Festival du Livre Africain de Marrakech
Par le Groupe de recherche Achac
Organisée par l’association « We Art Africa / NS », avec le soutien de nombreux partenaires nationaux et internationaux, l’édition inaugurale du Festival du livre africain (FLAM), « L’Afrique en toutes lettres », se tient du 9 au 12 février 2023, au centre culturel « Les Étoiles de Jemaâ el-Fna », à Marrakech (Maroc). Cet événement inédit sur le continent africain poursuit le double objectif de promouvoir la culture et la littérature africaine auprès d’un large public et de favoriser les échanges et rencontres entre écrivains, éditeurs et lecteurs. Cette première édition s’articule autour de la question de la préservation de la mémoire commune et plus largement de l’actualité scientifique et éditoriale africaine. Le festival affiche un riche programme rythmé par des débats, des conférences, des tables rondes et des ateliers. Il accueillera également des expositions de livres et d’arts plastiques, ainsi que des projections de films, des concerts de musique et des séances de dédicace. Durant quatre jours, une quarantaine d’auteurs arabophones, francophones et anglophones seront réunis, notamment Achille Mbembe, Lilian Thuram, Pascal Blanchard ou encore Abdourahman Waberi. Les rencontres seront disponibles en streaming sur la chaîne YouTube dédiée. Un rendez-vous à ne pas manquer !
Le Festival du Livre de Marrakech (FLAM) a été initié par quatre figures de la scène culturelle africaine : Mahi Binebine, peintre, sculpteur et écrivain ; Fatimata Wane Sagna, journaliste spécialisée en politique africaine ; Hanane Essaydi, spécialiste en littérature africaine, et Younès Ajarraï, enseignant et conférencier, et délégué général du festival : « Jamais année n’aura été aussi faste pour les littératures africaines. En 2021, le Prix Nobel de littérature a été attribué au Tanzanien Abdulrazak Gurnah. Les deux prix littéraires les plus prestigieux sont allés au Sud-africain Damon Galgut (Booker Prize) et au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr (Prix Goncourt). Le Prix de la paix des libraires allemands est revenu à la Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga, le Booker Prize international au Sénégalais David Diop, le Prix Camoes à la Mozambicaine lusophone Paulina Chiziane et le Prix Neustadt au Sénégalais Boubacar Boris Diop. D’aucuns ont parlé de renaissance du livre en Afrique, ignorant que de grands écrivains ont existé depuis des décennies et produit de grandes œuvres passées à la postérité universelle. En réalité, ce “tir groupé” illustre, in fine, la reconnaissance tardive par le microcosme littéraire européen d’une littérature africaine plurielle. Et c’est cela qui a changé ».
Destiné à tous les publics et à tous les âges, le festival est accessible gratuitement. Cette formule de gratuité témoigne d’un véritable engagement de l’association en faveur des arts et des lettres, en allant à la rencontre des publics qui s’en sentent éloignés. Appelé à devenir un événement artistique annuel national, à prolongement continental et de portée internationale, le FLAM a pour ambition de faire émerger les talents littéraires africains tout en célébrant la diversité culturelle du continent. Il a aussi vocation à encourager et promouvoir la culture et les arts et leur contribution au développement économique et social de l’Afrique par le biais, notamment, de la mise en lumière des différents héritages, témoins de la vivacité de la pensée africaine contemporaine comme l’écrivait Mia Couto, écrivain mozambicain, « Séparé par les langues officielles, la géographie et les régions stratégiques, notre continent est aujourd’hui plus que jamais inconnu de lui-même. Dans le domaine de la littérature, nous savons peu de choses sur ce que nos voisins débattent et publient. Pire encore, ce que nous savons vient d’Europe, à travers des circuits coloniaux anciens et intouchables. Les festivals littéraires peuvent être un moyen de rompre cet isolement et cette ignorance réciproque ».
À terme, le festival se donne comme objectif de devenir un rendez-vous international incontournable. Alors que se tiendra en même temps, à Marrakech, la Foire d’art contemporain africain – aussi partenaire du FLAM –, la ville rouge sera, pendant quelques jours, le centre des auteurs et des artistes venus des quatre coins du continent et de ses diasporas.
Le FLAM se veut un événement d’abord littéraire : cafés littéraires, tables ronds, entretiens, lectures, séances de signature, librairie, programmation jeunesse. La programmation laisse néanmoins place aux débats de sujets centraux dans la pensée contemporaine africaine, tels que les indépendances, le racisme et l’immigration. En outre, les soirées seront rythmées par d’autres formes d’expression artistique tels que les arts plastiques, la musique, la danse, la poésie, pour raconter l’Afrique d’hier, dire l’Afrique d’aujourd’hui et penser l’Afrique de demain.
