Une histoire des noirs en Europe, de l’Antiquité à nos jours
Par Olivette Otele
Paru le 3 mars 2022 aux éditions Albin Michel, l’ouvrage Une histoire des noirs d’Europe d’Olivette Otele revient sur les liens, plus anciens qu’on ne le croit, qui unissent Africains et Européens. Elle fait dialoguer passé et présent en exposant les faits et parcours de personnages marquants, pour montrer que ces deux identités ne sont pas si éloignées et rappelle au passage que la distance entre la Sicile et Tunis est équivalente à celle qui sépare Londres de Paris. Première femme noire à obtenir une chaire d’histoire au Royaume-Uni, Olivette Otele est professeure à l’Université de Bristol. Elle travaille sur l’histoire coloniale et postcoloniale ainsi que sur les processus mémoriels. Son ouvrage, finaliste du George Orwell Prize for Political Writing, a été élu Meilleur livre de l’année 2020 par The Guardian et History Today. À la suite de cette tribune inédite, elle interviendra notamment lors de la table ronde Africains-Européens, une si longue histoire ? organisée au Musée national de l’histoire de l’immigration (Paris) le jeudi 10 mars 2022.
Lorsqu’on parle de l’histoire de l’Afrique et de ses liens avec l’Europe, on a tendance à penser que cette histoire commence au XVIIIe voire au XIXe siècle. On lie cette histoire à l’esclavage puis on passe directement à la période de l’après-guerre pour parler des flux migratoires en provenance du continent africain.
Une Histoire des noirs en Europe de l’Antiquité à nos jours retrace les multiples trajectoires des Afro-descendants en Europe du IIIe au XXIe siècle. Le volume commence avec la légende de Saint Maurice, soldat né à Thèbes (aujourd’hui Louxor) et analyse la manière dont l’histoire du personnage traverse les frontières et les différentes époques pour finalement faire du soldat un saint dont la statue est érigée à Magdebourg en Allemagne au XIIIe siècle. Les parcours de Saint Maurice, l’Empereur romain africain Septime Sévère et bien d’autres démontrent que la question de la couleur de la peau était moins perçue de manière négative dans l’Antiquité en Europe.
Le livre porte un regard sur les identités religieuses et comment elles limitent ou donnent accès à des formes d’affranchissement ou permettent de gravir les échelons sociaux du Moyen Âge au XVIIIe siècle pour nombre d’Africain-Européens. Le commerce de captifs africains déportés vers les Amériques (XVIe-XIXe siècle), redéfinit la manière dont la plupart des Européens perçoivent les personnes de descendance africaine les siècles qui suivent.
Le livre se penche sur la question du préjugé de couleur, la construction de la race, la place des femmes noires et les mouvements de résistance des Afro-descendants de l’Antiquité à nos jours. L’art européen permet de comprendre la manière dont les corps noirs sont représentés. La construction des identités africaines et européennes reste au cœur de cette analyse qui lie questions mémorielles et lois discriminatoires au rôle de l’éducation au sein et à l’extérieur des systèmes scolaires.