à l'Institut des mondes africains, étudie ici les histoires plurielles de la création plastique, de la culture visuelle et de la représentation visuelle des deux îles depuis la période coloniale jusqu'à nos jours. L’art haïtien est ainsi étudié à la lumière des études postcoloniales sur cette large période permettant de mettre en exergue les continuités et ruptures entre l’époque coloniale esclavagiste, celle suivant l’indépendance, obtenue en 1804, puis les XXe et XXIe siècles. L’auteur met en relation la création artistique haïtienne avec son contexte historique et social et tente ainsi de définir les contours des identités artistiques haïtiennes. L’ouvrage, par son approche très globale, touche à un large panel de types d’art, matériaux utilisés, techniques, influences, imaginaires et institutions en discutant tout autant des dessins rituels vaudou, d’iconographie catholique ou encore de la scène contemporaine. Une rencontre avec l’auteur aura par ailleurs lieu au musée du Quai Branly – Jacques Chirac le 29 février 2024 au sujet de ses dernières publications : Création plastique d’Haïti et Hector Hyppolite, création plastique et autofiction. Cette semaine, Carlo A. Célius nous offre en exclusivité en tribune des extraits de l'introduction de cet ouvrage majeur.
Introduction
Les rapports existants entre art, colonie et postcolonie préoccupent nombre de chercheur.e.s. Ils seront abordés ici à partir d’un cas précis : celui d’une entité sociopolitique née officiellement le 1er janvier 1804 sous le nom d’Haïti. Cette autodésignation, signifiant littéralement « terre montagneuse », reprend la dénomination utilisée par les Taïnos[1], un des peuples qui habitaient ce territoire de la Caraïbe à l’arrivée de Christophe Colomb en 1492. […] Comment aborder la création artistique produite au cours de cette longue période coloniale, puis dans la société postcoloniale ? Parmi toutes les options possibles, ce livre met l’accent sur les enjeux de l’art en colonie et postcolonie. Il s’appuie notamment sur les recherches relatives aux cultures visuelles et sur les études postcoloniales. […] L’idée est de rechercher une nouvelle grille d’intelligibilité pour mon objet, tout en me demandant ce que celui-ci est à même d’apporter aux réflexions en cours par rapport à celles déjà menées. Le défi, dès lors, serait de parvenir à bien cerner la spécificité de l’objet et, en réussissant l’articulation entre le descriptif et l’explicatif, d’arriver à faire émerger une conceptualisation susceptible de le déborder.
Cerner la spécificité de l’objet ne signifie pas l’épuiser. En l’explorant de l’intérieur, je m’efforce de le caractériser de façon problématisée, ce qui constitue davantage une opération d’ouverture que de clôture. Car, contrairement à ce qu’on pourrait penser spontanément, en matière de création artistique, Saint-Domingue/Haïti offre un espace d’exploration étendu. Non pas que rien n’ait été écrit jusque-là sur le sujet, ou que ce qui l’a été soit insignifiant. Bien au contraire. À partir des années 1930, un espace discursif[2] propre à l’art s’est développé, générant un ensemble de discours déterminants et clairement identifiables que j’ai examinés dans Langage plastique et énonciation identitaire. L’invention de l’art haïtien[3] en établissant les conditions d’apparition de cet espace discursif, sa constitution, son fonctionnement, sa dynamique, ses tensions, ses protagonistes. […]
L’ensemble de la cartographie de ces discours permet de mieux comprendre l’émergence, puis la consolidation de thèmes devenus dominants, ainsi que la formation et la circulation de représentations stéréotypées. Tout cela a généré une atmosphère de débats, de controverses, dont la restitution éclaire la nature des convergences et des divergences entre les protagonistes. En substance, les discussions ont tourné autour d’un point central : l’haïtianité en matière artistique. C’est donc bien une problématique identitaire qui anime l’espace discursif institué, une problématique qui s’inscrit dans un paradigme qu’il fallait circonscrire, pour en comprendre les ressorts, les ressources, la portée, mais également les limites. […] Il était donc impératif de travailler à un nouveau cadre général, capable de révéler l’étendue de l’horizon qui s’offrait, au-delà du discours institué, pour faire le récit d’une autre histoire de la création plastique en Haïti.
