Joséphine Baker au Panthéon
Par le Groupe de recherche Achac
Le 30 novembre 2021, le Président de la République Emmanuel Macron célèbrera l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker. Née aux États-Unis, c’est finalement la France que la chanteuse, danseuse et résistante choisira en 1937. Son histoire, son engagement artistique et ses combats en font un symbole de la lutte antiraciste et une personnalité aux avant-postes d’une France ouverte au monde dans le prolongement du travail collectif engagé avec le recueil « Portraits de France ». Le Groupe de recherche Achac rend, ici, hommage à une figure de l’Histoire de France et se penche sur le numéro hors-série de L’Obs qui lui est dédié. Plusieurs évènements, programmés en amont de la cérémonie au Panthéon, se tiendront ce mois-ci pour mettre en lumière la singularité de son parcours et rendre hommage à une femme au parcours unique et exemplaire. Elle sera notamment mise à l’honneur dans l’exposition « Portraits de France » organisée au Musée de l’Homme en partenariat avec le Groupe de recherche Achac du 1er décembre 2021 au 17 janvier 2022 aux côtés de 58 personnalités sur 230 ans d’histoire.
À l’aune de la panthéonisation de Joséphine Baker, le Groupe de recherche Achac souhaite rendre hommage à une figure de l’Histoire de France. Depuis maintenant plusieurs années, de nombreux chercheurs, historiens, sociologues, anthropologues, biographes s’attèlent à retracer, à faire découvrir et revaloriser au sein de l’espace public la mémoire d’acteurs oubliés ou issus des minorités trop peu présents dans la mémoire collective. Ces travaux ont pu trouver une forme d’aboutissement avec le recueil Portraits de France, remis au ministère chargé de la Ville en début d’année 2021, et dans lequel figure le parcours de Joséphine Baker. Cet intérêt n’est toutefois pas nouveau. Nombreuses ont été les productions visant à remettre sur le devant de la scène les oubliés de l’Histoire, qui ont pourtant œuvré à construire notre société contemporaine. Ces travaux se sont traduits par la publication d’ouvrages comme Le Paris-noir. Présence afro-antillaise dans la capitale (Hazan, 2001) ou bien La France noire. Trois siècles de présences (La Découverte, 2011). En retraçant, au sein de ces anthologies, le parcours des communautés noires en France, force est de constater le caractère incontournable et unique de Joséphine Baker. Son impact dans le monde artistique à l’époque des Années folles et son héritage dans le présent est considérable, et nombreuses sont les traces – à l’image de l’album de lithographies Le Tumulte Noir de Paul Colin, réédité aux éditions Anthèse en 2011 avec des textes de Pascal Blanchard et Daniel Soutif – qui attestent de son influence sur le présent.
L’histoire de cette artiste, résistante, militante antiraciste et féministe est à la fois riche, complexe et incarne une France en conflit avec ses ambivalences et contradictions. Née en 1906 aux États-Unis, dans la ville de St-Louis, son parcours la conduit vite à adopter Paris, où elle chantera son amour pour la capitale en 1930. En effet, arrivée avec une troupe pour donner un spectacle aux Folies Bergère, haut lieu de fête des Année folles, Joséphine Baker séduit les Français dont elle devient très vite une icône. Elle voit en la France une terre d’émancipation, bien loin de l’Amérique ségrégationniste qu’elle a connu jusque-là. Elle joue ensuite un rôle déterminant durant la Seconde Guerre mondiale en rejoignant la résistance. Militante, elle signe l’« appel aux écrivains et artistes noirs » lancé en 1955 par la revue Présence Africaine, qui initie le premier Congrès international des écrivains et artistes noirs le 19 septembre 1956, auquel Aimé Césaire, Richard Wright, Amadou Hampâté Bâ, James Baldwin, Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso, Claude Lévi-Strauss participeront notamment. Enfin, elle défilera aux côtés de Martin Luther King en 1963 à Washington.
À l’occasion de son entrée au Panthéon qui aura lieu dans trois semaines, le magazine L’Obs dédie son hors-série du mois à Joséphine Baker. Cette édition est l’occasion de retracer ce parcours à travers un ensemble iconographique et plusieurs interventions de spécialistes abordant les nombreuses facettes de la diva parisienne. Les chercheurs Jean-François Staszak et Sylvie Chalaye, qui ont contribué à l’ouvrage Sexe, race & colonies (La Découverte, 2018) y signent des textes, tout comme l’historien Pascal Blanchard, pour qui « par sa vie même, Joséphine Baker démontre que la France n’est pas seulement un pays colonial et d’oppression, mais un pays plus complexe que ce qu’en dit sa caricature, où négrophilie et négrophobie cohabitent, où il y a de la fascination en même temps que de la haine de l’autre ». Ainsi, ce numéro est l’occasion, avant la cérémonie du 30 novembre, de (re)découvrir la vie de l’artiste, mais aussi de comprendre comment, peu à peu, le mouvement pour la reconnaissance des personnalités mises de côté malgré leur apport à l’histoire, a trouvé sa place au sein du débat public. Comme l’explique Pascal Blanchard : « Le mouvement est allé crescendo et a correspondu à la fois à une demande sociale qu’on pourrait dire communautaire, à mesure que des gens issus de cette histoire devenaient plus visibles, et à la fois à une demande beaucoup plus large de la société pour qui se faisait ressentir la nécessité de replacer ses présences noires dans l’historiographie française. »
En somme, l’histoire de Joséphine Baker, tout comme le symbole que véhicule sa panthéonisation, fait office de miroir de la société d’aujourd’hui et l’Histoire qu’elle souhaite désormais assumer et transmettre. Dans cette perspective, une rencontre est programmée le 16 novembre au Musée National de l’Histoire de l’Immigration.