Les tribunes

Titre Les tribunes
Immigration. 
Indifférence, indignation, déshumanisation  par Catherine Wihtol de Wenden

Immigration.  Indifférence, indignation, déshumanisation 

par Catherine Wihtol de Wenden

Immigration. 
Indifférence, indignation, déshumanisation  par Catherine Wihtol de Wenden

Catherine Wihtol de Wenden, politiste et juriste spécialiste des migrations internationales, directrice de recherche émérite au CNRS, plaide pour des politiques migratoires fondées sur les principes de rationalité et de solidarité, loin des discours marqués par l’émotion et la manipulation idéologique. Dans un monde marqué par des crises successives générant une mobilité accrue, elle met en lumière les injustices subies par les migrants et dénonce une gestion qui ignore souvent les engagements internationaux. Comme à travers plusieurs autres ouvrages sous sa direction, tels que Figures de l'Autre. Perceptions du migrant en France 1870- 2022 (CNRS Éditions, 2022) et Des idées reçues sur l'immigration (L’Harmattan, 2022), elle rappelle ici l'urgence d'un dialogue pour construire des réponses plus justes et plus humaines face aux défis migratoires contemporains. En tribune cette semaine pour le Groupe de recherche Achac, la politiste et membre de la Ligue des droits de l'Homme nous invite à aborder cette problématique, sur laquelle elle œuvre depuis plus de trois décennies.

Comme l’a écrit Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies : « La migration est un phénomène naturel et humain. Il est temps de passer des discours aux actes et de construire un avenir meilleur pour tous les migrants. » C’est à son initiative qu’ont été créés les Forums mondiaux Migrations et développement qui ont inspiré le pacte mondial de Marrakech de 2018 dont le sous-titre est « Pour une immigration sûre, ordonnée et régulière ». On en est loin.

Le sujet est devenu tellement manipulé par des approches idéologiques que la rationalité est rarement au rendez-vous. Le contexte migratoire, national européen et mondial s’inscrit dans un climat de crises successives (révolutions arabes en 2011, crise syrienne en 2015, COVID en 2019-2020, ukrainienne en 2023, israélo-palestinienne en 2023-2024) de catastrophes environnementales mêlées à l’instabilité politique et parfois à des guerres civiles (Soudan, Haïti) et de recherche d’un avenir meilleur. 

Cette actualité a entraîné la fuite des réfugiés parfois par millions, et il s’inscrit dans une montée du rejet des migrants qui se traduit par une escalade sécuritaire des politiques d’immigration et d’asile. Le succès d’un prêt à penser populiste et xénophobe en Europe et ailleurs a eu pour conséquence une indifférence à l’égard de situations inhumaines, dénoncées par les associations et leurs militants, qui manifestent leur indignation. L’inhumanité des conditions du voyage et de l’arrivée pour ceux qui cherchent à changer de vie par la migration, pour les demandeurs d’asile, pour les mineurs isolés non accompagnés, pour les femmes seules est contraire aux conventions internationales signées par les pays qui semblent oublier leurs engagements. 

L’heure est à la dissuasion, la répression, la militarisation accrue des frontières, l’ambition de gérer par le souverainisme un mouvement de fond, mondialisé et structurel, conduisant à une mobilité accrue, quel que soit le nombre de morts aux frontières, les conditions de vie dans les camps, les zones d’attente, les centres de rétention quand il ne s’agit pas d’emprisonnements et de traitements inhumains et dégradants. 

Les politiques proposées sont une théâtralisation du contrôle, pour répondre à la peur d’une opinion publique mesurée à travers les sondages et séduire les électeurs des partis populistes alors que les pénuries de main d’œuvre, le respect du droit d’asile, les drames humains sont à la une de l’actualité. 

L’ouvrage, qui doit beaucoup aux discours et aux mobilisations associatives relatées ici, se décline autour de ceux qui ont dénoncé l’indifférence dont le pape François en 2023 à Marseille, qui se sont mobilisés pour l’indignation comme Stéphane Hessel au début des années 2000, et ceux qui ont nommé l’inhumanité de nombre situations migratoires, comme le directeur général du Haut-Commissariat aux réfugiés Filippo Grandi en 2024. 

Il plaide pour un dialogue entre le savant, le politique et l’opinion pour remettre au-devant de la scène des politiques de la raison.

SOMMAIRE

Introduction

Chapitre 1 - L’immigration, un phénomène de notre temps

Chapitre 2 - Indifférence

Chapitre 3 - Indignation

Chapitre 4 - Inhumanité

Conclusion