C’est ce à quoi voudrait contribuer le présent ouvrage, qui est, de ce point de vue, autant un point d’arrivée qu’un point de départ. Point d’arrivée, en ce qu’il est conçu à partir de données et de réflexions, pour une grande part, préalablement présentées, discutées, mises à l’épreuve en diverses occasions […]. Cependant, loin d’en être la somme, l’ouvrage résulte d’une opération de réélaboration. Des publications antérieures, les résultats les plus pertinents ont été recueillis, certains points ont été retravaillés […]. La confrontation des matériaux recueillis à plusieurs courants de pensée, à différentes étapes du développement de la recherche, y a joué un rôle essentiel. Les travaux sur l’image, la culture visuelle, c’est-à-dire l’étude de la perception et de la représentation visuelle – plus spécifiquement la construction sociale du visible et la construction visuelle du social[4] – ont été particulièrement déterminants. lls m’ont offert des outils permettant de surmonter bien des obstacles inhérents à l’histoire de l’art ; obstacles particulièrement conséquents quand il s’agit d’aborder l’art en colonie et postcolonie, c’est-à-dire en « situations » coloniale et postcoloniale[5]. […]
L’une des particularités d’Haïti est d’avoir signé, avec son indépendance au tout début du XIXe siècle, le « premier fait réel de l’histoire de la décolonisation »[6]. On constate d’ailleurs depuis les années 1990 un regain d’intérêt, particulièrement remarquable dans le monde anglophone, pour la Révolution haïtienne, qui, en ce qu’elle est antiesclavagiste et anticolonialiste, offre une base de relecture pour toute une série de questions liées aux révolutions de la fin du XVIIIe siècle, aux Lumières, à la modernité, aux processus d’émancipation[7]. […] Il est vrai pourtant, que d’une manière générale, ainsi que l’ont déjà relevé maints spécialistes d’Haïti[8], la pensée haïtienne du XIXe siècle n’est pas vraiment prise en compte dans les généalogies du postcolonial. Prenons par exemple l’analyse synthétique qu’en donne Achille Mbembe dans Sortir de la grande nuit : tout en disant avec l’écrivain René Depestre qu’Haïti est « la fille aînée de la décolonisation »[9], tout en reconnaissant la « faille »[10] opérée par la Révolution haïtienne dans l’édifice impérial, pour lui – comme pour bien d’autres – la « naissance » du postcolonial en tant que « pensée monde »[11] se situe au XXe siècle. Elle débuterait avec les réflexions des colonisés sur eux-mêmes et se poursuivrait avec le moment de la grande herméneutique des années 1980, dont la parution d’Orientalisme[12] d’Edward Saïd constitue le temps fort. […] Disons tout d’abord que la « faille » évoquée par Mbembe avait déjà été repérée par Homi Bhabha. S’interrogeant sur les «limitations ethno-centriques du signe spatial de la modernité de Foucault», ce dernier convoque Saint-Domingue, en s’appuyant sur Les Jacobins noirs de C. L. R. James[13]. Selon lui, les interrogations qui surgissent des événements de Saint-Domingue «nous obligent à introduire la question de l’agent subalterne dans la question de la modernité […]. Ce qui arrive au signe de la modernité dans ces lieux répressifs comme Saint-Domingue où l’on entend parler du progrès sans jamais le “voir”, c’est qu’il révèle le moment disjonctif de son énonciation : l’espace qui permet à une contre-modernité postcoloniale d’émerger»[14]. Ce moment inaugural du postcolonial est loin d’avoir été placé au cœur des analyses, obligeant les spécialistes d’Haïti à le rappeler constamment[15]. Pourtant, le discours postcolonial trouve bien une de ses premières énonciations en cette fin du XVIIIe et début du XIXe siècle en Haïti. […] Le présent ouvrage se place donc bel et bien dans une continuité, celle d’une interrogation, plusieurs fois reformulée, sur la période coloniale et ses effets dans la durée, sur l’inachèvement du processus de décolonisation, sur la définition et la redéfinition de soi par les Haïtiens. Ce livre porte ainsi, un regard critique sur certaines réflexions discursives présentées en les confrontant, selon une démarche historienne, aux situations, aussi bien coloniale que postcoloniale, puisque les questions relatives à l’art et à l’esthétique n’avaient bien évidemment pas été évacuées des réflexions qui avaient cours depuis le XVIIIe jusqu’à la fin du XXe siècle.
