Présentation de l’exposition Corse. Immigrations des Suds et émigrations
par le Groupe de recherche Achac
Initié il y a près de vingt ans — avec l’ouvrage Le Paris noir publié aux Éditions Hazan en 2001 —, le programme Immigration de Suds retrace l’histoire des vagues d’immigration extra-européennes arrivées en France depuis la fin du XIXe siècle, à travers une approche régionale et nationale. Ce sont près de 175 chercheurs, historiens, sociologues, spécialistes de l’histoire coloniale et migratoire, qui se sont associés afin de retracer cette histoire plurielle et multiculturelle à travers au total 8 livres (dans un coffret édité en 2010) et un programme de 20 expositions régionales. Le Groupe de recherche Achac, en partenariat avec la DAAEN, la Dilcrah, l’Ina, l’ECPAD et l’ANCT, ainsi que les associations Sirocco et Avà Basta, a souhaité mettre en lumière l’histoire migratoire corse à travers l’exposition Corse. Immigrations des Suds et émigrations, en tant que 19e exposition de notre cycle régional (après la Bourgogne-Franche-Comté et avant la toute dernière exposition sur la Champagne-Ardenne en cours d’élaboration pour fin 2020). L’exposition sur la Corse retrace, avec une approche pédagogique, 150 ans d’une histoire migratoire en Corse (immigration/ émigration). Cette exposition se veut un panorama didactique et imagé (photographies, peintures, affiches, couvertures de presse, cartes postales, documents officiels…), déclinant une histoire de la diaspora corse, de l’immigration italienne, maghrébine ou militaire et des nombreuses vagues migratoires de 1870 à nos jours. Elle sera diffusée par les partenaires régionaux du Groupe de recherche Achac, Avà Basta et l’association Sirocco, à travers toute la Corse à partir de l’été 2020 et sera présentée en avant-première sur les réseaux sociaux et le site du Groupe de recherche Achac au début du mois de mai 2020 dans le contexte du confinement.
Par son histoire et sa situation géographique, la Corse entretient des rapports privilégiés avec la France, mais aussi avec son voisin italien. Depuis le début du XIXe siècle, l’immigration italienne façonne le paysage et domine les flux migratoires vers et depuis l’île, jusque dans les années 1960. Partagée entre pauvreté et chômage, la Corse s’affirme comme l’un des premiers pourvoyeurs régionaux en hommes et en fonctionnaires de l’Empire. Trois grandes destinations dominent dans ce mouvement migratoire qui va contribuer à bâtir la diaspora corse : les Amériques, l’Empire colonial français (dans l’administration ou dans l’armée en Afrique) et l’Hexagone avec, comme ville-référence, Marseille.
Pendant la Première Guerre mondiale et au-delà, la Corse accueille de nombreux prisonniers, tandis que la guerre d’Espagne en fait une terre d’accueil pour les réfugiés politiques à la fin des années 1930. Pendant cent-cinquante ans, l’identité insulaire n’a de cesse de façonner les imaginaires. Les Corses se figurent entre deux mondes complexes, entre colonisés et alliés des colonisateurs (dans l’administration coloniale) avec, en superposition, un récit paradoxal fait de fraternité, d’accueil mais aussi de rejet et de xénophobie. Cette situation fabrique une appartenance dialectique, ni française ni italienne, et explicitement corse. « Le Corse est corse, puis français, puis anti-Italien », rappelle Patrice de Corsi, un ancien élu corse de la fin du XIXe siècle. Cette culture de résistance deviendra un éléments archétypal l’histoire de la Corse, depuis sa Libération de l’occupation allemande en 1943 — première région française libérée —, aux mouvements indépendantistes des années 1970. Dans cette « communauté de destin », le Maghreb occupe une place historique et spécifique. Les pied-noirs, les Marocains ou les Algériens constituent le lien avec l’Afrique, vers laquelle des générations de Corses se sont d’abord expatriées, avant de connaître sur l’île des flux migratoires importants en lien avec la fin de l’Empire colonial français.
Après ce long siècle d’immigration (1850-1950), pendant lequel le flux migratoire venu d’Italie a dominé, le rapport à l’étranger, sur l’île, a souvent été compliqué voire teinté de méfiance et de conflits. Ce mouvement accompagne l’émergence de la notion de « peuple corse » en octobre 1988, adoptée par l’Assemblée de Corse, affirmant « l’existence d’une communauté historique et culturelle vivante regroupant Corses d’origine et Corses d’adoption », une motion définissant désormais le peuple corse comme une communauté de destin. Récits, regards et imaginaires sont désormais interrogés à l’aune de cette longue histoire, tandis que des projets d’expositions et de festivals, des films, des ouvrages et de histoire et des grands événements qui redonnent désormais vie aux mémoires de l’immigration sur l’île. C’est à ces récits que cette exposition tente de donner une visibilité forte dans le prolongement de nombreuses expositions organisées ces dernières années en Corse.