« Le portail Mars Imperium »
par Céline Regnard

Le portail Mars Imperium, plateforme numérique consacrée à l’histoire coloniale et post-coloniale de Marseille, du XIXe au XXIe siècle, a été conçu par Céline Regnard, historienne et professeure à Aix-Marseille Université, spécialiste de l’histoire de Marseille, des villes portuaires et des migrations, et Xavier Daumalin, professeur émérite à Aix-Marseille Université, spécialiste de l’histoire économique de la France méridionale. Ensemble, ils ont voulu offrir une plateforme complète pour faire le point sur l’état des connaissances et des débats autour de cet héritage colonial, souvent fragmenté et traversé d’impensés. Mars Imperium regroupe cinq volets complémentaires permettant d’explorer cette histoire sous différents angles. On y trouve un film documentaire, une série de 81 vidéos courtes de 5 minutes, une sélection d’objets historiques soigneusement commentés, trois balades urbaines pour découvrir la ville sous un nouveau prisme, ainsi qu’une médiathèque riche de près de 1.500 documents d’archives. Ce projet, fruit d’un travail collaboratif réunissant chercheurs, institutions culturelles et acteurs associatifs, explore les traces de cet héritage dans le paysage marseillais et leur résonance dans la société contemporaine. Il offre ainsi une ressource précieuse pour interroger les mémoires, les tensions et les enjeux d’un passé colonial qui continue de marquer la ville. En tribune cette semaine pour le Groupe de recherche Achac, Céline Regnard présente ce projet innovant.
Un portail qui fait le point sur l’état des connaissances et des débats sur l’histoire coloniale et post-coloniale de Marseille.
Une demande sociale, un déficit et un besoin d’histoire, tels sont les points de départ du projet Mars Imperium. Les empreintes de l’histoire coloniale sont nombreuses à Marseille. Ce patrimoine protéiforme, régulièrement questionné, témoigne d’une page importante de l’histoire de la ville dont la connaissance reste paradoxalement fragmentée et biaisée par un certain nombre d’idées reçues ou d’impensés et ne permet pas d’évaluer correctement les répercussions de cette histoire sur la société marseillaise des XIXe et XXe siècles, ni de bien comprendre les enjeux, les interrogations, les tensions et les revendications qui s’expriment actuellement. C’est pour contribuer à une meilleure connaissance de cette histoire et à destination des enseignant.es, étudiant.es, élèves, grand public, qu’une équipe d’une soixantaine de personnes a travaillé pendant trois ans.
Le résultat est Mars Imperium https://marsimperium.org : un portail web regroupant cinq plateformes en ligne, chacune l’abordant selon un angle de vue particulier.
Un web documentaire, 81 vidéos de 5 minutes, propose neuf entrées thématiques : débats politiques, savoirs et imaginaires, musées et archives, enjeux économiques, créations et cultures, empreintes urbaines, sociétés, récits et médias, et mémoires vives. Complétée par des références bibliographiques et des textes, chaque vidéo de 5 minutes s’appuie sur des documents qu’il est possible de retrouver immédiatement en naviguant vers la médiathèque.
Véritable cœur archivistique du projet, celle-ci rassemble près de 1.500 documents entièrement indexés et catalogués, proposés en haute définition et téléchargeables. Initialement dispersée dans des collections archivistiques et muséales diverses, cette documentation est réunie pour la première fois en un lieu unique. Un outil de recherche permet d’y faire un dépouillement précis.
Le portail propose aussi trois balades urbaines : Marseille métropole d’empire ; imaginaire(s) et héritage(s) coloniaux dans les arts ; recours et conditions de vie de la main-d’œuvre coloniale à Marseille. Ces balades invitent à plonger dans l’histoire des traces urbaines laissées par la colonisation dans le patrimoine matériel et immatériel. Chaque itinéraire peut être arpenté physiquement ou virtuellement sur le site.
Un documentaire de 52 minutes consacré à l’exposition coloniale de 1922 est aussi proposé. Dans une démarche historique et critique, cet événement est décortiqué en mettant en lumière ses principaux enjeux : une exposition de propagande coloniale, une manifestation marseillaise à la gloire du commerce et de l’industrie locale, et un événement ludique et festif pleinement intégré dans la culture de masse et des loisirs.
Dans le même ordre d’idée, une visite virtuelle des vitrines d’empire qu’ont constitué le musée colonial de Marseille, fondé en 1893 et disparu en 1962, est proposée. Une quarantaine d’objets, prélevés dans les colonies, aujourd’hui dispersés dans diverses institutions muséales ou collections patrimoniales, sont replacés dans leur contexte de collecte et d’exposition en métropole.
Enfin, six parcours fléchés sont proposés à l’internaute qui souhaite être guidé dans sa navigation. En croisant les étapes des balades, les vidéos du web documentaire, les objets des vitrines d’Empire ou le film sur l’exposition coloniale de 1922, ils permettent d’approfondir différents thèmes : le rôle des sciences au service de l’impérialisme, la question du patrimoine colonial en ville, la place des femmes et du genre, les usages de la main-d’œuvre en contexte impérial, le racisme et l’antiracisme, les mouvements de lutte contre la colonisation.
Mars Imperium est un projet qui a réuni une soixantaine de personnes (chercheuses et chercheurs, professionnelles des humanités numériques, membres des institutions culturelles, actrices et acteurs du monde associatif, militantes et militants, étudiantes et étudiants, développeurs web, graphiste et cinéaste), pendant 3 ans. Coordonné par Céline Regnard et Xavier Daumalin, professeurs d’histoire contemporaine à Aix-Marseille Université (UMR TELEMMe), il a été financé par la fondation A*Midex et le consortium des partenaires.