Les propositions discursives du XIXe siècle, leurs apports et leurs limites, ainsi que les pratiques de l’époque se révéleront à l’aune de celles qui ont émergé au siècle suivant. D’autant plus qu’on se situera alors dans une reconfiguration du monde artistique ayant engendré la formation d’un véritable espace discursif autour de l’art. À l’époque, deux thèses principales furent formulées dont, tout d’abord, celle d’un vide artistique dans le pays avant les années 1940, qui évacue d’emblée aussi bien le moment colonial que le XIXe siècle, et celle d’une histoire des beaux-arts remontant à la période coloniale. Dans la perspective de la première thèse, l’art qualifié de naïf, en raison de ses caractéristiques formelles considérées comme résultant d’une inculture artistique[16], est alors promu de manière exclusive. […] Cet art dit également « atavique » serait, selon plusieurs auteurs, une réémergence de l’Afrique primitive que la rigueur de l’esclavage n’aurait pas détruite. Mais les recherches historiennes ont documenté l’existence de pratiques artistiques dans la colonie et ont observé l’existence d’une continuité avec le XIXe siècle, qui est loin d’avoir été un vacuum en ce domaine. […]
On comprend pourquoi toute l’histoire est à revisiter, en commençant par interroger autrement la période coloniale. Aborder l’art en situation coloniale esclavagiste suppose de saisir ce que recouvre cette notion dans un tel contexte, de bien circonscrire le type d’activité qu’elle désigne et de caractériser ce qui en résulte, avant de se pencher sur les usages qu’on en fait. L’objectif ultime est de mesurer les fonctions de l’art (discours, pratiques, usages) dans la relation coloniale. Il est, à l’évidence, difficile d’y parvenir en se limitant au périmètre de la colonie, car le mode d’occupation de celle-ci suggère un transfert depuis la métropole. L’art participe en effet de l’appareillage symbolique de la domination métropolitaine. Il est donc bien essentiel d’examiner la conceptualisation métropolitaine de l’art avant de dégager son opérationnalisation dans la relation coloniale. […]
Poser l’art comme un phénomène constitutif de la culture visuelle facilite sa mise à distance pour mieux l’appréhender et mieux en percevoir les enjeux. […] Ainsi, la culture visuelle n’étant l’apanage exclusif d’aucune communauté en particulier, dans un contexte où plusieurs groupes humains se trouvent en présence, il convient de s’intéresser à leur culture visuelle respective et aux aspects de celle-ci, repérables dans la situation considérée. Comment les uns et les autres agissent-ils à partir de leur culture visuelle de référence ? C’est en plaçant « l’art » dans une telle dynamique que ce livre entend mettre au jour ses enjeux dans l’organisation et la reproduction des rapports sociaux en contexte colonial esclavagiste. […] Finalement, l’approche adoptée se veut une manière d’écrire une histoire plurielle, qui s’emploie à mettre en évidence des points saillants. Mon propos consiste à esquisser, en repérant continuités, ruptures ou déplacements, persistances et transformations, les contours possibles des modes de configuration et de reconfiguration des domaines de création plastique, compris comme des foyers de production d’images. […]
[1]Si le terme « taïno » est utilisé par Christophe Colomb lors de son deuxième voyage pour se référer à un groupe qui l’avait employé, dans la langue arawak, pour dire « bon et noble », les premiers chroniqueurs espagnols ne l’ont pas repris pour désigner une population spécifique. Ce n’est qu’en 1836 que le naturaliste et archéologue Constantin Samuel Rafinesque (1783-1840) l’emploie pour nommer la langue arawak des Grandes Antilles (Cuba, Haïti et la République dominicaine, la Jamaïque, Porto-Rico). Puis, nombre de chercheur.e.s en feront l’ethnonyme de la plupart des peuples rencontrés par les Espagnols dans ces îles (Jean Joseph Sony, 2019. La biographie d’un paysage. Étude sur les transformations de longue durée du paysage culturel de la région de Fort-Liberté, Haïti, Leiden, Sidestone Press. ; Waldron Lawrence, 2019. Pre-Columbian Art of the Caribbean, Gainesville [FL], University of Florida Press.)
