« Les Jeux Olympiques de 1892 à 2024 »
par Patrick Clastres

Cet ouvrage de Patrick Clastres offre une synthèse historique très accessible sur les 30 éditions des Jeux d’été depuis Athènes en 1896 jusqu’à Paris en 2024. Professeur de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne, il y combine sans jargon, mais avec exigence scientifique, les approches sociales et culturelles, économiques et médiatiques, politiques et diplomatiques. Il s’adresse à un public très large de chercheurs et d’étudiants, de passionnés et de néophytes, qui souhaitent prendre du recul par rapport au plus grand événement culturel de la planète et par rapport aux organisations sportives internationales dont le Comité international olympique. Inscrit dans une dynamique d’analyse critique et globale de l’olympisme, ce travail entre en résonance directe avec deux ouvrages collectifs précédents qui s’inscrivent dans la même dynamique : Une histoire mondiale de l’olympisme (Atlande/Atlantique, 2023), dirigé par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Daphné Bolz, Yvan Gastaut, Sandrine Lemaire et Stéphane Mourlane, qui propose un récit inédit de l’histoire des Jeux à l’échelle globale, à travers 30 grandes dates et une centaine de contributions ; Une histoire globale des sports olympiques (Atlande, 2024) sous la direction de Michaël Attali, qui présente les 25 disciplines présentes au programme de Paris 2024 en parcourant 130 ans d'histoire olympique. Ensemble, ces trois livres forment une collection cohérente pour comprendre les multiples visages de l’olympisme contemporain et son histoire. Pour compléter cette sélection de 3 livres, l’indispensable Olympisme, une histoire du monde (La Martinière, 2024), catalogue richement illustré de la grande exposition éponyme au Palais de la Porte Dorée (26 avril-8 septembre 2024), où l’on découvre les grands enjeux géopolitiques, idéologiques et culturels qui traversent l’histoire olympique. En tribune pour le Groupe de recherche Achac, Patrick Clastres présente son ouvrage.
Depuis leur réinvention à Paris et à Athènes à la fin du XIXeesiècle, les Jeux olympiques semblent refléter la marche du monde. En fait, ils progressent à leur propre rythme, ni quadriennal, et ils ne sont jamais qu’un interlude posé dans les interstices des États, des sociétés et des économies. Faire l’histoire de leur aventure mondiale nécessite un préalable : mettre à distance le roman olympique conçu par le CIO.
Tout est parti de l’idée messianique imaginée en 1892 par Pierre de Coubertin : contribuer à la paix des nations par la compétition sportive. Pour défendre son idéal contre les ingérences politiques et commerciales, ce jeune aristocrate parisien a théorisé la neutralité de l’« olympisme ». Une contre-société d’échelle mondiale est apparue avec sa capitale et son gouvernement, sa géographie et sa diplomatie, son administration et sa législation. Depuis 130 ans, le CIO bataille contre les fédérations internationales pour imposer son hégémonie.
Pour appréhender la diffusion des JO d’Athènes en 1896 jusqu’à Paris en 2024, et décrypter l’olympisation des sociétés voulue par le CIO, une même trame est proposée au lecteur : l’imbrication des enjeux politiques et sportifs, la concurrence des jeux alternatifs, la compétition entre villes candidates, les portraits des présidents successifs du CIO, les cérémonies d’ouverture comme romans nationaux, le programme olympique au prisme des cultures corporelles, le dopage et la corruption, les oppositions à l’organisation des Jeux, la hiérarchie sportive des États, les trajectoires de vie des champions et championnes, les freins et avancées des droits humains dans le sport.
À travers trente Jeux olympiques emblématiques, de 1896 à 2024, cet ouvrage retrace l’histoire mondiale de l’olympisme en cinq grandes séquences : expérimentations, instrumentalisations, mondialisations, médiatisations, professionnalisations et hybridations. Chaque chapitre éclaire comment les Jeux ont été utilisés pour affirmer des idéologies, accompagner des mutations géopolitiques ou servir des stratégies culturelles, économiques ou diplomatiques. Cette fresque historique offre une lecture décentrée et critique d’un événement devenu un miroir du monde.
