Journée d’études internationale Regard croisé France / Allemagne à Dresde « Zoos humains, histoire & mémoire coloniale »
par Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire
Le Stadtmuseum de la ville de Dresde (Allemagne) consacre pour la première fois une exposition à l’histoire des zoos humains de la ville « MenschenAnschauen », présentée du 5 novembre 2023 au 7 juillet 2024. À cette occasion, le Groupe de recherche Achac est co-organisateur avec le musée d’une journée d’études proposant un regard croisé France/Allemagne sur « Zoos humains, histoire & culture coloniale », le lundi 17 juin 2024. Cette rencontre sera suivie d’une table ronde publique réunissant des chercheurs et des professionnels de musées d'Allemagne, de France et du Bénin. À cette occasion, les historiens Nicolas Bancel (professeur ordinaire à l’université de Lausanne) et Sandrine Lemaire (professeure agrégée en classes préparatoires au lycée Jean Jaurès à Reims) aux côtés de Fanny Robles (maîtresse de conférences à l’université d’Aix-Marseille), Clemens Radauer (collectionneur et chargé de numérisation au Weltmuseum Wien) ou encore Nanette Snoep (directrice du Rautenstrauch Joest Museum) questionneront et mettront en perspective l’état de la recherche sur les exhibitions ethniques, phénomène déjà existant à partir de la fin du XVIIIe siècle dans le cadre de la cour princière mais qui s’est particulièrement développé à partir des années 1870 à Dresde comme dans le reste de l’Europe. L’intégralité des échanges seront disponibles, avec une traduction française, sur la chaîne YouTube du Groupe de recherche Achac. Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire présentent dans cette tribune les enjeux de cette journée d’études internationale.
Le Groupe de recherche Achac est coorganisateur de la rencontre consacrée aux zoos humains, pilotée en Allemagne par le musée de la ville de Dresde. À cette occasion, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire débattront avec des historiens et conservateurs de musées allemands et européens des dimensions spécifiques des exhibitions ethniques en Allemagne à l’aune du développement international des zoos humains, des années 1870 jusqu’à la fin de l’entre-deux-guerres. Ils présentent dans cette tribune les enjeux de cette rencontre pour, d’une part, la connaissance historique de ce phénomène à Dresde et en Allemagne et, d’autre part, la diffusion de cette page d’histoire, ici, dans le cadre du musée de la ville.
En effet, comme dans de nombreuses autres grandes villes européennes, des représentants de « races exotiques » ont été exposés à Dresde dès le début du XVIIIe siècle, dans le cadre de la cour princière. Le phénomène s’est considérablement étendu en Allemagne, comme dans le reste de l’Europe, à partir des années 1870 notamment sous l’impulsion de Carl Hagenbeck, marchand d’animaux qui a créé et développé le zoo d’Hambourg et engendré sa célèbre renommée.
Dans son sillage, le zoo de Dresde est lui aussi devenu, au cours de cette phase initiale de l’expansion des zoos humains, l’un des lieux privilégiés en Allemagne de ces exhibitions. L’attrait du spectacle résidait dans le fait que, pour la première fois, de larges couches de la population ont pu observer, dans des mises en scène présentées comme « authentiques » mais complètement folklorisées et racialisées, ces populations venues d’ailleurs.
À Dresde, le lien entre anthropologie raciale et spectacles ethniques semble avoir été particulièrement affirmé. Les théories racialistes et du social-darwinisme ont ainsi trouvé un terrain de popularisation fécond, et ce jusqu’à la fin de l’entre-deux-guerres, ce que montre le catalogue qui accompagne l’exposition actuelle du Musée de la ville de Dresde, Menschen Anschauen. Selbst- und Fremdinszenierungen in Dresdner Mensechenausstellungen. Comme dans l’immense majorité des cas, nous ne disposons pour les exhibitions ethniques de cette ville de quasiment aucun témoignage des figurants des zoos humains. On sait également peu de choses sur les conditions exactes de leur recrutement, les termes de leur contrat et leur traitement sur place même si le catalogue d’exposition présente des textes analytiques et des outils de recension des différentes exhibitions qui sont remarquables et précis.