Sur l’adoption du nom Haïti, voir :
Fouchard Jean, 1984. « Pourquoi Haïti ? Où, quand et par qui fut choisi de redonner à notre patrie le nom indien d’Haïti », Revue de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, 145 : 13-17.
Geggus David Patrick, 1997. « The naming of Haiti », New West Indian Guide/Nieuwe West-Indische Gids, vol. 71, no 1-2 : 43-68.
[2] Maingueneau Dominique, 1984. Genèses du discours, Bruxelles, Liège, P. Mardaga.
[3] Célius Carlo A, 2007a. Langage plastique et énonciation identitaire. L’invention de l’art haïtien, Québec, Presses de l’université Laval.
[4] Mitchell W. J. T., 2009 [1986]. Iconologie. Image, texte, idéologie, Paris, Les Prairies ordinaires.
[5]. Ces situations ont été décrites par Achille Mbembe dans son ouvrage De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Mbembe 2000), qui a introduit une perspective différente des tendances alors dominantes dans les études postcoloniales qui en restaient au niveau de la littérature, du langage, des représentations, de la différence ou de la différenciation culturelle, sans réels soucis de contextualisation de type historique et sociologique. Pour une discussion sur l’ouvrage avec les points de vue de Jacques Pouchepadass, Mariane Ferme, Yves Alexandre Chouala, Juan Obarrio et une réponse de l’auteur, voir Politique Africaine, n° 91, octobre 2003.
[6]. Depestre René, 2005. « La France et Haïti », Gradhiva, no 1 : 19-30.
Walter Mignolo suggère de considérer aussi bien la Révolution étatsunienne que la Révolution haïtienne comme relevant d’un processus de décolonisation, dans la mesure où, dans les deux cas, il s'agit de la rupture des liens de dépendance coloniale vis-à-vis de l'Europe. La première décolonisation serait donc étatsunienne. Elle aurait amorcé la première vague de décolonisation, celle des Amériques au cours du xixe siècle, avant la seconde vague qui concerne l’Asie et l’Afrique, survenue après 1945. À l'exception du cas haïtien, la première décolonisation, souligne Mignolo, a été le fait de descendants d'Européens, créoles et métis.
Mignolo Walter D. et Walsh Catherine E., 2018. On Decoloniality. Concepts, Analytics, Praxis, Durham, Londres, Duke University Press.
[7]. Sur cette historiographie :
Joseph Celucien L., 2012. « “The Haitian Turn”: An appraisal of recent literary and historiographical works on Haitian revolution », The Journal of Pan African Studies, vol. 5, no 6 : 37-55.
Covo Manuel, 2013. « La Révolution haïtienne entre études révolutionnaires et Atlantic History », in Clément Thibaud et al (dir.), L’Atlantique révolutionnaire. Une perspective ibéro-américaine, Becherel, Les Perséides Éditions : 259-288.
Grou Elisabeth, 2013. Débats contemporains dans l’historiographie de la Révolution haïtienne, mémoire de maîtrise en histoire, Montréal [QC], université de Montréal.
Sepinwall Alyssa Goldstein, 2017. « Beyond The Black Jacobins: Haitian revolution historiography comes of age », Journal of Haitian Studies, vol. 23, no 1 : 4-34.
Sur l’historiographie allemande et la révolution haïtienne :
Hector Cary et Gliech Oliver (dir.), 2012. « L’historiographie allemande et la Révolution haïtienne. Approches récentes », dossier de la Revue de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie, nos. 245-248.
[8] Voir entre autres :
Dash J. Michael, 2004. « Nineteenth-century Haiti and the Archipelago of the Americas: Antenor’s Firmin letters from St. Thomas », Research in African Literatures, vol. 35, no 2 : 44-53.
Jenson Deborah (dir.), 2005. « The Haiti Issue: 1804 and Nineteenth-Century French Studies », Yale French Studies, no 107.
Jenson Deborah, 2008. « Toussaint Louverture, Spin Doctor? Lauching the Haitian Revolution in the French Media », in Doris L. Garraway, Tree of Liberty: Legacies of the Haitian Revolution in the Atlantic World, Virginia, University of Virginia Press : 41-62.
Kaussen Valerie, 2008. Migrant Revolutions. Haitian Literature, Globalization, and U.S Imperialism, Lanham [MD], Lexington Books.
