« Envahir l’Éthiopie »
par Marcel Griaule
L’anthropologue, explorateur et écrivain, directeur de la Mission Dakar-Djibouti et officier de la Légion d’honneur, Marcel Griaule (1898-1956) a été une personnalité marquante parmi les intellectuels de l'entre-deux-guerres du XXe siècle. Au moment de l'invasion par l'Italie fasciste de l’Éthiopie, il rédige de nombreuses chroniques de guerre publiées dans les journaux de l'époque. Ne se contentant pas de relater l'agression coloniale, ses écrits explorent également le pays, ses populations, ses manières, son climat et ses mécanismes politiques. Yves Pourcher, professeur de sciences politiques à Toulouse et spécialiste de l'anthropologie et de l'histoire de la guerre, replonge dans les archives de Marcel Griaule et rassemble une sélection de ses écrits dans ce livre. Les éditions Anacharsis livrent pour le Groupe de recherche Achac une présentation de l’ouvrage.
Marcel Griaule est sans conteste l’une des figures les plus importantes de l’anthropologie française de la première moitié du XXe siècle. Avec deux ouvrages surtout, qui sont comme des marqueurs dans l’histoire aussi bien de la discipline que de la littérature : Les flambeurs d’hommes (1931), sur l’Éthiopie, et Dieu d’eau (1948) sur les Dogons. Ses travaux ethnographiques, ses expéditions africaines (dont la fameuse mission Dakar-Djibouti avec Michel Leiris avec lequel il se fâchera définitivement par la suite pour des raisons sans doute personnelles mais aussi éthiques), ses écrits avant-gardistes, ses prises de positions antifascistes sont notoires.
Il est également notoire qu’il fut l’un des rares français à prendre clairement le parti du Négus lors de l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie en 1935. Griaule accompagne alors le leader en exil à Genève et en France, et compose le célèbre discours de ce dernier devant la SDN. Cette posture engagée auprès d’un pays en guerre, en butte à l’entreprise coloniale de Mussolini, va l’emmener à écrire en défense de ce pays africain indépendant une série de textes qui rendent compte de ce que fut cette guerre, asymétrique, illégitime et impérialiste.
Ce sont ces textes qui sont ici rassemblés pour la première fois. On y retrouve le verbe somptueux de Marcel Griaule, qui mobilise son savoir ethnologique pour le mettre au service d’une cause militaire – et politique. Marcel Griaule y retrace les aléas des combats, analyse, vitupère, interpelle son lectorat avec toute la puissance de sa verve. C’est alors la posture de l’anthropologue que ces relations données sur le vif interrogent, laquelle associe ce qu’il estime être son devoir de citoyen à sa qualité d’enquêteur ethnographe.
Les séquences extrêmement denses – et parfois terribles – que propose ce livre, associées au style de Griaule pour rendre compte au fond de ce que c’est que la guerre, permettent ici de penser la question de l’engagement intellectuel au moment où le combat s’impose. On y trouve évidemment des échos dramatiquement contemporains.
Dans une longue présentation Yves Pourcher interroge la figure de Marcel Griaule aux prises avec cette guerre, dont bien peu gardent encore aujourd’hui la mémoire.
Table des matières
Introduction p.5
par Yves Pourcher
Chronologie de la guerre p.28
Carte de l’Éthiopie
Avant la guerre p.33
L’Éthiopie en péril
Commencer une querelle c’est ouvrir une digue
L’inventaire des lieux, des armées et des rois p.51
Les forces en présence
Ce qu’est l’Éthiopie. Ce que sont les Éthiopiens
Hayla Selassié, Roi des Rois
Mosaïque éthiopienne p.75
Le calme surprenant de l’Éthiopie
Concessions abyssines sous conditions
L’Italie et les hauts plateaux abyssins
Les Abyssins et le lac Tanap
Le régime des terres abyssines
Mauvaise foi romaine p.99
En feuilletant le dossier italien
Sauvagerie éthiopienne
Erreurs du dossier italien
Une veillée d’armes p.113
Des deux côtés de la frontière
Abyssinie et Maroc
L’échiquier d’Abyssinie
Premiers mois de guerre p.131
Une dure campagne
Les ermites sortent
Vu d’Éthiopie : l’ombre d’Adoua
Lieux saints, gaddou et traîtres p.145
Axoum, la ville sainte
Tactique abyssine
Trahisons abyssines
Quand la carte divague p.159
Hésitations
Secteurs oubliés
Armées évanouies
Stratégie éthiopienne
Bilan d’une guerre
Le maréchal Badoglio p.183
Nouvelle tactique italienne
Marches en avant
Étonnements abyssins
Les gaz p.199
Le gouffre du Takkazé
Offensive éthiopienne ?
Signes nouveaux
La route est large
La guerre s’installe p. 217
Un château d’eau
Au coeur du Borana
Jeux de bascule
Moyens modernes
Victoire italienne ? p.235
La bataille de l’Enderta
Écrasement éthiopien ?
Le maréchal Fracasse
Profits et pertes
Prises de guerre p.257
La ville aux 44 églises
Hararp
La danse du scalp
Douloureuses leçons p.273
Accepter le fait accompli ? Non
Les erreurs
Le bilan
Écouter le Négus p.291
Haïlé Sélassié nous déclare à Gibraltar
Quand le Roi des Rois s’embarque pour Londres
À bord de l’Orford
« Femme aimée »
Le discours du Négus
Sources et bibliographie p.311