Psychologie sociale du masque
Par Gilles Boëtsch
Gilles Boëtsch, anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS, a co-dirigé avec Didier Lepelletier, médecin hygiéniste et de santé publique, professeur d’hygiène hospitalière au CHU de Nantes et Catherine Leport, médecin infectiologue et professeure émérite à l’Université de Paris, le livre Psychologie sociale du masque. Histoire et actualité, co-édité par Atlande et Atlantique (mars 2022). L’ouvrage réunit un panel de spécialistes comme Henri Bergeron (CNRS, Sciences Po Paris), Bruno Grandbastien (CHU Lausanne, SF2H), Frédéric Keck (CNRS), Jocelyn Raude (EHESP), Isabelle Secret-Bobolakis (Fédération française de psychiatrie) et Patrick Zylberman (EHESP), avec une préface de Jean-François Guégan (INRAE), et propose une enquête historique, sociologique, anthropologique et psychologique sur le masque sanitaire. Quelle est l’histoire du masque ? Comment, à travers la planète, les différentes sociétés ont-elles vécu l’obligation du port du masque ? Qu'a dévoilé le masque de nos sociétés, des manques, des peurs et de notre capacité de résistance ? Les auteur.e.s proposent, ici, un débat sur les implications socio-politiques du port du masque et les effets sur le long terme de l’expérience collectivement vécue de la pandémie de Covid-19.
L’épidémie de COVID-19 et sa gestion nous ont obligés à revoir notre perception de la modernité. Nous avions cru que nous étions capables de bien contrôler les tempêtes microbiennes alors même qu’une maladie infectieuse émergente est par définition nouvelle et qu’il nous faut apprendre sur elle tout en marchant. Dans cet apprentissage, les masques comme les autres gestes barrières, les vaccins et les molécules anti-infectieuses constituent les éléments prophylactiques de notre trousse collective.
Le présent ouvrage, pluridisciplinaire, a pour ambition de documenter l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie d’un de ces éléments prophylactiques qui a donné lieu à de nombreux débats et controverses en tant qu’objets identifiés d’acceptation ou non des décisions politiques : les masques sanitaires. La France s’est dotée d’une doctrine sanitaire en avril 2020 pour préparer la sortie du premier confinement au printemps 2020. Cette doctrine comprend des mesures extrinsèques collectives et des mesures intrinsèques individuelles, parmi lesquelles le port du masque en population générale, dont l’objectif est à la fois individuel et collectif.
Les recommandations de port des masques et leur application ont notablement évolué au cours de la pandémie pour diverses raisons, la première étant le développement des connaissances sur le mode de transmission du virus et la période de contagiosité des personnes atteintes. Au printemps 2020, la France ne disposait pas de tests virologiques ni de masques pour la population générale. Elle dispose désormais de tous les types de masques et a établi une politique très large de dépistage et de traçage des contacts à risque ainsi que de diagnostic des patients symptomatiques, et surtout, elle a mis en place une politique de vaccination présentée par le Premier ministre le 3 décembre 2020.
Force est de constater qu’en dépit de ces évolutions, le niveau d’incidence se maintient à des niveaux élevés, malgré les confinements successifs de typologie « variable ». Depuis fin 2020, émergent rapidement des variants du virus SARS-CoV-2, d’une plus grande transmissibilité pour certains, avec un risque d’échappement à l’immunité acquise par la vaccination.
Il convient dès lors d’insister sur l’absolue nécessité d’expliquer de façon claire et compréhensible aux citoyens, sans discours discordants, les moyens de lutte à notre disposition contre leur propagation. Dans l’attente d’une couverture vaccinale large et efficace, il est indispensable de mobiliser la confiance des Français dans l’application simultanée de l’ensemble des mesures de la doctrine du Haut Conseil de Santé public, en associant celles qui nous incombent en tant que citoyen et maillon de la chaîne de transmission, dont le port du masque approprié, et celles qui incombent aux responsables d’établissements publics ou privés recevant du public.