Jonassaint Jean, 2009. « Sur un champ miné de bonnes intentions : Francophone Postcolonial Studies (réponse à Sam Haigh) », Mondesfrancophones.com, revue mondiale des francophonies, 22 octobre 2009, en ligne : https://mondesfrancophones.com/mondes-africains/sur-un-champ-mine-de-bonnes-intentions-francophone-postcolonial-studies-reponse-a-sam-haigh/
Daut Marlene, 2015b. « Before Harlem: The Franco-Haitian Grammar of Transnational African American Writing », J19: The Journal of Nineteenth-Century Americanists, vol. 3, no 2 : 385-392.
[9] Depestre René, 2005. « La France et Haïti », Gradhiva, no 1 : 28.
[10] Mbembe Achille, 2013 (2010). Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, Paris, La Découverte.
[11] Ibid.
[12] Saïd Edward W., 1978. Orientalism, New York [NY], Pantheon Books [édition française : L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, 1980, traduit et adapté de l’américain par Catherine Malamoud, préface de Tzvetan Todorov, Paris, Éditions du Seuil].
[13] Bhabha Homi, 2007 [1994]. Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale, traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Bouillot, Paris, Payot.
[14] Ibid.
[15]. Adler Camilus (Camilus Adler, 2015. Conflictualités et politique comme oubli du citoyen (Haïti), thèse de doctorat de philosophie, Paris, université Paris 8.) fonde sa thèse de philosophie sur ce point aveugle de la pensée postcoloniale qu’il critique en s’appuyant, notamment, sur le courant décolonial. Même s’il observe cette même absence d’Haïti dans ce dernier courant, il envisage de construire une « scène décoloniale » à partir d’une relecture de la Révolution haïtienne. Il s’agit de déconstruire la colonialité et penser le « devenir-décolonial » de la société. Le philosophe Jean Waddimir Gustinvil (Gustinvil Jean Waddimir, 2013. Logiques coloniales de domination et d’émancipation : imaginaire colonial et égalité. La société postcoloniale haïtienne du long dix-neuvième siècle haïtien, thèse de doctorat de philosophie, université Paris Diderot Paris 7 et université Paris 8 Vincennes Saint-Denis.), pour sa part, a consacré sa thèse à l’analyse des « Logiques coloniales de domination et d’émancipation coloniale et égalité » à partir du cas de « La société postcoloniale haïtienne du long dix-neuvième siècle ». Jean Casimir, sociologue, constate, en découvrant les écrits du courant décolonial, que sa démarche relevait et relève de cette perspective. D’où son livre paru en 2018 : Une lecture décoloniale de l’histoire des Haïtiens. Du traité de Ryswick à l’occupation américaine (1697-1915), préfacé par une importante figure du courant, Walter D. Mignolo.
Sur ce courant, voir : Castro-Gómez Santiago et Grosfoguel Ramón (dir.), 2007. El giro decolonial. Reflexiones para una diversidad epistémica más allá del capitalismo global, Bogotá, Siglo del Hombre Editores, Universidad Central, Instituto de estudios sociales contemporáneos y pontificia universidad Javeriana, Instituto Pensar.
Mignolo Walter et Escobar Arthuro (dir.), 2010. Globalization and the decolonial option. New York [NY], Routlegde.
Mignolo Walter D. et Walsh Catherine E., 2018. On Decoloniality. Concepts, Analytics, Praxis, Durham, Londres, Duke University Press.
Pour une présentation des courants de pensée en Amérique, voir, entre autres : Mézilas Glodel, 2013. Généalogie de la théorie sociale en Amérique latine. L’Occident en question, Port-au-Prince, Éditions de l’université d’État d’Haïti.
[16]. Sur les différentes dénominations proposées et celle d’art naïf, dans le contexte haïtien : Célius Carlo A, 2007a. Langage plastique et énonciation identitaire. L’invention de l’art haïtien, Québec, Presses de l’université Laval.
Sommaire
Introduction
1. La création plastique d'Haïti : une nouvelle approche
2. Choc et confrontation des imaginaires dans la colonie
3. L'imagerie catholique dans la durée : l'histoire d'un conflit iconique
4. L’invention des vèvè, dessins rituels du vodou
5. D’une symbolique révolutionnaire
6. La conquête du portrait
7. Reconfiguration du monde de la création plastique au XXe siècle
8. La nouvelle scène artistique