Dès cette première édition, les organisateurs du FLAM se sont attelés à inviter « un parterre de grands noms et des jeunes plus, des femmes et des hommes africains et afro-descendants venant d’Afrique et du reste du monde ».
Parmi les invités, l’historien Pascal Blanchard, co-directeur du Groupe de recherche Achac et chercheur-associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation (CRHIM) à l’UNIL (Université de Lausanne), interviendra dans le cadre de différentes rencontres et rendez-vous. Spécialiste du « fait colonial », de l’histoire des immigrations en France, et des enjeux et questions identitaires et des imaginaires, auteur et co-directeur de nombreux ouvrages dont Colonisation et propagande. Le pouvoir de l’image (Le Cherche Midi, 2022), et Histoire globale de la France coloniale (Philipe Rey, 2022), Pascal Blanchard présentera l’un de ses ouvrages Le racisme en image : déconstruire ensemble (Éditions de la Martinière, 2021), le jeudi 9 février, aux côtés du fondateur de la « Fondation Lilian Thuram/Éducation contre le racisme », Lilian Thuram, dans le cadre du « Tandem » – Grand entretien. Il interviendra, le même jour, aux côtés d’Achille Mbembe, Jennifer Richard et Ali Benmakhlouf, dans une « Palabre » — cycle de rencontres de réflexion qui cherche à scruter le présent et le futur de notre monde à partir de l’Afrique — intitulée « Postcolonial, décolonial, et migrations ». Il animera ensuite une palabre, le vendredi 10 février, la table ronde « Les héritages de l’Histoire : l’esclavage revisité », en présence des auteurs : Chouki El Hamel, Achille Mbembe, Abdelaziz Baraka Sakin et Ousmane Traoré. L’objectif de cette table ronde est de revisiter l’histoire de l’esclavage en Afrique, toutes formes et périodes confondues : esclavage transsaharien, esclavage transatlantique et esclavage colonial racialisé.
D’autres temps forts retiendront l’attention du public, comme la palabre « Décoloniser la culture : enjeux et perspectives pour l’Afrique », le vendredi 10 février, en présence de l’historien et politologue camerounais, Achille Mbembe, considéré comme l’un des principaux théoriciens du postcolonialisme. Du côté des cafés littéraires, Abdourahman Waberi – professeur des littératures francophones à George Washington University (GWU) – participera à plusieurs d’entre eux comme celui intitulé « Littératures africaines et combats pour la liberté », qui se tiendra le jeudi 9 février. Des espaces seront également mis à la disposition des festivaliers pour acquérir des livres et rencontrer des auteurs lors de séances de dédicaces. Deux ouvrages, co-dirigés par Pascal Blanchard, seront présentés : Le Racisme en images (Éditions de La Martinière, 2021) et Histoire globale de la France coloniale (Éditions Philippe Rey, 2022).
L’ouvrage collectif Le Racisme en images, co-dirigé par l’historien Pascal Blanchard, et par l’anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS, Gilles Boëtsch, analyse près de 250 images et les décrypte dans une perspective à la fois historique, culturelle et thématique. Nombreux sont les supports qui ont véhiculé la représentation de l’autre comme un être inférieur, stigmatisé dans sa différence, que celle-ci soit ethnique, religieuse, culturelle ou sexuelle. Ce livre appelle à la déconstruction des discours et à la décolonisation des imaginaires car comprendre la construction du discours racial sur le temps long, c’est participer in fine à sa destruction. Dans ce cadre, seize personnalités – dont Achille Mbembe, Alain Mabanckou, Leïla Slimani, Pap Ndiaye et Lilian Thuram — ont été invitées à porter leurs regards sur ces images à hauteur de sa propre expérience, de ses convictions et de ses engagements. Le second ouvrage collectif, Histoire globale de la France coloniale, publiée sous la direction des historiens Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et du politiste Dominic Thomas, se présente comme un bilan de la recherche historique des trente dernières années sur l’histoire coloniale, toujours au cœur des débats entre historiens. L’ouvrage rassemble une centaine de textes d’experts européens, américains et africains – dont Achille Mbembe – pour offrir une vision à 360° et construire une connaissance documentée des enjeux liés à la colonisation et à la mémoire coloniale.