Faire l’histoire des Jeux Olympiques
Inaugurés à Athènes en 1896, les Jeux olympiques d’été n’ont pas d’équivalent dans la planète des sports. Ce sont des compétitions internationales qui ne sont pas centrées sur un seul sport, et que l’on pourrait considérer comme des expositions universelles athlétiques. Tous les quatre ans, des milliers de champions, de championnes et d’entraîneurs, et des dizaines de milliers de spectateurs s’y rassemblent à l’invitation d’une métropole et de son comité d’organisation. Les Jeux constituent également le point de rassemblement des membres du comité international olympique (CIO), des délégués des comités nationaux olympiques (CNO) et des fédérations internationales sportives (FI), des médias et des journalistes, des équipementiers et des sponsors, ainsi que des représentants de la plupart des gouvernements de la planète. Du fait de leur médiatisation, exponentielle depuis cent trente ans, ils mobilisent enfin, quotidiennement et durant deux semaines, l’attention de plusieurs centaines de millions de personnes.
Pour autant, on ne saurait considérer les Jeux olympiques comme le simple miroir des sociétés humaines. Ils sont, en effet, conçus comme un espace-temps séparé de la marche du monde auquel, toutefois, ils n’échappent pas complètement. En faire l’histoire, c’est donc toujours rechercher le point d’équilibre entre les logiques de la « planète olympique », qui constitue un monde en soi, et les autres facettes de l’activité humaine qu’elles soient politiques, économiques, sociales ou culturelles.
Les trente éditions olympiques qui s’échelonnent d’Athènes 1896 à Paris 2024 fonctionnent, assurément, comme des précipités chimiques de l’histoire pacifique et polémique du monde qui environne les Jeux, et qui les contraint. Mais, en faire l’histoire sans prendre en considération l’ensemble des institutions sportives, notamment le CIO qui en est l’ordonnateur, reviendrait à produire une histoire incomplète et superficielle.
SOMMAIRE
Expérimentations (1896-1912)
• Athènes 1896. La promotion de la Grèce et de son monarque Georges Ier
• Paris 1900. Des concours républicains plutôt qu’olympiques
• Saint-Louis 1904. L’exhibition peu olympique du Nouveau Monde athlétique
• Londres 1908. L’offensive des sportsmen britanniques
• Stockholm 1912. La neutralisation de l’olympisme
Instrumentalisations (1920-1936)
• Anvers 1920. Des Jeux de guerre pour sauver l’anachronique CIO
• Paris 1924. La mondialisation olympique au service de la diplomatie française
• Amsterdam 1928. L’esquisse d’une Société des nations olympiques
• Los Angeles 1932. La promotion touristique de la Californie
• Berlin 1936. La fusion du nazisme et de l’olympisme
Mondialisations (1948-1964)
• Londres 1948. Une résurrection sous bonne garde britannique
• Helsinki 1952. L’espoir d’une neutralisation de la guerre froide
• Melbourne 1956. Un décentrement inédit vers l’hémisphère sud
• Rome 1960. Les nouveaux équilibres de la planète olympique
• Tokyo 1964. L’arrimage longtemps contrarié du Japon et de l’Asie
Médiatisations (1968-1984)
• Mexico City 1968. Des Jeux sous contrôle militaire et masculin
• Munich 1972. Une impossible Détente sportive
• Montréal 1976. L’apogée olympique du communisme et le retrait des pays africains
• Moscou 1980. L’URSS fragilisée par le boycott américain
• Los Angeles 1984. La deuxième vague du capitalisme californien
Professionnalisations (1988-2008)
• Séoul 1988. La porte d’entrée dans l’ère du marketing
• Barcelone 1992. Les mirages des Jeux du président Samaranch
• Atlanta 1996. Le triomphe des grandes entreprises américaines
• Sydney 2000. Une cure de jouvence aux antipodes
• Athènes 2004. La réassurance patrimoniale de l’olympisme
• Pékin 2008. Une opération de sportswashing pour le géant chinois
Hybridations (2012-2024)
• Londres 2012. Le sacre de la culture-monde britannique
• Rio de Janeiro 2016. L’émergence contrariée de la puissance brésilienne
• Tokyo 2021. La rénovation de l’olympisme effacée par la pandémie
• Paris 2024. La fabrique de l’enchantement