« Les sciences de la Grande Muraille verte. Plantes médicinales et cosmétiques
dans l’espace sahélien : un état des savoirs »
par Gilles Boëtsch

Face au processus de désertification grandissant au sein de l’espace sahélien, les pays du Sahel ont lancé en 2007 un vaste projet de reforestation qui traverse le continent africain sur plus de 7 000 km, de Dakar (à l’ouest) à Djibouti (à l’est) : la Grande Muraille Verte (GMV). En plus de favoriser la capacité de résilience des Sahéliens qui vivent en grande majorité de l’agriculture et de l’élevage, la GMV ouvre également une voie nouvelle à la recherche scientifique sur l’usage des plantes par les habitants de ce territoire. Fruit d’un savoir ancestral, l’utilisation des plantes médicinales par les populations sahéliennes intéresse de plus en plus la littérature scientifique quant aux bienfaits et aux traditions culturelles qui lui sont associés. À l’inverse, le savoir développé sur les plantes à usage cosmétique reste faible mais constitue un potentiel de recherche important dans le champ scientifique. Afin de dresser un état des connaissances scientifiques au sein de l’espace sahélien, et en particulier sur l’utilisation des plantes dans le traitement de certaines pathologies, l’Institut Balanitès, l’Observatoire Hommes-Milieux Téssékéré (CNRS/UCAD) et l’IRN GGW (CNRS), organisent le colloque « Les sciences de la Grande Muraille Verte », qui se tiendra à Poitiers les 22 et 23 septembre 2025. À travers l’organisation de conférences et de tables rondes ouvertes à la communauté scientifique (notamment aux chercheurs originaires des pays sahéliens) et aux entreprises, l’objectif est de développer un savoir pluridisciplinaire sur ces questions. En tribune cette semaine, Gilles Boëtsch, président de l’Institut Balanitès et directeur de recherche émérite au CNRS, présente les objectifs et le programme de ce colloque.
L'Afrique sahélienne, qui s'étend du Sénégal à Djibouti, abrite une grande variété de plantes qui sont utilisées par les populations locales depuis longtemps comme en atteste les travaux de recherche en archéologie et en paléoenvironnement. Elles ont servi d’aliments mais aussi de ressources thérapeutiques ou cosmétiques. Ces plantes (comme certaines terres ou certains organes d’animaux) sont souvent intégrées dans les pratiques traditionnelles de médecine, tant pour les thérapies humaines qu’animales, connues et transmises de génération en génération. Le savoir des populations locales sur ces plantes médicinales utilisées par les populations locales depuis des siècles s’est construit effectivement au cours du temps, en fonction des modifications géoclimatiques comme culturelles (approche emic).
La littérature scientifique nous montre que le monde de la recherche s'intéresse de plus en plus aux propriétés pharmacologiques des plantes médicinales sahéliennes (715 publications scientifiques à ce jour), d’une manière très récente et proposée très majoritairement par des chercheurs des pays du Sahel. Ces recherches visent à identifier tout d’abord les usages des plantes médicinales par les populations locales, les traditions culturelles associées, les pathologies traitées, les composés bioactifs responsables des effets thérapeutiques et à évaluer leur efficacité et leur sécurité à travers des méthodes scientifiques modernes.
Concernant les ressources cosmétologiques proposées par les plantes sahéliennes, c’est tout un champ de recherches qui est en attente mais avec un potentiel élevé. Autant le savoir sur les plantes médicinales est conséquent, autant celui sur les plantes à usage cosmétiques est très faible et offre donc un haut potentiel dans l’espace sahélien.
Ce colloque organisé par l’Institut Balanitès, l’Observatoire Hommes-Milieux Téssékéré (CNRS/UCAD) & l’IRN GGW (CNRS) proposera un état partiel des connaissances scientifiques dans l’espace sahélien avant d’approfondir les relations plantes/pathologies/thérapies à travers de nombreux exemples. L’objectif de ces rencontres scientifiques est de favoriser l’émergence de connaissances nouvelles dans une approche plurielle, au travers de perspectives de recherche partagées. Il s’agira, en s’appuyant sur les dernières recherches in vivo comme in vitro ou sur des travaux de synthèses, d’ouvrir le monde des plantes à des approches davantage interdisciplinaires, à la valorisation des savoirs thérapeutiques et cosmétiques locaux, auxquels seront associées les populations (dans le respect des accords de Nagoya de 2010).
Ce colloque sera ouvert à la communauté scientifique, en particulier aux chercheurs des pays sahéliens, tout comme aux entreprises. Les restitutions des travaux se feront sous forme de conférences et de tables rondes. Quinze chercheurs originaires des pays sahéliens interviendront (Sénégal, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Tchad). La participation en présentiel est souhaitée mais, pour des raisons de disponibilité, la participation en distanciel sera possible (code d’accès fourni sur demande). Des interviews seront réalisées en direction du grand public. Un ouvrage de synthèse est envisagé.