À Dresde, le thème des zoos humains n’avait jusqu’à présent que peu retenu l’attention. Le musée de la ville se charge, pour la première fois, de combler cette lacune. Les enjeux ne sont donc pas seulement historiographiques. L’exposition utilise les nombreuses archives de la ville ainsi que quelques documents de collectionneurs privés mais interroge de nombreux supports allant des multiples cartes postales, affiches aux objets et jouets. Comment cette exposition a-t-elle été réalisée ? Quelles ont été les modalités d’un croisement des regards entre conservateurs et historiens ? Peut-on délimiter les spécificités des zoos humains présentés à Dresde au regard de nos connaissances sur les autres aires de développement du phénomène ? Et comment impliquer les populations natives, premières concernées par ces spectacles ? Enfin, comment mesurer l’impact des zoos humains à Dresde et en Allemagne (en comparatisme avec la France) sur la formation d’un racisme populaire, bien au-delà de l’entre-deux-guerres ? Ces questions formeront la trame des discussions qui s’engageront au musée de Dresde le 17 juin 2024
PROGRAMME
15H00 › 16H30 І RENCONTRE
Zoos humains – États de la mémoire et histoire coloniale, approche comparative
animée par Torsten KÖNIG, collaborateur et coordinateur scientifique au Centrum Frankreich I Frankophonie,
Institut de langues et littératures romanes, Dresde, Allemagne
avec Nanette SNOEP, anthropologue, directrice du Rautenstrauch Joest Museum, musée ethnographique de Cologne,
Allemagne
Christina LUDWIG, anthropologue, directrice du Stadtmuseum Dresden, musée de la ville de Dresde, Allemagne
Andrea RUDOLPH, anthropologue, conservateur au Stadtmuseum Dresden, musée de la ville de Dresde, Allemagne
Robert MUND, historien, conservateur au Stadtmuseum Dresden, musée de la ville de Dresde, Allemagne
Didier HOUÉNOUDÉ, historien de l’art, professeur à l’Université d’Abomey-Calavi à Cotonou, Benin
Nicolas BANCEL, historien, professeur ordinaire à l’Université de Lausanne (UNIL), Suisse, codirecteur du Groupe de recherche Achac, France
Sandrine LEMAIRE, agrégée et docteure en histoire, professeure en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Jean Jaurès à Reims, France, codirectrice du Groupe de recherche Achac, France
Fanny ROBLES, maitresse de conférences en cultures des mondes anglophones à Aix-Marseille Université, France
Clemens RADAUER, collectionneur et charge de numérisation au Weltmuseum Wien, musée d’Ethnologie de Vienne,
Autriche
Les échanges se dérouleront en anglais.
19H00 › 21H00 І TABLE RONDE
Zoos humains – Le rôle de l’histoire coloniale dans les cultures contemporaines de la mémoire : dimensions régionales, nationales et mondiales
animée par Torsten KÖNIG, collaborateur et coordinateur scientifique au Centrum Frankreich I Frankophonie, Institut de langues et littératures romanes, Dresde, Allemagne
avec Nanette SNOEP, anthropologue, directrice du Rautenstrauch Joest Museum, musée ethnographique de Cologne, Allemagne
Christina LUDWIG, anthropologue, directrice du Stadtmuseum Dresden, musée de la ville de Dresde, Allemagne
Didier HOUÉNOUDÉ, historien de l’art, professeur à l’Université d’Abomey-Calavi à Cotonou, Benin
Sandrine LEMAIRE, agrégée et docteure en histoire, professeure en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Jean Jaurès à Reims, France, codirectrice du Groupe de recherche Achac, France
Nicolas BANCEL, historien, professeur ordinaire a l’Université de Lausanne (UNIL), Suisse, codirecteur du Groupe de recherche Achac, France
20H30 І ÉCHANGES AVEC LE PUBLIC
Les échanges se dérouleront en allemand et en français avec une traduction simultanée dans les deux langues.